MELANSON, NATHALIE (Bourgeois), mystique, née vers 1842 à Memramcook, Nouveau-Brunswick, fille de François Melanson et de Marie Le Blanc ; le 21 janvier 1865, elle épousa à Saint-Anselme, Nouveau-Brunswick, Denis-L. Bourgeois, cultivateur, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédée le 24 septembre 1923 à Scoudouc, Nouveau-Brunswick.

Nathalie Melanson vivait dans le village agricole de Scoudouc, où s’étaient établis ses parents, originaires d’une localité voisine, Memramcook. Fondé en 1809, Scoudouc deviendrait une paroisse seulement en 1907. L’endroit était donc desservi par des prêtres de Memramcook, de Saint-Anselme ou de Shédiac. Les pères de Sainte-Croix, qui avaient fondé le collège Saint-Joseph à Memramcook en 1864 [V. Camille Lefebvre*], eurent beaucoup d’influence sur Nathalie Melanson. Le père Louis-Joseph-Octave Lecours, qui fut responsable de la mission de Scoudouc durant 24 ans, jusqu’en 1892, favorisait la dévotion au rosaire et recruta bon nombre de ses ouailles au sein de l’archiconfrérie du Rosaire. Nathalie Melanson était un membre fervent de cette organisation et de l’archiconfrérie du Très-Saint-Sacrement. Elle appartenait aussi à un organisme dirigé par les pères de Sainte-Croix, la Société Saint-Joseph. D’après une histoire de la paroisse de Scoudouc, celle que l’on en vint à appeler mère Nathalie dans la région avait beaucoup de respect pour le père Lecours, à qui elle servait le dîner chaque dimanche après la messe.

On se souvient de Nathalie Melanson surtout à cause de son rôle dans les prétendues apparitions de la Vierge Marie à l’école de Scoudouc. À l’automne de 1893, un groupe d’enfants de 7 à 11 ans rapportèrent avoir vu et entendu la Vierge. Nathalie Melanson fut l’une des rares adultes à affirmer avoir eu elle aussi des visions surnaturelles. Son témoignage occupe une place importante dans un livre de Philéas-Frédéric Bourgeois*, l’École aux apparitions mystérieuses. Dans cette étude parue en 1896, Bourgeois présente les gens de Scoudouc comme des catholiques très pratiquants qui se rassemblaient chaque dimanche pour réciter le rosaire et faisaient souvent des processions en l’honneur de la Vierge.

Nathalie Melanson était au centre de la vie religieuse de sa collectivité et se trouva dans une position délicate au moment des apparitions. Un an avant le début de celles-ci, Scoudouc avait été rattaché à la paroisse de Shédiac. Le vicaire de cet endroit, Pierre-Paul Dufour, doutait de la réalité des manifestations de la Vierge et ordonna de ne pas envoyer les enfants à l’école tant qu’ils n’auraient pas repris leurs esprits. Il demanda aussi à Nathalie Melanson de se tenir à l’écart ; durant environ un an et demi, elle n’eut pas l’autorisation de se rendre à l’école. Dès qu’elle y retourna, les apparitions recommencèrent. En 1896, elle dit à Philéas-Frédéric Bourgeois qu’elle était heureuse de savoir que ses visions de la Vierge Marie et de l’Enfant Jésus seraient décrites en détail, étant elle-même illettrée.

Tout le temps que durèrent les apparitions, les fidèles qui y croyaient fermement en voulurent au vicaire et au curé de Shédiac d’avoir une attitude négative. Cependant, ils continuèrent d’obéir aux autorités religieuses. Bourgeois aussi se trouva dans une situation inconfortable. Il avait publié son enquête sur les apparitions sans avoir été mandaté par l’Église et son livre fut banni dans certaines paroisses du Nouveau-Brunswick.

Nathalie Melanson maintint son témoignage jusqu’à son décès en 1923 : une notice nécrologique parue dans le journal l’Évangéline affirme qu’elle mourut convaincue d’avoir vu la Vierge Marie. Son histoire illustre le rôle complexe exercé par le mysticisme dans la société canadienne-française. Nathalie Melanson, une des catholiques les plus ferventes de sa région, se trouva au centre d’une polémique au cours de laquelle elle fut réprimandée par l’Église qu’elle servait fidèlement.

Ronald Labelle

Centre d’études acadiennes, Univ. de Moncton, N. B., Fonds Alice Léger.— L’Évangéline (Moncton), 11 oct. 1923 : 8.— P. F. Bourgeois, l’École aux apparitions mystérieuses (Montréal, 1896).— J. A. L’Archevêque, Histoire de la paroisse St-Jacques-le-Majeur, Scoudouc, N. B., diocèse de Saint-Jean (s.l., 1932).— Ronald Labelle, « Philias-Frédéric Bourgeois : précurseur de l’ethnologie acadienne », Francophonies d’Amérique (Ottawa), nº 2 (1992) : 5–11.

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Ronald Labelle, « MELANSON, NATHALIE (Bourgeois) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/melanson_nathalie_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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