MAILLOUX, ÉLODIE (baptisée Marie-Mélodie), sœur de la charité de l’Hôpital Général de Montréal, administratrice, infirmière et éducatrice, née le 9 février 1865 à Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec), fille de Magloire Mailloux, forgeron, et de Rosalie Langlois ; décédée le 27 décembre 1937 à Montréal.
À l’instar de nombreux Canadiens français qui cherchent à améliorer leur condition économique en émigrant en Nouvelle-Angleterre, la famille d’Élodie Mailloux s’établit en 1867 à Fall River, au Massachusetts. Dès qu’elle atteint l’âge scolaire, Élodie est mise en pension au couvent Jésus-Marie de Fall River. Ses études terminées, elle rejoint, à l’âge de 17 ans, sa famille récemment installée à Ware, où se trouve aussi une communauté franco-américaine importante. Le prêtre de la paroisse, Jean Charlebois, l’encourage à entrer en religion et la guide vers les Sœurs de la charité de l’Hôpital Général de Montréal (sœurs grises). Elle fait son noviciat dans cette communauté de 1884 à 1887, au terme duquel elle prononce ses vœux perpétuels.
Sœur Mailloux devient aussitôt économe à la procure de la maison mère des sœurs grises, rue Guy, à Montréal. En 1894, ses supérieures l’envoient au St Vincent’s Hospital de Toledo, en Ohio, que dirige la congrégation. La carrière de sœur Mailloux prend alors un tournant qui s’avérera déterminant. Elle occupe dans un premier temps la fonction de garde-malade dans les chambres des dames et dans la salle d’opération. Puis, à la demande du conseil de la communauté, elle fonde à Toledo la première école d’infirmières des sœurs grises, qui ouvre ses portes en 1896. Forte de cette expérience, elle est rappelée à Montréal par la supérieure générale pour mettre sur pied, à l’hôpital Notre-Dame, la première école d’infirmières de langue française au Canada. Fondée en 1897, l’école des hospitalières et gardes-malades de l’hôpital Notre-Dame accueille ses premières étudiantes en 1898. Avec la création de cette école que les laïques peuvent fréquenter, les sœurs grises seront les pionnières d’un enseignement infirmier commun aux religieuses et aux laïques canadiennes-françaises. Les Canadiens anglais, quant à eux, bénéficient de telles écoles depuis les années 1870 [V. Theophilus Mack*].
Directrice de l’école des gardes-malades de 1898 à 1902, hospitalière en chef, puis supérieure de l’hôpital Notre-Dame, respectivement de 1897 à 1899 et de 1899 à 1902, sœur Mailloux marque l’histoire des soins infirmiers au Québec en instaurant un enseignement infirmier officiel et séculier destiné aux Canadiennes françaises : « De nos jours surtout, écrit-elle le 3 avril 1899, […] il faut nous résigner à satisfaire aux exigences de la science. Vous devez donc, mes chères sœurs, vous efforcer d’acquérir les connaissances nécessaires […] et donner aux médecins autant de satisfaction qu’ils en reçoivent des gardes-malades laïques. » Cette démarche est-elle trop osée pour la communauté ? Quoi qu’il en soit, sœur Mailloux interrompt ses activités hospitalières pour occuper d’importantes fonctions administratives au sein de sa communauté : assistante générale de 1902 à 1907, supérieure de la vicairie Ville-Marie (qui deviendra la province Ville-Marie en 1915) de 1907 à 1915, économe générale de 1915 à 1925 et supérieure locale à Cambridge, au Massachusetts, en 1925–1926.
Lorsque sœur Mailloux est de nouveau mutée à l’hôpital Notre-Dame pour y occuper les fonctions d’hospitalière en chef, en 1926–1927, puis de supérieure, de 1927 à 1930, la professionnalisation des infirmières est chose faite au Québec (avec la Loi constituant en corporation l’Association des gardes-malades enregistrées de la province de Québec, sanctionnée en 1920). Les principales communautés religieuses, convaincues que les soins infirmiers constituent davantage une vocation motivée par le sens de la charité qu’une profession exigeant une formation appropriée, rechignent toutefois à accepter cette nouvelle donne. Par ailleurs, une lutte s’engage à cette époque dans les hôpitaux entre les différentes catégories de professionnels de la santé au sujet de leur statut et de la définition de leurs responsabilités. Sœur Mailloux consacre ainsi l’essentiel de ses efforts, au cours de son second mandat à la tête de l’hôpital Notre-Dame, à défendre le rôle professionnel des infirmières en tant que gestionnaires et spécialistes des soins de santé. Plutôt que de voir les infirmières, dans leurs nouveaux rôles, comme subordonnées aux médecins, elle préconise l’adoption de critères professionnels pour toutes. Elle s’attache par exemple à préciser les tâches de l’hospitalière en chef et à lui assurer une certaine autonomie au sein d’une équipe médicale où sont clairement établis le rôle et les prérogatives de chaque profession.
En 1930, atteinte par la maladie, sœur Élodie Mailloux retourne à ses fonctions d’économe générale de la communauté, poste qu’elle occupe jusqu’à son décès. Elle meurt à la maison mère le 27 décembre 1937, emportée par une embolie cérébrale avec hémiplégie, et est inhumée au cimetière de la communauté, à Châteauguay, le 30 décembre de la même année. La création de l’école des hospitalières et gardes-malades de l’hôpital Notre-Dame et, par la suite, les constantes négociations avec les médecins et les administrateurs laïcs de cet hôpital (les sœurs grises n’étant pas propriétaires de l’établissement, mais chargées par contrat de sa régie interne) témoignent du sens aigu de l’organisation de sœur Mailloux, ainsi que de sa capacité à s’adapter aux situations nouvelles et complexes. L’une des premières, elle aura contribué à transformer, au Canada français, le rôle de l’infirmière traditionnelle : auparavant considérée comme une vocation caritative, la profession infirmière compte désormais parmi les véritables professions de la santé, soutenues par une formation rigoureuse et scientifique.
Nous tenons à remercier Esther Lamontagne pour sa collaboration à la rédaction de cette biographie, ainsi qu’Hélène Leblond et François M. Nadeau, archivistes des sœurs grises, pour l’information qu’ils ont bien voulu nous transmettre.
Aux Arch. des sœurs grises (Montréal) se trouvent plusieurs dossiers qui nous ont été fort utiles pour la préparation de la biographie de sœur Élodie Mailloux : celui qui porte son nom et qui contient notamment une notice biographique et un document intitulé « Obédiences » ; L036 (hôpital Notre-Dame)/F (corr.), 2 (corr. générale, 1926–1950), en particulier la lettre de la supérieure générale au trésorier du bureau d’administration, juin 1926, et la lettre du trésorier au supérieur Labelle, 9 juin 1926 ; ainsi que des documents conservés dans 24b (hôpitaux – historique – corr.).
Pour de plus amples renseignements sur la question de la professionnalisation des infirmières, nous suggérons aux lecteurs de consulter notre article, « la Contribution des Sœurs de la charité à la modernisation de l’hôpital Notre-Dame, 1880–1940 », CHR, 77 (1996) : 185–220, et notre volume, Profession infirmière : une histoire des soins dans les hôpitaux du Québec ([Montréal], 2000). Pour les questions relatives aux savoirs infirmiers et à la constitution de la discipline infirmière, nous les renvoyons à Yolande Cohen et al., les Sciences infirmières : genèse d’une discipline : histoire de la faculté des sciences infirmières de l’université de Montréal ([Montréal], 2002).
BAnQ-CAM, CE604-S10, 10 févr. 1865.— Le Devoir, 31 mars 1941.— La Presse, 29 déc. 1937.— Anita Caron, « Élodie Mailloux (1865–1937) : fondatrice de la première école catholique de gardes-malades du Canada », dans Ces femmes qui ont bâti Montréal, sous la dir. de Maryse Darsigny et al. (Montréal, 1994), 132–133.— Édouard Desjardins et al., Histoire de la profession infirmière au Québec (Montréal, 1970), 221.— Lucie Deslauriers, « Histoire de l’hôpital Notre-Dame de Montréal, 1880–1924 » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1984).— Albertine Ferland-Angers, l’École d’infirmières de l’hôpital Notre-Dame, Montréal, 1898–1948 (Montréal, 1948).— Julienne Gravel, « À la mémoire de mère Mailloux », la Garde-malade canadienne-française (Montréal), 11 (1938) : 125–126.— Hôpital Notre-Dame, l’École d’infirmières de l’hôpital Notre-Dame, Montréal, 1898–1968 ([Montréal, 1968]).— Estelle Mitchell, l’Essor apostolique : Sœurs de la charité de Montréal, « sœurs grises », 1877–1910 ([Montréal], 1981).
Yolande Cohen, « MAILLOUX, ÉLODIE (baptisée Marie-Mélodie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mailloux_elodie_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mailloux_elodie_16F.html |
Auteur de l'article: | Yolande Cohen |
Titre de l'article: | MAILLOUX, ÉLODIE (baptisée Marie-Mélodie) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |