Laurin, James (baptisé Jacques-Paul-François), ingénieur civil et entrepreneur de travaux municipaux, né le 4 mars 1863 dans la paroisse Notre-Dame, à Montréal, fils de Joseph Laurin, commerçant, et de Caroline Park ; le 13 juin 1885, il épousa dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste, à Montréal, Rose Saint-Aubin, et ils eurent une fille et un fils ; décédé le 30 octobre 1935 à Westmount, Québec.

James Laurin grandit au sein d’une famille aisée dans le quartier Saint-Louis de Montréal. À son baptême, il reçut les prénoms de Jacques-Paul-François ; sa mère, de descendance écossaise, lui donna cependant ensuite celui de James, qu’il utilisa sa vie durant, hormis dans certains documents officiels qu’il signait du prénom de Jacques. D’elle, il ne conserva que des souvenirs de jeunesse, car elle mourut d’une cause inconnue avant qu’il atteigne l’âge de la majorité. Son père, qui était alors huissier, poursuivit seul l’éducation de ses enfants, mais il se déchargea des tâches domestiques sur une employée de maison. James avait une sœur aînée, Marie, et un frère aîné, Edgar. Tandis que ce dernier embrassa la profession de médecin, James, lui, choisit le génie civil. Il étudia à l’académie commerciale catholique de Montréal, que fréquentaient les fils de bonne famille, et, ensuite, à l’École polytechnique de Montréal, d’où il sortit en 1884 avec la mention « grande distinction ».

Les diplômés de l’École polytechnique, des francophones à qui les portes de l’industrie demeuraient closes, trouvaient en majorité de l’emploi dans la fonction publique fédérale et le génie-conseil. Laurin, qui maîtrisait l’anglais, occupa un premier emploi atypique de ce point de vue : il travailla au service des locomotives de la compagnie Elmira, Cortland, and Northern Railroad, que venait tout juste de former l’entrepreneur ferroviaire américain Austin Corbin et dont les lignes desservaient l’État de New York. Son deuxième emploi était plus représentatif et marquerait profondément le reste de sa carrière : il entra au service de l’ingénieur-conseil Joseph-Émile Vanier en 1885. Une année plus tard, il était à ses côtés pour les arpentages préliminaires du tracé du chemin de fer de Montréal et Occidental, qu’Horace Jansen Beemer*, entrepreneur ferroviaire, faisait construire pour faciliter l’accès aux régions septentrionales de la province de Québec.

Or, Vanier accepta de remplir de nombreuses charges d’ingénieur au nom de municipalités des environs de Montréal. Son bureau connut, dès lors, une croissance de ses activités. Dans ces circonstances, Laurin en fut promu chef en 1888. Il supervisa une quinzaine d’ingénieurs qui s’occupèrent des spécifications techniques d’ouvrages, des dessins à l’échelle des constructions ou des estimations des coûts de projets. Il travailla en particulier à l’élaboration des égouts de Côte Saint-Louis (Montréal), de Côte Saint-Paul (Montréal), de Salaberry-de-Valleyfield, de Huntingdon, de Saint-Henri (Montréal) et de Saint-Lambert. En outre, il contribua à la mise en place des réseaux de distribution d’eau de Côte Saint-Louis, de Saint-Lambert, de Buckingham (Gatineau), d’Aylmer (Gatineau) et de Salaberry-de-Valleyfield. Enfin, il collabora à des projets tels l’aménagement de la centrale hydroélectrique à Salaberry-de-Valleyfield et la réalisation du réseau de distribution d’eau de la Montreal Water and Power Company. Sa profession, en 1901, lui rapporta un revenu de 2 700 $.

Après avoir acquis près d’une vingtaine d’années d’expérience, Laurin quitta le bureau de Vanier et se lança en affaires. En 1904, il s’associa à William Christopher Leitch, qui détenait jusqu’à ce moment le poste de directeur des travaux de construction de la Montreal Water and Power Company. Les partenaires de la Laurin and Leitch se divisèrent les responsabilités selon leurs habiletés respectives. Leitch, diplômé du Belleville Business College de Belleville, en Ontario, se chargeait de décrocher des contrats ; quant à Laurin, il contrôlait l’exécution des travaux sur les chantiers. Vanier ne disparut pas pour autant de l’entourage de Laurin, puisque la Laurin and Leitch remplit plusieurs contrats municipaux supervisés par son bureau. Les deux entreprises occupèrent, durant plusieurs années, des locaux dans le même édifice au centre-ville. Reconnu désormais comme un expert dans son domaine, Laurin donna des cours de génie municipal, de construction de réseaux de distribution d’eau, de routes et d’égouts à l’École polytechnique en 1908. Il fut également président de l’Association des anciens élèves de l’École polytechnique de Montréal en 1916.

L’entreprise de Laurin et de Leitch changea de raison sociale à maintes reprises de 1904 à 1924. Elle se nomma Laurin and Leitch, puis Laurin, Leitch and Company ou Laurin and Leitch Engineering and Construction Company, conformément aux différents actes de création et de dissolution. Trefflé Bastien se joignit aux associés de 1907 à 1916. Il connaissait personnellement Laurin, au moins depuis la fin des années 1890. Sa compagnie, Bastien et Valiquette, avait notamment exécuté des travaux sous la direction du bureau de Vanier. Depuis, Bastien était devenu l’un des propriétaires fonciers et immobiliers les plus importants de Montréal. En outre, de 1910 à 1916, il fut conseiller municipal de Montréal ; il devint ainsi un associé stratégique pour les affaires de Laurin et de Leitch. Arthur Vallée, avocat influent de Montréal, occupa le fauteuil de président ; Vanier lui succéda quelques années plus tard.

Plusieurs entrepreneurs se disputaient les appels d’offres pour la construction ou la réfection des infrastructures municipales. Durant sa période d’activité de 1904 à 1932, la compagnie de Laurin et de Leitch soumettait ainsi des devis, dont la valeur variait d’une trentaine à plus d’une centaine de milliers de dollars. En plus de contrats pour les municipalités, elle reçut d’importants contrats de la Montreal Water and Power Company, qui lui demanda de réaliser un réservoir d’eau et un réseau de distribution par conduit d’aqueduc. Polytechnicien habile, Laurin travailla à la pose de canalisation d’égouts à Montréal, à la construction d’un broyeur à déchets pour la ville de Westmount, à l’édification d’un pont qui enjambe la rivière Richelieu à Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu), à la construction du réservoir d’eau de la ville d’Outremont (Montréal), au creusage de la rivière Saint-François et à plusieurs autres travaux du même genre. Afin de réaliser ces projets, la firme de Laurin et de Leitch possédait la compagnie Montreal Crushed Stone Company, Limited, qui exploita une carrière à Saint-Vincent-de-Paul (Laval) de 1915 à 1932. La pierre était extraite de cette carrière, concassée sur place et transportée jusqu’aux chantiers de construction, où elle servait de matériau de base.

Quant à sa vie familiale, James Laurin la passa en compagnie de sa femme, Rose Saint-Aubin, et de ses enfants, Béatrice et Jacques-Émile. Après la mort du père de Rose, la famille accueillit à la maison sa mère, Monique, et sa sœur Georgina, qui demeurerait célibataire. Ils étaient de confession catholique. Dans une résidence de Westmount, ils menaient un train de vie suffisamment élevé pour qu’une employée protestante, émigrée d’Angleterre, remplisse les tâches domestiques. Laurin y mourut des suites d’une longue maladie, à l’âge de 72 ans. Il avait contribué à la mise en place de plusieurs infrastructures civiles importantes, telles que des réseaux de distribution d’eau et des égouts, pendant une période intense d’urbanisation de la province de Québec. La compagnie de Laurin et de Leitch cessa ses activités en 1933 : le fils de Laurin, qui avait étudié le génie civil à l’École polytechnique, prit en main les affaires durant les dernières années de l’entreprise avec l’aide de William Clair Leitch, le fils de William Christopher.

Jean-François Auger

BAC, Déclarations de recensement du Canada de 1911, Québec, dist. Hochelaga (160), sous-dist. Westmount (47) : 14 ; R233-35-2, Québec, dist. Montréal (90), sous-dist. quartier Saint-Louis (E) : 130 ; R233-37-6, Québec, dist. Montréal (177), sous-dist. quartier Saint-Louis (B) : 10.— BAnQ-CAM, CE601-S35, 13 juin 1885 ; CE601-S51, 5 mars 1863 ; TP11, S2, SS20, SSS48, vol. 24, 16 mai 1904, no 579 ; vol. 27, 14 mai 1907, no 311 ; 15 mai 1907, no 310 ; vol. 30, 16 juill. 1910, no 1236 ; vol. 39, 29 janv. 1916, no 308 ; 22 août 1916, no 1063 ; 15 sept. 1916, no 1133 ; vol. 48, 30 avril 1922, no 913 ; 1er mai 1922, no 994 ; vol. 51, 27 mars 1924, no 654.— FD, Notre-Dame (Montréal), 2 nov. 1935.— Le Devoir, 31 oct. 1935.— BCF, 1927 : 353.— Canadian Engineer (Toronto), 16 (1908–1909) : 536–537 ; 17 (1909–1910) : 138, 551, 731–732.— Robert Gagnon et A. J. Ross, Histoire de l’École polytechnique, 1873–1900 : la montée des ingénieurs francophones (Montréal, 1991).— H. M. Stiles, Official history of the Cornwall Cheese and Butter Board [...] ([Cornwall, Ontario ?, 1919 ?]).

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Jean-François Auger, « LAURIN, JAMES (baptisé Jacques-Paul-François) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/laurin_james_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2019
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