LAJUS, JORDAIN, chirurgien, lieutenant du premier chirurgien du roi, né le 4 février 1673 dans la paroisse Saint-Vincent de Nay, France, fils de Jean Lajus et d’Anne Vigneau, inhumé d’abord dans la chapelle des récollets de Québec le 12 mars 1742, enterré de nouveau dans l’église Notre-Dame de Québec en 1796.

Chirurgien de province, Jordain Lajus arriva à Québec en 1694 et exerça sa profession à l’Hôtel-Dieu. En 1696 il devint premier chirurgien de la milice durant la campagne de Buade* de Frontenac contre les Iroquois. Il passa la plus grande partie de sa vie dans la basse ville de Québec.

Lajus s’imposa au peuple et au clergé comme un citoyen responsable et un bon chrétien. Il devint membre de la confrérie de Sainte-Anne en 1702 et occupa le poste de marguillier de la paroisse Notre-Dame de Québec de 1710 à 1713. Bien qu’il fût engagé par le séminaire et d’autres communautés religieuses de Québec, c’est avec les récollets qu’il fut le plus étroitement lié. Chirurgien officiel de cet ordre à partir des environs de 1706, il en devint le syndic en 1708, se voyant confier la charge d’administrer la propriété et de défendre les intérêts matériels de la communauté.

Lajus possédait suffisamment de connaissances en droit pour être procureur devant les tribunaux ; ces connaissances, alliées à son expérience de la chirurgie, contribuèrent à sa nomination comme expert devant les tribunaux. En vertu de l’ordonnance criminelle de 1670, les juges nommaient des chirurgiens pour faire enquête sur des causes impliquant la mort ou des lésions corporelles ; à partir de 1701, Lajus témoigna à titre d’expert devant la Prévôté de Québec, la cour seigneuriale de Notre-Dame-des-Anges et le Conseil supérieur. Il évaluait également le coût des médicaments.

Les fonctions qu’exerça Lajus devant les tribunaux servirent de prélude à sa nomination, par lettres patentes datées du 2 mars 1709, de lieutenant du premier chirurgien du roi, Georges Mareschal, en remplacement du défunt Gervais Baudouin*, père. Cette commission, enregistrée à Québec en octobre 1710, ordonnait à Lajus de sanctionner toutes les lois régissant la chirurgie, « à la charge aussi qu’il [ne] recevra aucun chirurgien qui ne soit capable ». Les pouvoirs réglementaires de ce poste furent, semble-t-il, graduellement transmis au premier médecin du roi et l’on autorisa l’abolition de cette fonction après la mort de Lajus.

Comme lieutenant du premier chirurgien, Lajus présenta la pétition des quatre chirurgiens de Québec au Conseil supérieur en avril 1712. En 1710 les chirurgiens avaient obtenu par une ordonnance de l’intendant l’interdiction formelle pour les chirurgiens de vaisseau de soigner les membres de la colonie, et voilà que les chirurgiens de Québec tentaient d’invoquer le même argument pour priver les autres chirurgiens canadiens du droit d’exercer leur profession dans les limites de la ville. Puisqu’il ne s’agissait plus de maintenir une médecine de qualité, mais uniquement de sauvegarder des intérêts personnels, le Conseil supérieur rejeta la requête. Il est rarement fait mention de Lajus durant les 25 années qui suivirent. Il continua d’exercer ses fonctions de chirurgien, d’expert devant les tribunaux, d’estimateur et de syndic. Les notables de Québec faisaient désormais partie de sa clientèle. En 1717, Lajus fut invité à témoigner au sujet d’une guérison miraculeuse obtenue par l’intercession d’un frère convers récollet, le défunt Didace Pelletier*. Il fut chirurgien de l’Hôpital Général de 1717 à 1725. En 1734, il offrit ses services pour soigner les victimes de la petite vérole qui se trouvaient à bord du Rubis. Il prodigua à deux reprises des soins bénévoles aux officiers et soldats atteints de la fièvre, avant que ceux-ci ne soient emmenés à l’Hôtel-Dieu. En août 1740, comme le même navire arrivait à Québec contaminé par la fièvre, Lajus se porta au chevet de Mgr de Lauberivière [Pourroy*] et l’assista avant sa mort. Le chirurgien Lajus reçut 20# en retour de ses services.

En 1738, Jordain Lajus sollicita du ministre de la Marine, Maurepas « un brevet de chirurgien commis aux rapports ordonnés en justice », poste qui n’existait pas encore au Canada. Lajus avait craint que sa commission de 1709 ne fût invalidée en 1736 par la mort du premier chirurgien du roi et il désirait vivement conserver son exemption de loger des troupes. Lajus soutenait qu’il avait travaillé pendant plus de 30 ans sous la direction du médecin Michel Sarrazin* lequel lui avait appris certaines notions de médecine interne. Dans une lettre qu’il joignit à la pétition de Lajus, l’intendant, Gilles Hocquart*, déclarait que le nouveau poste serait superflu et que Lajus, comme syndic des récollets, était déjà exempté de loger des troupes. « Le sieur Lajus, écrivait Hocquart, est médiocrement versé dans l’art de chirurgie, les grandes opérations se sont toujours faites à l’Hôtel-Dieu [...] il est agréable au public par ses soins assidus auprès des malades et même par son désintéressement. »

Grâce à ses services dévoués au public, à l’Église et à la couronne, Lajus acquit une excellente réputation au Canada. Une lettre de Pierre Hazeur* de L’Orme témoigne du respect que lui mérita son abnégation. Lorsqu’il apprit que Lajus était décédé en 1742, après une visite en France, le chanoine de L’Orme écrivit : « Je suis très fâché de la mort du pauvre M. de La Jus, il mérite assurément les regrets de tous ceux qui l’ont connu. »

Lajus avait épousé à Québec le 21 novembre 1697 Marie-Louise, fille de Guillaume Roger*, premier huissier du Conseil souverain ; ils eurent 14 enfants. Sa première épouse mourut en 1716 ; il épousa en secondes noces, le 8 septembre 1717, Louise-Élisabeth Moreau, dit Lataupine. Dix enfants naquirent de cette union, mais seulement cinq des enfants de Lajus atteignirent l’âge adulte. Ses deux filles, Marguerite-Ursule et Élisabeth-Simone, épousèrent des membres de la petite noblesse mercantile et seigneuriale de la colonie. Son fis aîné, Jean-François, entra chez les récollets en 1727, sous le nom de Jean-Baptiste. Après avoir été longtemps aumônier militaire, il devint supérieur de la communauté en 1761. Un autre de ses fils, François-Michel, devint capitaine de vaisseau, tandis que Louis-François-Xavier* succéda à son père en chirurgie et devint l’un des plus éminents chirurgiens de son époque.

Peter N. Moogk

AD, Pyrénées-Atlantiques (Pau), État civil, Saint-Vincent de Nay, 6 févr. 1673.— AN, Col., C11A, 71, pp. 134s., 139–142 ; Col., E, 249 (dossier Lajus) (copies aux APC).— ANQ, Greffe de Louis Chambalon, 14 mars 1710, 17 mars 1713 ; Greffe de J.-C. Louet, 8 mars 1732 ; NF, Coll. de pièces jud. et not., 309, 509, 611, 651, 753, 803, 830, 1 089, 1 205, 1 206, 2 006, 2 800.— APC, MG 8, B1, 9, pp. 199s., 227s. ; 10, pp. 185s. ; 12, pp. 149s., 154s., 225 ; 20/3, pp. 739s. ; 35/3, pp. 1 071s.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., III : 463.— Jug. et délib., IV, V, VI, passim.— J.-F. Perrault, Extraits ou précédents des arrests tirés des registres du Conseil supérieur de Québec (Québec, 1824), 29.— Recensement de Québec, 1716 (Beaudet), 41.— Recensement de Québec, 1744 (RAPQ), 68.— P.-G. Roy, Inv.,jug. et délib., 1717–1760, I, III, passim ; Inv. ord. int., I, passim.— Tanguay, Dictionnaire.— Ahern, Notes pour l’histoire de la médecine, passim.— P.-G. Roy, La ville de Québec, I : 252 ; II : 166, 192.— Arthur Vallée, Un biologiste canadien : Michel Sarrazin, 1659–1735, sa vie, ses travaux et son temps (Québec, 1927), 66–72.— O.-M. [Jouve], Étude historique et critique sur les actes du frère Didace Pelletier, récollet, BRH, XVII (1911) : 91, 206.— P.-G. Roy, La famille Lajus, BRH, XL (1934) : 243–247.— Henri Têtu, Le chapitre de la cathédrale de Québec et ses délégués en France, BRH, XVI (1910) : 356.

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Peter N. Moogk, « LAJUS, JORDAIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lajus_jordain_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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