JUNEAU, FÉLIX-EMMANUEL, instituteur, inspecteur d’écoles et auteur, né le 27 mai 1816 à Québec, fils de Nicholas Juneau, marchand, et de Josephte de Villers, décédé célibataire le 17 février 1886 dans sa ville natale.

Félix-Emmanuel Juneau étudia au petit séminaire de Québec de 1831 à 1833, fréquenta le collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1835–1836 et revint au petit séminaire en 1836–1837. Obligé d’interrompre ses études à la suite, semble-t-il, des difficultés financières de son père, il se livra à l’enseignement. Vers 1840, il ouvrit dans le faubourg Saint-Roch, à Québec, sa propre école, l’académie commerciale et littéraire, qui accueillera jusqu’à 160 élèves.

Juneau eut très tôt à cœur l’avancement de sa profession et le perfectionnement du corps enseignant. En mars 1845, il annonça dans le Castor (Québec), à titre de secrétaire pro tempore, la création d’un comité en vue de former une société réunissant tous les instituteurs du district de Québec. Peu après une assemblée générale tenue à son école, on créa l’Association de la bibliothèque des instituteurs du district de Québec (reconnue juridiquement en 1849). Première tentative de regroupement des instituteurs, elle comptait notamment parmi ses fondateurs Antoine Légaré*, Clément Cazeau, Charles Dion et Benoît Marquette. Une société similaire vit aussi le jour à Montréal en 1845. Les membres de l’association de Québec se réunissaient une fois par mois dans le but de « s’instruire mutuellement, se mettre en état de mieux satisfaire aux besoins de la société, [et] donner à l’état d’instituteur toute l’importance qu’il a[vait] chez les autres nations » ; ceux-ci se proposaient, entre autres, d’uniformiser non seulement les méthodes d’enseignement mais les matières et le matériel scolaires ainsi que la discipline. Grâce à ses nombreuses pétitions au gouvernement, l’association de Québec favorisa des mesures qui devaient contribuer à l’amélioration de l’enseignement : nomination d’inspecteurs d’écoles à compter de 1852, mise sur pied d’une caisse de retraite en 1856 et création de trois écoles normales l’année suivante. Comptant environ 60 membres à ses débuts, elle connut une progression constante jusqu’en 1854, année au cours de laquelle un incendie détruisit la maison de Juneau contenant les archives et une partie de la bibliothèque de l’association. À compter de ce moment, les assemblées s’espacèrent et furent peu fréquentées. Toutefois, en 1857, le surintendant du département de l’Instruction publique, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, en inaugurant les trois écoles normales, institua aussi trois associations qui en fait prolongeaient celles de 1845. Le 21 juillet 1857, Juneau fut élu président de l’Association des instituteurs de la circonscription de l’école normale Laval. Il devait en être un membre assidu jusqu’à sa mort, intervenant fréquemment dans les discussions et y prononçant à l’occasion des conférences.

Membre du Bureau d’examinateurs du district de Québec depuis 1849, Juneau fut nommé professeur à l’école d’application de l’école normale Laval dès l’ouverture de cette institution en 1857. Il n’y resta toutefois que deux ans car, le 2 décembre 1859, on le nomma inspecteur d’écoles pour les comtés de Lévis et de Dorchester. Il s’agissait d’une charge particulièrement lourde, puisque les inspecteurs devaient, aux termes de la loi, visiter leur district deux fois par année et faire rapport au surintendant. En 1859, Juneau avait sous sa responsabilité 99 écoles dispensant l’enseignement à 6 837 enfants. Son salaire annuel était de $700. Ses rapports indiquent qu’en général la qualité de l’enseignement était bonne ; d’ailleurs, il note chaque année des progrès constants à ce chapitre. Le 16 juin 1868, Juneau se vit confier un autre district d’inspection englobant les comtés de Montmorency, de Québec et de Portneuf, et incluant les écoles catholiques de la cité de Québec. Ce district sera subdivisé en 1875, compte tenu de son étendue. Un an avant son décès, Juneau avait 130 écoles sous sa juridiction, fréquentées par 8 237 élèves, et il recevait un salaire annuel de $1 000.

Ce souci d’améliorer le statut des instituteurs et la qualité de l’enseignement devait amener Juneau à publier plusieurs volumes, afin de venir en aide à ses collègues et de rendre plus agréable aux enfants la période d’apprentissage. Ainsi, dès 1847, il faisait paraître à Québec une Dissertation sur l’instruction primaire, dans laquelle on propose de réunir à la fois les avantages pratiques de l’enseignement mutuel, du simultané et de l’individuel, un des premiers ouvrages pédagogiques écrits par un instituteur laïque canadien-français. Face à une situation où les écoles étaient en général trop petites et mal ventilées, les écoliers trop nombreux et le matériel pédagogique souvent archaïque, il proposait d’avoir recours au système de Joseph Lancaster, basé sur l’emploi de moniteurs, tout en laissant au maître une part active dans l’enseignement. La même année, il réédita à Québec la Nouvelle Méthode pour apprendre à bien lire du Français Jean Palairet. D’après le témoignage de Charles-Joseph Magnan*, « cette méthode de lecture était laborieuse, illogique et dépourvue d’intérêt », mais elle fit longtemps partie des livres approuvés par le conseil de l’Instruction publique. En 1866, Juneau publia un Traité de calcul mental à l’usage des écoles canadiennes (Québec) qui avait le grand mérite, selon Edmond Lareau, de proposer enfin aux écoliers « des opérations en piastres et centins ». Deux ans plus tard, en collaboration avec Napoléon Lacasse, il publia à Québec un Alphabet ou syllabaire gradué, d’après une nouvelle méthode, qui se voulait plus rationnel et plus approprié à l’intelligence des enfants que les ouvrages antérieurs du même genre.

Après avoir consacré près de 50 ans au domaine de l’éducation, Félix-Emmanuel Juneau s’éteignit à Québec en 1886. Il pouvait revendiquer le mérite d’avoir été un des premiers instituteurs laïques à travailler sans relâche à la valorisation de la profession d’enseignant et au perfectionnement de ses confrères.

Huguette Filteau

Outre les ouvrages déjà mentionnés, Félix-Emmanuel Juneau est l’auteur de : Ode à mon âme (Québec, 1874) ; Livret des écoles ou petites leçons de choses (Québec, 1877).

AC, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Roch (Québec), 20 févr. 1886.— ANQ-Q, Etat civil, Catholiques, Notre-Dame de Québec, 28 mai 1816.— ASQ, Fichier des anciens.— Canada, prov. du, Statuts, 1849, c.145.— JIP, 1857–1879.— Catalogue des anciens élèves du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 1827–1927, [François Têtu, compil.] (Québec, 1927).— Quebec directory, 1854–1886.— P.-G. Roy, Fils de Québec (4 sér., Lévis, Québec, 1933), IV : 10–12.— [L.-]A. Desrosiers, Les écoles normales primaires de la province de Québec et leurs œuvres complémentaires ; récit des fêtes jubilaires de l’école normale Jacques-Cartier, 1857–1907 (Montréal, 1909), 83, 148–152.— André Labarrère-Paulé, Les instituteurs laïques au Canada français, 1836–1900 (Québec, 1965), 119–133.— Joseph Létourneau, « Notice nécrologique : feu M. F. E. Juneau », L’Enseignement primaire (Québec), 6 (1886) : 54–56.— C.-J. Magnan, « Éducateurs d’autrefois – anciens professeurs de l’école normale Laval – IV – F.-E. Juneau : 1816–1886 », BRH, 48 (1942) : 44–50.

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Huguette Filteau, « JUNEAU, FÉLIX-EMMANUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/juneau_felix_emmanuel_11F.html.

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Auteur de l'article:    Huguette Filteau
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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