JULIAN, PETER NICHOLAS, chef micmac, fermier et entrepreneur forestier, né en 1854 à Eel Ground, Nouveau-Brunswick, fils de John Nicholas Julian et de Mary Angelique Cloud ; en 1875, il épousa Mary Ann Gurnabil (une déformation de Somerville), et ils eurent au moins trois filles et un fils, puis en 1887, Mary Charlotte Ward (décédée le 15 janvier 1958), et le couple n’eut pas d’enfants ; décédé le 25 février 1938 à Eel Ground.

Le baptême de Peter Nicholas Julian, célébré lorsqu’il avait quatre semaines, soit le 24 septembre 1854, est consigné dans les archives de l’église catholique St Patrick à Nelson (Miramichi), au Nouveau-Brunswick. Julian était l’arrière-petit-fils de John Julien*, qui avait reçu le mandat de chef des Amérindiens de la rivière Miramichi en raison du soutien qu’il avait apporté aux Britanniques pendant la période d’agitation des Amérindiens liée à la Révolution américaine. Dans les années 1780, on lui concéda, à lui et à sa tribu, des terres situées sur la Miramichi aux environs de Red Bank, ainsi qu’à Eel Ground, non loin de là. Sa tribu se composait d’une bande établie à Eel Ground, à laquelle il appartenait, et d’une autre à Red Bank. Après sa mort, le rôle de chef alla à son fils Andrew Julian ; le pouvoir passa ensuite aux mains du cousin d’Andrew, Barnaby Julian, de Red Bank.

En 1841, quand le commissaire aux Affaires indiennes du Nouveau-Brunswick, Moses Henry Perley*, se rendit à la Miramichi, il s’aperçut que Barnaby Julian avait divisé une grande partie de la rive à Red Bank en lots, qu’il avait loués ou vendus. Après avoir consulté le conseil de bande, Perley le destitua et nomma chef Nicholas Julian d’Eel Ground, un frère d’Andrew. Cette désignation plaça Nicholas Julian à la tête de la tribu, mais celui-ci ne s’impliqua pas dans les affaires de la bande de Red Bank, où le désordre s’installa.

Quand Nicholas Julian mourut, en 1868, son fils John Nicholas prit le rôle de chef et tenta d’obtenir une nomination officielle du gouvernement. Toutefois, le transfert des affaires indiennes à Ottawa au moment de la Confédération provoqua un retard administratif, et ce n’est qu’en 1871 que John Nicholas Julian fut officiellement nommé chef. Ce délai créa un climat d’incertitude, qui donna lieu à une remise en question de son mandat et à la formation d’une opposition. À sa mort, en 1888, presque tous les hommes d’âge adulte de la réserve d’Eel Ground signèrent une pétition pour que cesse la succession héréditaire au poste de chef et pour que soit instauré un système électoral. La bande élut par la suite Thomas Barnaby*, mais en 1893, on réclama une autre élection, et c’est à cette occasion que Peter Nicholas Julian, alors dans la fin trentaine, fit son entrée en politique tribale. Au début de l’année suivante, il écrivit à Ottawa que les rivaux de Barnaby avaient recours à des « moyens odieux » pour le faire destituer. Bien qu’il ait nié toute volonté de déloger Barnaby, il mentionna quand même qu’en tant que « descendant en ligne directe de la famille Julian », il était la « personne apte » à remplir les fonctions de chef. En avril 1894, après que le département des Affaires indiennes lui eut fait savoir qu’une nouvelle élection était nécessaire, il se présenta et fut élu. À cette époque, il était un fermier et un entrepreneur forestier prospère, ainsi qu’un catholique dévoué qui ne consommait pas d’alcool ni de tabac. Comme fermier, il s’occupait du « meilleur lopin de terre d’Eel Ground » et quand il employait une équipe d’hommes pour couper et transporter des traverses de chemin de fer, il les traitait équitablement. Pour ces raisons, et grâce à son charme et son allure aristocratique, il imposait le respect.

Peu de temps avant que Julian soit élu, les Affaires indiennes avaient décidé de demander aux Amérindiens de la Miramichi de céder officiellement les terres qui ne leur appartenaient plus, principalement parce qu’elles avaient été louées ou vendues illégalement. Les lots seraient alors devenus la propriété de leurs occupants non amérindiens. La plupart de ces lots se trouvaient sur le territoire de Red Bank, et quand les Amérindiens de l’endroit prirent connaissance de ce projet, ils le jugèrent inacceptable. Au même moment, Julian avisa le département qu’en raison de son intérêt pour ces terres, aucune ne devrait être vendue sans son consentement. Le surintendant de district des Affaires indiennes, William Doherty Carter, mit en garde le département contre la demande de Julian : les Amérindiens de Red Bank n’avaient joué aucun rôle dans son élection et étaient contrariés par son ingérence dans leurs affaires. Néanmoins, en novembre 1894, en tant que seul chef officiel sur la Miramichi, Julian fut invité à Ottawa pour discuter de l’abandon des terres et semblait vouloir coopérer. Il assura le département que les terres occupées par les Amérindiens de Red Bank n’intéressaient pas sa bande. Celle-ci revendiquait, par contre, la Big Hole Tract, l’Indian Point Tract et un territoire situé à l’ouest de Red Bank, le long de la Little Southwest Miramichi, où se trouvaient la plupart des lots qui devaient être cédés.

Même s’il était de notoriété publique que ces territoires appartenaient à Red Bank, Carter reçut l’ordre de tenir une réunion avec les deux bandes et de tenter de leur faire signer les documents d’abandon des terres. Au cours de cette réunion et d’autres qui suivirent, peu de résidents de Red Bank se laissèrent convaincre de signer, si bien que la bande de Julian fournit la plupart des signatures. Ainsi, dès le début de 1896, le département avait réussi à imposer l’abandon des terres. Le véritable objectif du chef était de faire transférer à la bande d’Eel Ground la grande partie de la Big Hole Tract que la bande de Red Bank n’avait pas cédée au gouvernement. En revendiquant les terres dont on réclamait l’abandon, puis en facilitant ensuite cet abandon, Julian se plaçait dans une position de négociation avantageuse. Il ne faisait pas de doute que la bande d’Eel Ground possédait un territoire restreint comparativement à celui de la bande de Red Bank, qui était plus petite. Les Amérindiens de cet endroit opposèrent d’abord une résistance, mais ils cédèrent à la forte pression en 1896 et acceptèrent de transférer la moitié de la Big Hole Tract à Eel Ground. Cette cession mit fin au conflit territorial, mais la bande de Red Bank garda du ressentiment contre la conduite arbitraire du gouvernement, et le rôle intéressé que joua Julian, de connivence avec sa bande, provoqua la dégradation des relations entre les deux collectivités. En 1896, les Affaires indiennes reconnurent le statut distinct de la bande de Red Bank et John P. Tenass* en devint le chef.

Julian demeura chef d’Eel Ground jusqu’en 1903. Il ne se représenta pas cette année-là, mais il redevint chef de 1906 à 1909. Dans la conduite des affaires de la bande, il était aussi habile qu’il l’avait été dans les négociations avec Ottawa. Il savait faire des compromis, conclure des pactes avec ses adversaires et régler ses comptes. Dirigeant soucieux de l’ordre public, il accordait notamment la priorité au maintien de la paix et à la gestion d’une prison, et il n’hésitait pas à utiliser la force contre les malfaiteurs. Il porta tant d’intérêt à l’externat fédéral de la réserve qu’on l’accusa de se mêler de ce qui ne le regardait pas. On considéra cet intérêt avec plus d’indulgence quand, en 1902, il aménagea une pièce de sa demeure en salle de classe, après que l’école eut été détruite par un incontrôlable feu de broussailles.

Les adversaires de Peter Nicholas Julian mettaient en doute chacune de ses actions, mais personne ne pouvait nier son intelligence, son énergie et son dévouement à sa communauté. Plus tard, il devint un ancien respecté qui, comme le déclara à sa mort le North Shore Leader de Newcastle, était « tenu en haute estime sur la réserve pour ses nombreuses qualités ».


W. D. Hamilton

North Shore Leader (Newcastle, N.-B.), 4 mars 1938.— W. D. Hamilton, Dictionary of Miramichi biography (Saint-Jean, N.-B., 1997) ; The federal Indian day schools of the Maritimes (Fredericton, 1986) ; The Julian tribe (Fredericton, 1984).

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W. D. Hamilton, « JULIAN, PETER NICHOLAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/julian_peter_nicholas_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2013
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