GRAVELET, JEAN-FRANÇOIS, dit Charles Blondin, équilibriste, né le 28 février 1824 à Saint-Omer, France ; décédé le 22 février 1897 à Ealing (Londres).

Jean-François Gravelet, qui prendrait plus tard le surnom de Blondin que sa chevelure pâle avait valu à son père, marcha pour la première fois sur une corde raide à l’âge de cinq ans. Comme c’était une corde à linge tendue entre deux chaises de cuisine, il tomba. Ce fut sa dernière chute, même s’il allait continuer à se balader sur des cordes jusqu’à plus de 70 ans. « Le petit prodige », comme on l’annonçait, fit sa première apparition sur scène à huit ans et devint rapidement une étoile de music-hall et de cirque en France et en Grande-Bretagne. Phineas Taylor Barnum, le forain, l’emmena en Amérique du Nord avec une troupe d’acrobates aériens. En 1859, Blondin, qui faisait alors ses spectacles en solo, arriva aux chutes du Niagara et annonça qu’il traverserait le terrible ravin.

La région des chutes, particulièrement du côté canadien, était devenue un immense piège à touristes qui attirait les visiteurs par dizaines de milliers. Après avoir admiré le panorama, ceux-ci voulaient assister à des exploits, et il y en avait eu à profusion depuis l’époque de William Forsyth*. Blondin proposait le plus grand exploit jamais accompli, mais son premier auditoire fut modeste. En effet, peu de gens croyaient qu’un homme puisse survivre à une telle entreprise et la plupart pensaient qu’il changerait d’avis et s’enfuirait. Un organisateur local fournit 1 300 pieds de câble de deux pouces en chanvre de Manille et des fils de haubans qu’on tendit au-dessus du ravin, à environ trois quarts de mille en aval des chutes canadiennes, entre un point qui surplombe le quai actuel du vapeur Maid of the Mist et le parc appelé White’s Pleasure Grounds, en aval de Prospect Point, du côté américain.

Le 30 juin, à quatre heures quarante-cinq de l’après-midi, Blondin, vêtu d’une chatoyante combinaison de soie et tenant un contrepoids de 35 pieds, sauta sur la corde au parc d’attractions. L’orchestre avait entonné la Marseillaise. Selon le Globe de Toronto : « Après avoir marché environ 150 verges, il se laissa subitement tomber sur la corde pour se reposer un peu. Un frémissement involontaire parcourut la foule quand, intrépide, il s’appuya le visage sur le câble, tandis que plusieurs dames poussaient un cri aigu et s’accrochaient plus fermement à leur protecteur. » Au milieu du ravin, il s’assit encore, envoya une corde au Maid of the Mist, remonta une bouteille « contenant quelque boisson », but et commença sa remontée vers la rive canadienne. Il devait monter car le câble, qui était lâche, s’était affaissé sur une cinquantaine de pieds. Vers la fin, il semblait fatigué mais il jouait probablement la comédie. La traversée avait duré 15 minutes. Après avoir mangé et arrosé son exploit au Canada, il remonta sur la corde et, d’un pas pressé, rentra en sept minutes. Avant l’automobile et l’hélicoptère, c’était, tout compte fait, le moyen le plus rapide de traverser.

Blondin était dès lors aussi célèbre que les chutes elles-mêmes, et les gens affluaient par train, par voiture ou par bateau à vapeur pour le voir se rire du danger. Il marcha le soir sur des échasses et, avec un sac sur la tête, il fit des sauts périlleux arrière sur la corde, se débattit dans des chaînes, et se prépara même un repas sur un grand poêle de fonte, au-dessus du ravin. Le correspondant du Times de Londres écrivit : « Je crois sincèrement qu’au moins la moitié des foules qui vont voir Blondin le font dans l’attente ferme de [...] le voir tomber. »

Désormais considéré comme un surhomme, Blondin proposa en août 1859 d’humaniser sa performance en transportant sur son dos une personne ordinaire. Comme il n’y avait aucun volontaire, c’est son impresario, Harry Colcord, qu’il mobilisa. Le spectacle du pauvre Harry, terrifié, qui dut descendre six fois pendant la traversée parce que Blondin avait de la difficulté était ce qu’on avait vu de plus excitant jusqu’à ce jour. Un fil de hauban cassa et Colcord prétendit que des parieurs l’avaient saboté.

L’année suivante, Blondin retourna aux chutes pour donner son spectacle devant le prince de Galles. Il offrit même de transporter le corpulent personnage sur son dos, mais celui-ci déclina gracieusement son invitation. Il prit alors son propre assistant, Romain Mouton. À mi-chemin, Mouton descendit pour se reposer et refusa de continuer. Blondin le menaça de le laisser rentrer chez lui par ses propres moyens. Le prince regardait, abasourdi, les deux hommes s’engueuler en français.

En 1861, le prince fit venir le grand funambule à Londres pour exécuter un numéro au Crystal Palace, à 180 pieds dans les airs, et par la suite Charles Blondin donna de nombreuses représentations en Angleterre et sur le continent. Après une brève retraite, il retourna sur la corde raide en 1880 et présenta son dernier spectacle à Belfast à l’âge de 72 ans.

Gordon Donaldson

AO, Hiram Walker Hist. Museum Coll., ms 392, file 133 (« Blondin »).— Buffalo and Erie County Hist. Soc. (Buffalo, N. Y.), Posters, photographs, and newspaper files relating to Charles Blondin [J.-F. Gravelet].— Globe, 1er juill. 1859.— Times (Londres), 2 oct. 1860, 23 févr. 1897.— M. F. Campbell, Niagara : hinge of the golden arc (Toronto, 1958).— Gordon Donaldson, Niagara ! the eternal circus (Toronto et Garden City, N.Y., 1979).— Niagara Falls, Canada : a history of the city and the world famous beauty spot ; an anthology (Niagara Falls, Ontario, 1967).— Andy O’Brien, Daredevils of Niagara (Toronto, 1964).— Percy Rowe, Niagara Falls and falls (Markham, Ontario, 1976).— R. L. Way, Ontario’s Niagara parks : a history (2e éd., [Fort Erie, Ontario], 1960).

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Gordon Donaldson, « GRAVELET, JEAN-FRANÇOIS, dit Charles Blondin », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gravelet_jean_francois_12F.html.

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Auteur de l'article:    Gordon Donaldson
Titre de l'article:    GRAVELET, JEAN-FRANÇOIS, dit Charles Blondin
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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