GOSSELIN, CLÉMENT, menuisier et officier, né le 12 juin 1747 à Sainte-Famille, île d’Orléans (Québec), fils de Gabriel Gosselin et de Geneviève Crépeaux ; le 22 janvier 1770, il épousa à Sainte-Anne-de-la-Pocatière (La Pocatière, Québec) Marie Dionne, puis le 15 janvier 1787, à Longueuil (Québec), Charlotte Ouimet, et finalement, le 8 novembre 1790, probablement à Champlain, New York, Catherine Monty ; décédé le 9 mars 1816 à Beekmantown, New York.

Dernier-né d’une famille nombreuse, Clément Gosselin quitta probablement l’île d’Orléans vers l’âge de 20 ans pour s’établir à Sainte-Anne-de-la-Pocatière où il possédait une terre au moment de son premier mariage en janvier 1770. Cinq ans plus tard, lors de l’invasion de la province de Québec par les troupes américaines, Gosselin appuya la cause révolutionnaire. Il compta vraisemblablement parmi les quelque 200 Canadiens qui prirent part à l’attaque, désastreuse pour les Américains, que Richard Montgomery*lança contre Québec dans la nuit du 30 au 31 décembre 1775. En plus de rendre précaire la situation militaire des envahisseurs, cet échec eut pour effet d’enrayer le courant de sympathie qui s’était développé à leur endroit au sein d’une partie de la population canadienne. Mais Gosselin ne fut pas ébranlé dans ses convictions.

De janvier à mai 1776, Gosselin parcourut les diverses paroisses de la rive sud du fleuve, depuis Pointe-Lévy (Lauzon et Lévis) jusqu’à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, recrutant des volontaires pour les troupes du Congrès ; il était secondé dans cette tâche par son beau-père, Germain Dionne, qui fournissait hardes et vivres aux nouvelles recrues. Gosselin convoqua aussi et présida des assemblées de paroisse pour faire élire des officiers de milice à qui il remit des commissions du Congrès. Il lut encore aux portes des églises, et força quelquefois les officiers du roi à lire eux-mêmes, les ordres et proclamations des Américains. Enfin, conjointement avec Pierre Ayotte, habitant de Kamouraska tout aussi dévoué à la cause révolutionnaire, Gosselin fit organiser des feux, sous bonne garde, destinés à prévenir les Américains de l’arrivée éventuelle de vaisseaux britanniques.

Le 4 mars 1776, Gosselin devint capitaine dans le régiment commandé par Moses Hazen et, le 25 du même mois, il prit part à l’attaque contre l’avant-garde de la troupe royaliste rassemblée par Louis Liénard de Beaujeu de Villemonde à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud. Le 3 mai suivant, trois jours avant que les troupes du Congrès ne lèvent le siège de Québec, Gosselin présidait une assemblée dans la paroisse Saint-Vallier. Puis, aucune trace de lui pendant plus d’une année. Plutôt que de suivre son régiment durant la retraite des troupes américaines vers la Nouvelle-Angleterre, il semble avoir opté pour la clandestinité, se terrant sans doute dans la région de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. En août 1777, il parvint à vendre sa terre à Jean-Marie Chouinard mais, quelques mois plus tard, il fut arrêté et écroué à Québec.

Libéré au printemps de 1778, Gosselin rejoignit son régiment à White Plains, près de New York, en compagnie de son beau-père et de son frère Louis. Entre-temps, dans les colonies américaines, l’idée d’envahir de nouveau la province de Québec avait connu un regain de faveur, surtout à la suite du traité d’alliance conclu avec la France, le 6 février 1778. Dans ce but, les hommes du régiment de Hazen ouvrirent un chemin depuis Newbury, au Vermont, jusqu’à la frontière. Quelques Canadiens se virent aussi confier des missions d’espionnage. C’est ainsi que de l’été de 1778 à l’été de 1780 Gosselin rentra en catimini au Canada à quelques reprises, répandant la rumeur de l’imminence d’une invasion des armées du Congrès qui seraient accompagnées, cette fois, par des régiments français ; ceci ne manqua pas d’inquiéter sérieusement le gouverneur Haldimand qui craignait la défection de la population canadienne advenant le retour de troupes françaises. Mais à l’automne de 1780, le Congrès abandonna finalement tout projet d’invasion.

Le 4 octobre 1781, Gosselin fut blessé au cours de la bataille de Yorktown, en Virginie, qui devait mettre fin à la guerre d’Indépendance. En juin 1783, après la conclusion du traité de Versailles, il fut promu major puis licencié. L’année suivante, l’état de New York donna des terres, sur les bords du lac Champlain, aux vétérans canadiens qui avaient servi dans les troupes du Congrès. Gosselin reçut pour sa part 1 000 acres de terrain dont il se départit peu après, préférant sans doute se remettre à la pratique de son métier de menuisier qu’il avait exercé avant l’invasion de la province de Québec par les Américains. Il vécut à Champlain jusqu’au début de 1791, au moment où il vint s’établir au Bas-Canada, dans la région de Saint-Hyacinthe. Vers 1800, il fit un court séjour à Sainte-Marguerite-de-Blairfindie (L’Acadie), puis se fixa à Saint-Luc où il vécut de 1803 jusqu’au début de 1815.

L’historien Gustave Lanctot* a porté un jugement très dur sur les Canadiens qui, comme Clément Gosselin, ont souscrit à la cause de la Révolution américaine. Il les a qualifiés d’« éléments ambitieux ou remuants [qui virent] dans l’invasion une occasion de profits et d’aventures [et qui ne constituèrent] qu’une fraction hostile, agressive et souvent peu scrupuleuse dans ses comportements ». Une telle interprétation ne résiste guère à l’analyse des faits. Elle semble plutôt tributaire d’un certain courant de pensée nationaliste canadien qui, né avec la Conquête, a constamment cherché à mettre en lumière la loyauté des Canadiens français envers la couronne britannique, sans doute par désir de voir se résorber les tensions et les tiraillements qui ont surgi entre deux entités socio-culturelles habitant un même territoire depuis désormais plus de deux siècles.

Pierre Dufour et Gérard Goyer

Arch. du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (La Pocatière, Québec), CAC 1038, nos 726.3, 726.5.— BL, Add. mss 21844 : 387–391.— « Journal par Baby, Taschereau et Williams » (Fauteux), ANQ Rapport, 1927–1928 : 435–499 ; 1929–1930 : 138–140.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Plessis », ANQ Rapport, 1927–1928 : 215–316.— DAB. J. E. Hare, « Le comportement de la paysannerie rurale et urbaine de la région de Québec pendant l’occupation américaine, 1775–1776 ; note de recherche », Mélanges d’histoire du Canada français offerts au professeur Marcel Trudel (Ottawa, 1978), 145–150.— Lanctot, Le Canada et la Révolution américaine. Robert Rumilly, Histoire des Franco-Américains (Montréal, 1958).— N.-E. Dionne, « L’invasion de 1775–76 », BRH, 6 (1900) : 132s.— Edmond Mallet, « Les Canadiens-français et la guerre de l’Indépendance américaine », BRH, 3 (1897) : 156s. ; « Le commandant Gosselin », BRH, 4 (1898) : 6–10.— E.-L. Monty, « Études généalogiques : le major Clément Gosselin », SGCF Mémoires, 3 (1948) : 18–38.— T. Saint-Pierre, « Les Canadiens et la guerre de l’Indépendance », BRH, 6 (1900) : 209–213.

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Pierre Dufour et Gérard Goyer, « GOSSELIN, CLÉMENT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gosselin_clement_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    20 nov. 2024