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GILL, MARGARET CATHARINE (Currie), institutrice et poète, née le 14 juin 1843 à Springhill, Nouveau-Brunswick, fille de Thomas Gill et de Catharine Gaynor ; le 2 novembre 1864, elle épousa à St Marys Parish, Nouveau-Brunswick, George William Currie, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédée le 7 août 1906 à Fredericton.
Margaret Gill était la petite-fille de l’enseigne Thomas Gill, des Maryland Loyalists, et l’on dit que son imagination littéraire a été influencée par les récits de la guerre d’Indépendance américaine que lui transmit son père. En janvier 1861, elle subit les examens de l’école normale de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et reçut un brevet de première classe pour enseigner dans le district ouest de St Marys Parish. Le recensement de 1861 la dénombre comme institutrice de confession baptiste vivant à St Marys avec son père, cultivateur et de confession méthodiste. En février 1864, son brevet fut transféré au district sud, et en février 1868, elle et son mari vivaient à Kingsclear Parish. Le 14 mai de l’année suivante, cependant, le brevet de Margaret fut ramené au district ouest de St Marys. Par la suite, les Currie s’installèrent à Fredericton où, « bien que les moyens du couple [aient] été limités », selon un historien de l’endroit, ils élevèrent quatre enfants, envoyèrent « leurs fils à l’université et leurs filles à l’école normale ».
Magaret Gill devait écrire occasionnellement pour des périodiques comme le Saint John Globe ou le Stewart’s Literary Quarterly Magazine, de Saint-Jean, mais elle attira d’abord l’attention sur ses textes poétiques avec la publication en 1866, à Fredericton, de Gabriel West, and other poems. Dédiés « aux descendants des loyalistes de toute la province du Nouveau-Brunswick », ces poèmes étaient écrits « pour préserver le souvenir des Loyalistes de l’oubli ». La plupart avaient été composés quand Margaret était encore adolescente et, outre le caractère actuel de ceux qui ont trait à Fredericton ou au trésor de pirate qui se trouve dans la province, ils présentent un intérêt mineur. Dans Gabriel West, toutefois, récit « appuyé sur des faits », elle devait créer de puissants rythmes narratifs pour raconter la tragédie d’un soldat loyaliste, ami de son grand-père, qui avait perdu sa femme et son enfant dans un naufrage survenu tandis qu’ils se dirigeaient vers le Nouveau-Brunswick. L’attachement profond de Margaret Gill Currie à sa province se trouve à la fois dans ce poème (« Mon cœur se réjouit dans le droit de louer / Ce pays comme mien, en des vers simples et familiers ») et dans le récit en vers subséquent, plus ambitieux, intitulé John Saint John and Anna Grey : a romance of old New Brunswick.
Publié en 1897 par William Briggs* de Toronto, « pour l’auteur », mais censé avoir été écrit 20 à 24 ans auparavant, John Saint John and Anna Grey rappelle le style des récits historiques en vers de Henry Wadsworth Longfellow tout en affichant les conventions mélodramatiques du xixe siècle : traîtres sombres et tourmentés, maisons de campagne anglaises isolées et climat de folie. Bien qu’il s’agisse en apparence de la tragédie d’un amour malencontreux et perdu, ce poème de 128 pages constitue aussi le tribut de Margaret Gill Currie aux loyalistes du Nouveau-Brunswick. Les Saint John et les Grey de la province y sont rendus admirables d’intégrité, de courage et d’humanité par contraste avec la perfidie et la décadence de l’aristocratie britannique. L’ordre est rétabli dans l’univers seulement lorsqu’Anna revient dans son Nouveau-Brunswick natal, à la fin, reposer aux côtés de son fidèle amoureux loyaliste, John Saint John. Affaibli par les intrusions moralisatrices de l’auteure et par l’insertion de deux récits supplémentaires dans les séquences sur l’asile d’aliénés, le poème offre néanmoins des détails imaginatifs de la vie domestique des loyalistes au Nouveau-Brunswick et comprend de vigoureuses descriptions :
Boueurs crasseux, charbonniers noircis, ramoneurs couverts de suie aux cheveux ébouriffés,
Chaudronniers noueux, colporteurs bruyants qui annonçaient leurs articles ou exerçaient leur métier ;
Bohémiennes sales à la beauté criarde qui en avaient long à conter aux voyageurs qui tendaient la main ;
Infirmes en haillons sautillant sur leurs béquilles, galopins aux pieds nus qui demandaient du pain ;
………………………
Forges embrasées et enclumes résonnantes, bruit du marteau et de la scie ;
Étudiants en toges aux toques fantaisistes, docteurs de la loi fort instruits ;
Pauvres orphelins maigres et dignes, veuves drapées dans les voiles de leur tourment –
Tout cela contribuait à former une ville anglaise il y a plus de soixante-dix ans.
Le fait que Margaret Gill Currie dut affronter le découragement que connurent de nombreux poètes canadiens du xixe siècle qui tentaient de faire connaître leurs travaux est illustré non seulement par la publication à compte d’auteur de John Saint John, mais aussi par une lettre datée du 23 juillet 1897 et adressée au rédacteur en chef John Valentine Ellis*, de Saint-Jean, avec un exemplaire de son livre pour recension. Elle attire son attention sur l’accent mis sur les paysages du Nouveau-Brunswick dans les trois premiers chapitres du poème et sur le fait qu’elle est personnellement satisfaite du portrait de la mère de John Saint John, puis ajoute : « Je ne doute pas que vous sachiez qu’il n’y a pas la moindre ombre de risque pour qu’un auteur canadien, un poète surtout, reçoive trop de reconnaissance ou devienne assez riche pour mettre sa moralité en péril [...] Beaucoup de journaux canadiens semblent considérer comme un devoir sacré de trouver tous les défauts possibles chez leurs auteurs, et à cet égard, ils manifestent une différence marquée avec les journaux et les périodiques des États-Unis, qui favorisent si généreusement les talents de chez eux. » Même si elle affirme : « Je n’ai pour ma part aucun motif de me plaindre de mon peuple », son état de femme au foyer et son intérêt pour les loyalistes du Nouveau-Brunswick peuvent avoir contribué à l’empêcher d’atteindre un aussi vaste public que Charles George Douglas Roberts*, Archibald Lampman* ou d’autres poètes de l’après-Confédération qui ont aussi décrit les paysages ou l’histoire du Canada. Après une longue maladie, elle mourut du diabète à sa maison de la rue George, à Fredericton, et fut inhumée à Springhill.
La lettre de Margaret Gill Currie à J. V. Ellis, adressée à « E. V. Ellis » et datée du 23 juillet 1897 à Fredericton, est insérée dans un exemplaire de son ouvrage intitulé John Saint John and Anna Grey conservé à la Saint John Regional Library (Saint-Jean, N.-B.). En plus des titres cités dans le texte, on trouve « Eventide whispers », publié dans Stewart’s Literary Quarterly Magazine (Saint-Jean), 2 (1868–1869) : 141.
AN, RG 31, C1, St Marys.— APNB, RS75, 1868, David Curry ; RS 115, 13/7–8.— Daily Gleaner, 7 août 1906.— Head Quarters (Fredericton), 16 nov. 1864.— Saint John Globe, 7 août 1906.— Sun (Saint-Jean), 8 août 1906.— L. M. Beckwith Maxwell, The River St. John and its poets (éd. augmentée, Sackville, N.-B., 1947), 34–37, et une photographie à la page 36.— The census returns of 1851, 1861, 1871, 1881 for St. Mary’s Parish, York County, New Brunswick (Fredericton, s.d.).— The Fredericton census of 1871, R. F. Fellows, édit. (Fredericton, 1974).— The New Brunswick census of 1851 : York county, Elizabeth Sewell et Elizabeth Saunders, compil. (Fredericton, 1979).
Gwendolyn Davies, « GILL, MARGARET CATHARINE (Currie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gill_margaret_catharine_13F.html.
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Auteur de l'article: | Gwendolyn Davies |
Titre de l'article: | GILL, MARGARET CATHARINE (Currie) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |