GANET, FRANÇOIS, entrepreneur de fortifications et de bâtiments, né en Bourgogne, France, vers 1675 et décédé le 14 octobre 1747 à Paris.
En 1724, le comte de Maurepas, ministre de la Marine, décida de mettre en œuvre des plans pour construire la batterie Royale et la batterie de l’Îlôt à Louisbourg, sur l’île Royale (île du Cap-Breton). Les soumissionnaires pour le contrat de construction comprenaient Jean-Baptiste Maillou, dit Desmoulins (appuyé financièrement par Gédéon de Catalogne*), et Jean-Baptiste Boucher, dit Belleville, tous deux de Québec ; mais en France, Jacques Raudot*, ancien intendant de la Nouvelle-France, et Jean-François de Verville*, le directeur des fortifications pour l’île Royale, recommandèrent François Ganet, un entrepreneur ayant réussi, avec de l’expérience dans les fortifications européennes et dont les tarifs étaient beaucoup plus bas que ceux de l’entrepreneur précédent, Michel-Philippe Isabeau*. Le contrat fut signé le 24 février 1725. Le 10 mars, Gratien d’Arrigrand, un neveu de Daniel d’Auger* de Subercase, devint l’associé de Ganet, sans être un signataire du contrat avec le roi. D’Arrigrand vint à Louisbourg en 1725 et y passa deux ans en compagnie de Ganet.
La mort d’Isabeau avait créé un état d’urgence : la maçonnerie du bastion du Roi et ses casernes devaient être terminées afin de protéger les édifices contre le climat, et la plupart des officiers et des troupes durent être logés dans une citadelle centrale. Ganet, s’imaginant que ce travail supplémentaire s’avérerait avantageux, persuada Arnoud Isabeau, le père de son prédécesseur et le principal héritier, de lui laisser assumer tous les risques et profits. Après son arrivée à Louisbourg, en juin, Ganet en arriva à une entente à cet effet avec la veuve Planton (Antoinette Isabeau), sœur de l’entrepreneur défunt. En moins de quelques mois, il eut à le regretter. Il se plaignit que Michel-Philippe Isabeau avait fait de gros profits dans l’ébauche du travail au cours des premiers stades et que, pendant ce temps, il avait dû faire le travail lent, minutieux et dispendieux de la finition. Par une formalité juridique, Ganet annula son contrat avec les héritiers d’Isabeau ; il devait être payé par eux pour le travail qu’il avait déjà accompli.
Pendant son séjour à Louisbourg, de 1725 à 1737, Ganet construisit, en plus des deux batteries, le demi-bastion Dauphin, le principal entrepôt, le quai de carénage, l’hôpital et le phare ; il contribua à la finition des casernes du bastion du Roi et il fit faire un certain nombre de réparations. En général, on trouva très peu à se plaindre de la qualité de son travail (lequel a été évalué à quelque 1 700 000#), mais lui-même se plaignit souvent du retard dans les paiements, de dépenses imprévues, de l’insuffisance des matériaux de construction et de la trop basse évaluation faite par l’ingénieur en chef, Étienne Verrier. Ses relations avec Verrier et avec la plupart des autres fonctionnaires furent néanmoins harmonieuses.
Il n’y a aucune raison de croire qu’à la longue Ganet ait subit quelque perte que ce soit. Les pertes dues aux « actes de Dieu » furent assumées par le roi, et le ministre fit un certain effort pour faciliter le travail de Ganet. Le règlement des comptes entre Ganet et les héritiers d’Isabeau dura plusieurs années. Il s’avéra nécessaire, premièrement, de terminer le travail de la citadelle, afin d’évaluer la contribution totale en travail et en matériaux fournie par chacune des parties, et, ensuite, d’ajuster ces chiffres conformément aux transactions bilatérales antérieures. Mme Planton mourut en 1729, mais, le compte rendu final ne fut dévoilé qu’en 1731.
Il y eut un conflit entre Ganet et d’Arrigrand qui dura environ 20 ans. En 1728, ce dernier s’abstint d’envoyer à Ganet certains matériaux de construction pour lesquels des fonds publics avaient été réservés en France. Deux ans plus tard, Ganet refusa de fournir à son associé un premier relevé des profits et pertes de leur firme, dans laquelle d’Arrigrand avait une part de 60 p. cent ; ce dernier obtint une ordonnance du tribunal obligeant Ganet à lui faire parvenir ce relevé. Avant que le travail fixé dans son premier contrat ne fût terminé, Ganet en obtint un second en 1731, en présentant une soumission plus basse que celle d’un des associés de d’Arrigrand, et mettait fin à sa propre association avec ce dernier. D’Arrigrand désirait tirer au sort l’équipement et les matériaux qu’ils possédaient conjointement, mais Ganet refusa ; pourtant, il avait offert à d’Arrigrand une évaluation judiciaire ou un inventaire de leurs actifs, offre que celui-ci avait rejetée. Ganet continua de se servir de l’équipement comme s’il avait été sien.
En 1735, d’Arrigrand envoya David-Bernard Muiron à Louisbourg, sous prétexte de le faire travailler à un projet privé, mais en réalité, pour contester le monopole de Ganet. Au terme du second contrat, en 1737, Muiron fit une soumission plus basse que celle de Ganet. Ce dernier termina son travail à Louisbourg pendant la même année, en refusant toujours de partager l’équipement et les matériaux. D’Arrigrand engagea une poursuite à Paris en 1739, cherchant à obliger Ganet à donner un compte rendu complet de tous les actifs et passifs de l’ex-association et à fournir, dans l’intervalle, un versement substantiel. Après une longue suite de propositions de la part des deux parties, l’affaire fut portée au Conseil d’État en 1740. Celui-ci décréta, en février, que trois experts en fortification et en construction devaient examiner les milliers de documents se rapportant à cette cause et rendre une décision.
À cause de difficultés entre les arbitres, en mai, le conseil décida de ne se fier qu’à un seul d’entre eux, Jacques Gabriel, principal architecte du roi. D’Arrigrand ne croyait pas à l’impartialité de Gabriel, pas plus qu’à celle du fils de ce dernier qui lui succéda comme arbitre en 1742. Le jugement rendu trois ans plus tard semble avoir favorisé Ganet à la longue, mais il ne put jouir de ses bénéfices que pendant deux ans, la mort l’ayant emporté en 1747.
AN, Col., B, 48, ff.398, 925, 929, 950 ; 49, ff.697–697v., 703, 707–711 ; 50, ff.570, 577, 594v.–599 ; 52, ff.588–593, 602v. ; 53, ff.66v., 67v., 587v.–588v., 593v.–595v., 602v.–606, 607v.–608, 617–617v. ; 54, ff.27, 496, 499v., 501–503 ; 57, f.755 ; 59, ff.534v., 540, 551v.–558, 61, ff.614v., 616 ; 63, ff.537v.–539v., 543v., 548v., 550 ; 64, ff.486, 490v. ; 65, ff.49v., 477–479, 481 ; 71, ff.193–196v., 198 ; Col., C11B, 7, ff.185–190, 194–197v., 261–266v., 324, 328–332, 342, 348–351, 352–355v., 357–360, 363, 366–372 ; 8, ff.111–121v., 157–159v., 161–174, 215, 219, 221–222, 225–228v. ; 9, ff.93–99, 127–132, 141–147v., 153–179v., 193–206, 210–250v. ; 10, ff.81–84, 104–108, 166–173 ; 242–245 ; 11, ff.45–49, 55–57, 83, 90 ; 12, ff.122–143, 145, 166–169v. ; 13, ff.206, 261, 298–309, 310–317v., 329, 408–411v. ; 15, ff.72–74, 149–152, 180–180v. ; 16, ff.182–193, 221–222 ; 17, ff.94–96, 154 ; 18, ff.85–87, 133–136, 145–148, 271–287, 301–302 ; 19, ff.232–240 ; 21, ff.290–291v., 293 ; 23, ff.213–217v. ; 27, ff.315–318 ; Col., E, 9 (dossier d’Arrigrand), ff.2, 4, 6–8, 11, 17 ; Section Outre-Mer, G1, 466, no 69.— Archives Maritimes, Port de Rochefort, 1E, 105, f.531.— Robert Le Blant, Un entrepreneur à l’île Royale, Gratien d’Arrigrand, 1684–1754, La Revue des questions historiques (Paris), LXIV (1936) (copie aux APC).— Pierre Mayrand, La renaissance de Louisbourg, Vie des arts (Montréal), XLVI (1967) : 32–35.
F. J. Thorpe, « GANET, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ganet_francois_3F.html.
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Auteur de l'article: | F. J. Thorpe |
Titre de l'article: | GANET, FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 18 déc. 2024 |