FENERTY, CHARLES, inventeur, poète, agriculteur et fonctionnaire, né en janvier 1821 à Springfield Lake, Nouvelle-Écosse, fils de James Fenerty et d’Elizabeth Lawson ; il épousa Ann Hamilton, de Falmouth Village (Upper Falmouth, Nouvelle-Écosse), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 10 juin 1892 à Sackville, Nouvelle-Écosse.

Charles Fenerty grandit dans la vaste ferme et les boisés que sa famille possédait sur la route de Windsor, près de Sackville. La famille exploitait trois scieries à l’ancienne, et le jeune garçon était fasciné par l’aspect mécanique des opérations. Il semble que c’est au cours d’une visite à la papeterie Holland, près de Bedford Basin [V. Anthony Henry Holland*], qu’il prit conscience des difficultés qu’éprouvaient les propriétaires des papeteries de la région à obtenir un approvisionnement régulier de chiffons dont on faisait le papier à l’époque. D’un naturel observateur et curieux, il releva le défi de trouver un moyen de fabriquer du papier à partir du bois. L’expérience était réalisable et arrivait à point nommé, puisque la demande croissante de papier de la part des imprimeurs et des propriétaires de journaux d’Europe et d’Amérique du Nord dépassait la quantité de chiffons disponible.

On a ébauché plusieurs théories pour tenter d’expliquer comment Fenerty eut un jour l’idée de fabriquer du papier à partir du bois. Titus Smith*, naturaliste et ami de la famille, avait écrit un ouvrage sur l’utilité possible de l’épinette. Il se peut que Fenerty ait tenté l’expérience avec du bois parce qu’à l’instar du lin et du coton, présents dans les chiffons, il s’agissait d’une fibre végétale ; il arrêta son choix sur l’épinette, qu’il jugea assez tendre pour être convertie en « papier de pâte », selon sa propre expression. Peut-être est-ce l’observation des nids de guêpes, qui ressemblent au papier, qui mena Fenerty à la découverte du procédé. En fait, il est possible que les nids l’aient conduit à remarquer que diverses fibres végétales pouvaient donner un matériau semblable au papier. Mais la théorie la plus plausible est que l’idée vint au jeune Fenerty durant les longues heures qu’il passait dans les scieries, à regarder les lourds cadres de bois auxquels les scies étaient fixées monter puis retomber le long d’une glissière de bois. La friction constante du bois contre le bois au cours du mouvement de va-et-vient produisait en petite quantité une substance floconneuse. Fenerty pensa peut-être alors que cette fibre, une fois aplatie et façonnée, pourrait servir à la fabrication du papier. Selon la tradition, en 1838 ou 1839, à l’âge de 17 ou 18 ans, il montra un petit échantillon de son « papier de pâte », probablement obtenu grâce au procédé qu’il allait ensuite appeler le « grattage » du bois, à Charles Hamilton, beau-frère de son épouse. Sa découverte aurait donc été antérieure à celle de Friedrich Gottlob Keller, tisserand allemand, inventeur du procédé de fabrication du papier à partir de la pâte mécanique dans les années 1840 [V. Alexander Buntin]. Malheureusement pour sa notoriété future, Fenerty ne rendit ses découvertes publiques que le 26 octobre 1844, par une lettre publiée dans l’Acadian Recorder. Il écrivait qu’un échantillon, qu’il avait joint à sa lettre, « lequel [était] aussi ferme, aussi blanc et, selon toutes les apparences, aussi durable que le papier d’emballage courant fait de chanvre, de coton ou des matériaux ordinaires de fabrication, [était] fait en réalité de bois d’épinette réduit en pâte et soumis au même traitement que le papier ».

Nul ne tira profit, en Nouvelle-Écosse, de la découverte de Fenerty. L’inventeur orienta par la suite sa créativité vers la poésie et écrivit entre autres Betula nigra, poème en l’honneur d’un grand bouleau noir qui poussait dans la ferme familiale. L’œuvre lui valut le premier prix de poésie à l’exposition industrielle de la Nouvelle-Écosse tenue en 1854 et fut publiée à Halifax l’année suivante. Dans une chanson (apparemment inédite) intitulée Terra nova, il exprima son opinion sur la Confédération, et Essay on progress, publié à Halifax en 1866, exaltait en vers la lutte des Italiens et des Polonais pour la liberté, ainsi que l’expansion du peuple britannique, de sa langue, de ses lois et de son industrie de par le monde. En 1888, le Rockingham Sentinel publia son poème Passing Away, écrit des années auparavant sur Prince’s Lodge, propriété laissée à l’abandon à Rockingham après que le prince Edward* Augustus y eut vécu durant son séjour en Nouvelle-Écosse.

Au cours des années 1850, Fenerty avait émigré en Australie où il demeura plusieurs années, peut-être pour travailler dans les régions aurifères. À son retour en Nouvelle-Écosse et après son mariage avec Ann Hamilton, il se fit agriculteur dans la région de Sackville. Il fut également inspecteur de santé de son district pendant un certain nombre d’années, mesureur de bois en 1869, responsable de l’aide aux pauvres à plusieurs reprises entre 1870 et 1881 et receveur régional des impôts du comté de 1883 à 1890. Il participa à la vie religieuse de la congrégation anglicane de l’église St John’s, à Sackville, à titre d’officiant laïque, et fut aussi un conservateur convaincu. Ardent défenseur de la tempérance, il s’éleva également contre l’usage du tabac à fumer.

Charles Fenerty était un homme bienveillant et réfléchi, mais quelque peu original. Plusieurs anecdotes sur sa distraction subsistent encore. Ainsi avait-il l’habitude de rentrer à pied à la maison, après avoir fait quelque course, en oubliant sa voiture à l’endroit où il s’était arrêté. Un jour où il était particulièrement absorbé dans ses pensées, il fut incapable de se souvenir à quel arrêt, parmi plusieurs, il avait laissé sa voiture. Malgré ses particularités, ses voisins l’estimaient et l’on considère de nos jours qu’il fut probablement le fils le plus célèbre de Sackville.

Terrence M. Punch

DUA, MS 2-158 (Charles Fenerty, « Hid Treasure ; or, the Labours of a Deacon – and other poems » (vers 1900).— PANS, MG 1, 1854, F⅓, 6, 10, 21, 26.— Acadian Recorder, 26 oct. 1844, 19 juin 1847.— Halifax Herald, 13 juin 1892.— Encyclopédie canadienne.— A. E. Marble, Nova Scotians at home and abroad, including biographical sketches of over six hundred native born Nova Scotians (Windsor, N.-É., 1977), 158–159.— C. B. Fergusson, Charles Fenerty ; the life and achievement of a native of Sackville, Halifax County, N.S. (Halifax, 1955).— T. M. Punch, « Charles Fenerty (1821–1892), the Sackville papermaker », dans T. M. Punch, Some sons of Erin in Nova Scotia (Halifax, 1980), 83–89.— Shemas Hall, « Who invented mechanical wood pulp ? » World’s Paper Trade Rev. (Londres), 62 (1914) : 1017–1019.— Gordon Minnes, « Progress with paper », Atlantic Advocate (Fredericton), 57 (1966–1967), no 4 : 16–23.— N.-É., Provincial Museum and Science Library, Report (Halifax), 1927 : 27.

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Terrence M. Punch, « FENERTY, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fenerty_charles_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    20 déc. 2024