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EGAN, JOHN, homme d’affaires, fonctionnaire, juge de paix, officier de milice et homme politique, né le 11 novembre 1811 à Lissavahaun, près d’Aughrim, comté de Galway (république d’Irlande) ; le 13 août 1839, il épousa à Bytown (Ottawa) Anne Margaret Gibson, et ils eurent trois fils et cinq filles ; décédé le 11 juillet 1857 à Québec et inhumé à Aylmer, Bas-Canada.
John Egan, qui avait quitté l’Irlande en 1830, devint bientôt commis de dépôt chez Thomas Durrell, un des principaux marchands de bois du canton de Clarendon, situé au Bas-Canada, dans le haut de la rivière des Outaouais. Son travail consistait à acheter des fournitures et à s’acquitter de diverses tâches administratives. Après avoir acquis de l’expérience dans le commerce du bois équarri et s’être créé un réseau d’amis, il s’établit à son propre compte, d’abord en ouvrant à Aylmer un magasin où s’approvisionnaient les marchands de bois, puis en adoptant lui-même ce métier. En mars 1836, il participa à la fondation de l’Ottawa Lumber Association à Bytown et, dès l’hiver suivant, alla abattre du pin rouge sur la rivière Schyan, dans le Bas-Canada. En 1837, à la « quatrième chute », sur la rivière Bonnechere, dans le Haut-Canada, il acheta la ferme de James Wadsworth, où il établit plus tard le village d’Eganville. À l’époque, tout en approvisionnant encore près d’une quarantaine d’autres producteurs, il se mit à construire des barrages et des glissoirs sur la rivière Bonnechere et le ruisseau Herd afin d’acheminer son propre bois. Dès le début de 1837, à Aylmer, il avait fondé la John Egan and Company avec Henry LeMesurier* (grand exportateur de bois de Québec), William Henry Tilstone et Havilland LeMesurier Routh.
Aimable et distingué, Egan n’était pas un rustre en train de monter dans l’échelle sociale. À l’été de 1838, il se battit en duel contre Andrew Powell, avocat de Bytown, pour une affaire d’honneur. Aucun d’eux ne fut blessé lors de l’échange de coups de feu, mais Powell, qui avait déclaré qu’un ami intime d’Egan n’était pas un « gentleman », se rétracta.
Jusqu’au milieu des années 1840, Egan vendit surtout du pin rouge, plus rare mais plus rentable que le pin blanc. Même si la dépression générale amena son entreprise au bord de la stagnation en 1842, celle-ci se rétablit rapidement. En 1844, il fit descendre par voie d’eau à Québec deux millions et demi de pieds carrés de bois équarri, dont moins d’un cinquième, rapportait-il, provenaient des terres de la couronne. Une partie de son bois venait de petits producteurs, et une autre, de colons qui payaient ainsi leurs terres. Afin d’améliorer le rendement de son entreprise, Egan se mit à dépenser des sommes considérables pour construire plus de barrages et de glissoirs dans le Bas et le Haut-Canada, surtout sur les rivières Quyon, Petawawa et Madawaska, mais aussi sur plusieurs de leurs tributaires. À la fin des années 1830, il avait dépensé environ £1 300 par an pour aménager des rivières ; en 1847, ces dépenses atteignirent leur point culminant, soit £9 456. Des producteurs importants comme Egan et son grand ami Ruggles Wright employaient souvent les mêmes installations. En 1852, Egan se joignit à Daniel McLachlin*, James Skead* et d’autres pour construire une route de chariots qui partait d’Arnprior et se rendait jusqu’en amont des rapides Long, sur la Madawaska.
Vers la fin des années 1840, Egan avait commencé à diversifier ses activités. En 1846, à Quyon, dans le Bas-Canada, il construisit une grande scierie, équipée de 14 scies, et un moulin à farine. Trois ans plus tard, il édifia deux scieries plus petites sur les rivières Bonnechere et Little Bonnechere, de même qu’un moulin à farine à Eganville. Il acheta même un moulin à carder et à fouler dans le canton de Lochaber, au Bas-Canada. En 1853, près de Quyon, au pied des rapides de la chute du Chat, il termina la construction d’une grande scierie qui, d’après l’historien H. R. Morgan, était « peut-être le plus vaste établissement de ce genre sur la rivière des Outaouais, avec des machines du type le plus récent ».
La chute du Chat devint le centre névralgique d’un réseau de transport établi par Egan pour concurrencer la ligne de bateaux à vapeur exploitée par Jason Gould. En 1845, Egan et Joseph-Ignace Aumond* achetèrent deux bateaux à vapeur en fer des chantiers de John Molson, à Montréal, et, pendant l’hiver, les sections de ces bâtiments furent tirées sur les glaces de la rivière des Outaouais. L’Emerald fut lancé à Aylmer au printemps de 1846 et assura la liaison entre cette ville et la chute du Chat. L’Oregon, lancé sur la rivière Mississippi, dans le Haut-Canada, naviguait au-dessus de la chute et se rendait à Arnprior. Cette année-là, avec Aumond et Wright, Egan fonda l’Union Forwarding Company, qui exploitait ces bateaux et un petit tramway tiré par des chevaux, l’Union Railroad, qui, contournant la chute, transportait passagers et marchandises.
Au début des années 1850, la John Egan and Company atteignait les sommets de sa prospérité. En 1851, elle employait 2 000 hommes dans toute la vallée de l’Outaouais et donnait du travail à des centaines de fermiers, qui fournissaient les approvisionnements nécessaires, notamment les 1 600 bœufs et chevaux dont elle avait besoin. L’année suivante, les concessions forestières d’Egan, qui s’étendaient sur plus de 2 000 milles carrés, dépassaient celles de quiconque dans l’Outaouais, sauf peut-être celles d’Allan* et de James Gilmour. En 1854, la compagnie d’Egan, très bien intégrée, employait 3 500 hommes dans 100 camps de bûcherons répartis dans toute la vallée, et ses transactions au comptant s’élevaient à plus de deux millions de dollars. D’après le Canadian Merchants’ Magazine and Commercial Review de Toronto, c’est Egan « qui le premier donna au commerce du bois dans l’Outaouais le caractère systématique d’une entreprise [...] avant lui, le commerce du bois sur la rivière des Outaouais n’était rien de plus qu’une aventure insensée ».
En plus d’être le magnat du bois équarri dans la région – le Canadian Merchants’ Magazine le qualifia plus tard de « Napoléon de l’Outaouais » –, Egan participa activement à la vie municipale d’Aylmer et des environs. Premier préfet du district de Sydenham en 1841, il fut juge de paix et devint, en 1847, le premier maire d’Aylmer. De confession anglicane, il contribua en 1843 à la fondation de la Christ Church de cette ville. En 1846, il fut nominé major du bataillon de milice de l’Outaouais, commandé par Ruggles Wright, et, plus tard, servit comme lieutenant-colonel du 4e bataillon. En outre, il fit partie du comité de la Bytown Emigration Society, dont Thomas McKay était le président.
Pour Egan, les fonctions politiques étaient un moyen de promouvoir le bien-être de l’ensemble de la vallée de l’Outaouais et des commerçants de bois en particulier. En 1841, il avait été l’un des partisans de l’élection de Charles Dewey Day*, tory et ancien avocat de plusieurs barons du bois, devenu député de la circonscription d’Ottawa, située dans le Bas-Canada. Six ans plus tard, Egan devait dire de Day qu’il était le « seul homme attaché au gouvernement en qui [il avait] un minimum de confiance ». Après que Denis-Benjamin Papineau eut pris sa retraite, Egan se présenta aux élections générales de 1847–1848 dans la circonscription d’Ottawa et remporta la victoire ; il n’était « engagé envers aucun parti », mais avait des affinités profondes avec les réformistes. Réélu sans opposition à l’Assemblée législative en 1851, il fut élu trois ans plus tard dans la nouvelle circonscription de Pontiac. Il conserva tranquillement son siège jusqu’à sa mort, grâce à sa grande popularité et au fait qu’il avait des concessions forestières dans la plupart des terres inhabitées des cantons d’Onslow, de Bristol et de Clarendon et qu’il possédait de vastes terres dans ces mêmes cantons.
À l’Assemblée, Egan intervint souvent avec beaucoup de « passion » lorsqu’il s’agissait de la vallée de l’Outaouais, négligée, selon lui, par le gouvernement. Au début de 1852, il aida à organiser et à mener une campagne visant à faire réduire de moitié les droits sur le pin rouge, alors fixés à un penny le pied cube. Les droits ayant été réduits en septembre par un arrêté en conseil du gouvernement de la province du Canada, Egan et d’autres furent accusés à l’Assemblée d’avoir « forcé la main » au gouvernement en le menaçant de s’opposer à lui dans l’affaire des réserves du clergé, s’il ne se rendait pas à leurs demandes. En 1853, il usa de son influence auprès de Francis Hincks* afin de persuader le gouvernement d’allouer 50 000 $ pour le creusage d’un petit canal à peu près parallèle au trajet de l’Union Railroad, à la chute du Chat. À cause d’une pénurie de main-d’œuvre et de problèmes d’excavation, ces travaux à haute saveur politique, qu’Egan avait présentés comme des travaux publics malgré les avantages évidents qu’ils offraient pour ses affaires et celles de Wright, furent suspendus en novembre 1857, après des dépenses de près d’un demi-million de dollars.
À l’extérieur de l’Assemblée, Egan joua un rôle prépondérant dans la promotion d’une série de projets de développement à réaliser dans la province, surtout quand ceux-ci pouvaient aider l’industrie du bois. Il fut l’un des premiers partisans du Bytown and Prescott Railway parce que, affirma-t-il en 1848, ce chemin de fer ouvrirait « au bois manufacturé un marché profitable » aux États-Unis. Avec Joseph-Ignace Aumond, il aida en 1851 à retenir les services de Walter Shanly* pour la construction de ce chemin de fer. En 1852, Egan figura parmi les fondateurs de la Bytown and Pembroke Railway Company. Il fut le premier président de la Bytown and Aylmer Union Turnpike Company, qui avait terminé en 1850 la construction d’une route entre les deux villes. De plus, il appuya le gouvernement quand celui-ci construisit, de 1852 à 1854, une route de colonisation entre la rivière des Outaouais et le lac Opeongo, dans le Haut-Canada, car il était convaincu qu’elle serait avantageuse tant pour les marchands de bois que pour les colons. En 1853, il se joignit à James Bell Forsyth*, Malcolm Cameron* et d’autres pour fonder la Compagnie des jetées, quais et bassins du Cap-Rouge, qui faisait affaire près de Québec.
Malgré sa position sur la scène publique et commerciale, John Egan avait déjà essuyé plusieurs « graves revers de fortune » en 1855. Après 1847, le marché du pin rouge avait décliné régulièrement, au point que dès 1852 les exportations et les prix avaient enregistré une chute de 30 p. cent. Vers la fin de 1855, une rumeur persistante voulait, selon le Courier de Perth, qu’Egan ait fait faillite, apparemment parce qu’il s’était lourdement engagé avec la Delisle, Janvrin and Company, société anglaise qui s’était effondrée. À l’époque, sa santé se détériorait et sa mort, survenue deux ans plus tard à Québec, ne surprit personne. Les biens personnels de sa succession ne valaient que £5 000 environ. En 1867, ses riches concessions forestières de la Madawaska furent achetées par John Rudolphus Booth* pour 45 000 $, mais ses exécuteurs testamentaires furent incapables de vendre la John Egan and Company avant 1868. Ce furent James Bonfield, ancien comptable de la compagnie, et Robert Turner qui s’en portèrent acquéreurs.
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Richard M. Reid, « EGAN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/egan_john_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/egan_john_8F.html |
Auteur de l'article: | Richard M. Reid |
Titre de l'article: | EGAN, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |