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Titre original :  I-6765.1

Provenance : Lien

DOUGALL, JOHN REDPATH, journaliste, rédacteur en chef, réformateur social et homme d’affaires, né le 17 août 1841 à Montréal, aîné des enfants de John Dougall* et d’Elizabeth Redpath ; frère de Lily Dougall* ; décédé célibataire le 18 septembre 1934 à Westmount, Québec.

John Redpath Dougall incarna une forte tendance de la pensée protestante dans la province de Québec. Sa carrière de journaliste et de partisan de causes sociales s’échelonna sur plus de sept décennies, couvrant la transition entre l’époque victorienne caractérisée par le radicalisme évangélique et le début du xxe siècle axé sur le pragmatisme et le mouvement Social Gospel.

Dougall hérita des valeurs des membres des deux côtés de sa famille. Son père était un chef de file en matière de tempérance, un réformateur politique et un militant anticatholique. Sa mère était la fille aînée de John Redpath*, homme d’affaires bien en vue et figure de proue de plusieurs organismes de bienfaisance protestants, notamment la Maison protestante d’industrie et de refuge et l’Institut des artisans de Montréal. À l’origine, les parents de Dougall avaient tous deux appartenu à l’Église d’Écosse, mais ils l’avaient quittée pour adhérer à la stricte église Zion, où ils pratiquaient leurs dévotions avec leurs neuf enfants. L’importance accordée à la tempérance et au sens moral marqua l’éducation de Dougall et influença sa vie entière.

Le mariage des parents de Dougall avait également donné lieu à des liens économiques lucratifs et à des avantages sociaux. Né dans la richesse et les privilèges, Dougall, qui utilisait souvent les initiales J. R., grandit dans une maison confortable appelée Ivy Green sur les pentes du mont Royal. Le terrain qu’elle occupait avait fait partie d’un domaine rural transformé par son grand-père maternel en une banlieue chic de Montréal. Dougall fréquenta la prestigieuse High School of Montreal, où il se distingua en littérature, puis le McGill College, qui lui décerna une licence ès arts en 1860 et une maîtrise ès arts en 1867. Il conserva un lien avec le collège comme associé principal en arts. À ce titre, il aida à administrer l’établissement d’enseignement protestant laïque le plus influent de la province de Québec. En 1921, il y recevrait un doctorat honorifique en droit.

Depuis l’obtention de sa licence, Dougall travaillait pour l’hebdomadaire fondé par son père, le Montreal Witness, dont le premier numéro avait paru en 1846. Une édition quotidienne du journal vit le jour en 1860. J. R. réalisa des reportages sur la guerre de Sécession, que le Montreal Witness relata dans les moindres détails en adoptant une position nettement abolitionniste, et il se rendit à Washington pour interviewer Abraham Lincoln au palais présidentiel (connu plus tard sous le nom de Maison-Blanche). Il voyagea en Europe pour couvrir la guerre franco-allemande et la création de la troisième République française. Quand Dougall revint à Montréal, au printemps de 1871, son père décida de lancer une nouvelle publication à New York et lui confia le Montreal Witness. J. R. en demeura l’éditeur et le rédacteur en chef jusqu’en 1913. Cette année-là, il vendit l’édition quotidienne à la Telegraph Publishing Company Limited, qui la renomma Daily Telegraph and Daily Witness. Il garda toutefois la direction de l’édition hebdomadaire presque jusqu’à sa mort. En 1915, l’hebdomadaire tirait à plus de 22 000 exemplaires. Vers 1862, Dougall avait fondé avec son père la John Dougall and Son, qui imprima le périodique et leurs publications ultérieures ; la société cessa d’exister en 1935, un an après le décès de Dougall.

L’entreprise possédait et imprimait également plusieurs autres périodiques à Montréal, notamment la deuxième série du Canadian Messenger, pour lequel Dougall écrivait des articles. Cette revue évangélique destinée à la famille, dont le premier numéro parut en 1866, se spécialisait dans des thèmes comme la science, l’agriculture et la tempérance. Rebaptisée le Northern Messenger dix ans plus tard, elle dura jusqu’en 1935. Il y avait aussi le New Dominion Monthly, revue culturelle canadienne fondée par Dougall père en 1867, que la compagnie cessa de publier en 1879 pour cause de dettes et de concurrence. Le World Wide, hebdomadaire lancé par J. R. Dougall en 1900, reprenait des éditoriaux d’actualité de journaux du monde entier ; sa parution s’arrêta vers 1937. Créée par le neveu de J. R. Dougall, Frederick Eugene Dougall, la revue de luxe Canadian Pictorial mettait en vedette des paysages et des personnalités du Canada ; l’entreprise familiale la publia de 1906 à 1916. On s’y flattait de présenter « entre mille et deux mille pouces carrés d’illustrations dans chaque numéro ».

La publication phare de Dougall resta néanmoins le Montreal Witness, porte-parole d’un courant de pensée évangélique au sein du protestantisme canadien, qui prônait le sens moral, la bienséance, l’honnêteté, l’autonomie, la liberté de pensée et d’expression, et le libre-échange. Le Montreal Witness s’enorgueillissait de sa popularité et de son prix abordable (le prix d’un numéro passa d’un à cinq cents durant la vie de J. R. Dougall), et avait toujours tendance à afficher une position moralement élevée en se prononçant contre les privilèges et les droits acquis. Cette attitude concordait parfaitement avec sa forte opposition à l’alcool, dont la consommation, croyait-on, menait inévitablement à la dépendance et, par conséquent, à l’abandon des vertus si chères à sa direction. À l’instar des puritains des siècles précédents, le Montreal Witness désapprouvait tout ce qui semblait avoir un relent d’immoralité ; il refusait de diffuser de la publicité pour les théâtres, les hôtels, les loteries et les médicaments miracles, qui remplissait les pages de la plupart des autres journaux, même si cette décision signifiait la perte de revenus substantiels. En effet, en raison de ses principes, Dougall en vint à diriger la publication à perte, et payait de sa poche les dépenses de production et les salaires des employés.

La position anticatholique du Montreal Witness nuisit à l’augmentation de son lectorat au Québec. Les protestants radicaux avaient toujours critiqué le pouvoir de l’Église catholique, mais avec l’essor de l’ultramontanisme, dans la seconde moitié du xixe siècle, leurs commentaires avaient particulièrement gagné en sévérité. Après la Confédération, de nombreux protestants craignirent de pâtir dans une province de Québec à forte majorité catholique, et les rédacteurs du Montreal Witness s’efforcèrent de souligner les dangers de cette situation. La revue louangeait fréquemment les travaux de Charles Chiniquy*, ancien prêtre catholique devenu un virulent adversaire de la religion. À l’instar de son père, Dougall n’hésitait pas à dépeindre le catholicisme comme l’antithèse de la vertu ; selon lui, il inspirait la paresse intellectuelle, et encourageait les gens à compter sur la puissance de l’Église et du gouvernement plutôt que sur leur propre détermination. Ses attaques constantes contre l’Église exaspéraient ses autorités et, en 1875, l’évêque de Montréal, Ignace Bourget*, avait interdit aux catholiques d’acheter ou de lire le Montreal Witness, geste qui confirmait les pires appréhensions du rédacteur en chef tout en attisant sa colère. Vers la fin du siècle, à mesure que les libéraux étendaient leur influence au sein du Canada français sur les scènes fédérale et provinciale, les protestants radicaux en vinrent à faire cause commune avec le parti sur des questions telles que les relations entre l’Église et l’État, ainsi que le libre-échange.

Outre l’imprimerie et l’édition, Dougall s’engagea dans quelques autres entreprises. Vers 1891, il fonda à Montréal la Linotype Company. En 1903, il inventa une machine connue sous le nom de linotype Dougall qui n’obtint pas de succès commercial ; l’année suivante, il vendit la société. De 1897 jusqu’à sa mort, il siégea au conseil d’administration de la Compagnie canadienne d’assurance sur la vie, dite du Soleil.

Les opinions notoires de Dougall firent de lui un candidat tout désigné, au Québec, pour la présidence de la section provinciale de la Dominion Alliance for the Total Suppression of the Liquor Traffic, organisme national de tempérance ayant pour but d’imposer la prohibition universelle. Ce rôle le mit en contact avec la Woman’s Christian Temperance Union et le mouvement de réforme religieuse Social Gospel. Les convictions religieuses personnelles de Dougall et son hostilité envers la corruption du pouvoir se concrétisèrent en un désir de sauver la population pauvre des effets de la maladie, du crime et du vice. Il dénonça les fournisseurs de boissons alcooliques, notamment l’aubergiste de Montréal surnommé Joe Beef [Charles McKiernan*], qui se décrivait lui-même comme le « fils du peuple ». Joe Beef poursuivit le Montreal Witness pour diffamation en 1880, mais perdit sa cause.

Dougall s’était fixé l’objectif pratique de rendre les institutions plus efficaces et d’améliorer le sort des défavorisés. Dans les années 1880, il appartenait à la Citizens’ League of Montreal, qui tentait de mettre fin à la corruption liée à la vente d’alcool. Pendant de nombreuses années, il assura la présidence de la Young Men’s Christian Association de Montréal, organisme qui enseignerait et fournirait de l’hébergement à plusieurs générations de jeunes hommes. Il se fit le défenseur de la réforme des écoles de la province de Québec, en particulier dans le réseau protestant à l’aube du xxe siècle. En 1906, le Montreal Witness mena une enquête qui fit ressortir les craintes largement ressenties par les protestants, selon lesquelles leurs coreligionnaires des régions rurales devraient envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques si leur propre réseau ne connaissait pas d’amélioration. En 1907, des éditoriaux acclamèrent l’inauguration de la School for Teachers au Macdonald College [V. sir William Christopher Macdonald*], à Sainte-Anne-de-Bellevue, qui révolutionnerait la formation des instituteurs protestants dans la province.

La cause favorite de Dougall fut peut-être celle de la délinquance juvénile. À titre de président du Boys’ Home of Montreal en 1907, il promut la création d’un établissement à Shawbridge, au nord de la ville, où les garçons délinquants pouvaient vivre, recevoir une éducation et apprendre un métier dans un milieu rural. Il recueillit plus de 12 000 $ pour la construction de la Boys’ Farm and Training School, qui ouvrit ses portes en 1908, et continua d’en faire la publicité dans le Montreal Witness. Dougall reçut ultérieurement une marque de reconnaissance quand on nomma l’une des résidences en son honneur. Des générations de travailleurs sociaux et de responsables d’organisations de jeunesse doivent une grande partie de leur formation à cette ferme et à d’autres lieux semblables partout au pays.

Dougall avait défendu le regroupement des églises protestantes dès 1904, en qualité de membre du comité mixte sur l’unification des Églises. Il appuya la création de l’Église unie en 1925 [V. Samuel Dwight Chown ; Clarence Dunlop Mackinnon], même s’il soutenait que son pouvoir deviendrait trop centralisé pour ses valeurs congrégationalistes. Dougall adhérerait à l’église Calvary, ramification de l’église Zion, après sa relocalisation à Westmount au début du xxe siècle.

Après la Première Guerre mondiale, John Redpath Dougall quitta Ivy Green, où il vivait depuis plus de 70 ans, et s’installa chez son neveu Frederick Eugene dans l’avenue Belmont, à Westmount. Nonagénaire en santé, apparemment capable de couper de grandes quantités de bois à sa résidence d’été de Métis-sur-Mer, il tomba malade en 1934 et dut céder la direction du Montreal Witness à Frederick Eugene. Quatre ans plus tard, le journal, grevé d’un déficit de 10 000 $, disparaîtrait. Dougall mourut en 1934, quelques semaines après son quatre-vingt-treizième anniversaire. On incinéra sa dépouille au cimetière Mont-Royal, et on enterra ses cendres dans le lot familial. Bien évidemment, des journaux de tout le pays s’empressèrent de rendre hommage au rédacteur en chef chevronné : la Gazette de Montréal le déclara doyen des journalistes de la ville et le qualifia de « véritable militant ».

Roderick MacLeod

BAC, R7457-0-9.— Cimetière Mont Royal (Montréal), Registres, section L3.— Gazette (Montréal), 19 sept. 1934.— Montreal Daily Star, 18 sept. 1934.— Montreal Daily Witness, 1871–1913.— Montreal Herald, 18 sept. 1934.— Montreal Witness, 1861–1934.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Owen Dawson, My story of the Boys’ Farm at Shawbridge : also, angels I have met ([Montréal], 1952).— Dominion almanac (Montréal ; suppl. annuel du Montreal Witness).— L[ily] Dougall, When I was a little girl ([Édimbourg, 1896]).— [Église Zion], Brief annals of Zion Church, Montreal, from 1832 to 10th May, 1871 : with lists of office-bearers and members, and reports for 1870 (Montréal, 1871).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise.— John Redpath Dougall, m.a., ll.d., doyen of Canadian journalism […] ([New York, 1934 ?]).— [Charles McKiernan], Joe Beef of Montreal, the son of the people ([Montréal, 1879]).

Bibliographie générale

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Roderick MacLeod, « DOUGALL, JOHN REDPATH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 avril 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dougall_john_redpath_16F.html.

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Auteur de l'article:    Roderick MacLeod
Titre de l'article:    DOUGALL, JOHN REDPATH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2021
Année de la révision:    2021
Date de consultation:    19 avril 2024