DOUCETT, JOHN, capitaine, lieutenant-gouverneur du fort d’Annapolis Royal, N.-É., de 1717 à 1726, administrateur du gouvernement de la Nouvelle-Écosse de 1717 à 1720 et de 1722 à 1726, vraisemblablement né en Angleterre, décédé le 19 novembre 1726 à Annapolis Royal.

Bien qu’on lui supposât des origines françaises, Doucett était, de son propre aveu, « étranger à la langue française ». À partir de 1702, il reçut plusieurs brevets militaires et fut nommé lieutenant-gouverneur de la garnison d’Annapolis Royal le 25 mai 1717, en remplacement de Thomas Caulfeild. Tandis que Richard Philipps*, le nouveau gouverneur de la Nouvelle-Écosse, demeurait en Angleterre pour y recueillir des renseignements et des instructions concernant ses fonctions, Doucett partit pour la Nouvelle-Écosse et arriva à Annapolis Royal le 28 octobre 1717.

Il fut consterné de trouver le fort en ruines et les soldats de la garnison près de se rebeller, car ils étaient en loques et ne touchaient pas leur solde. Il prit immédiatement des mesures pour remédier à cet état de choses. Scandalisé de voir que les Acadiens, qui constituaient l’essentiel de la population, ne faisaient pas preuve de fidélité et de soumission à l’égard de l’Angleterre, Doucett rédigea à leur intention un serment d’allégeance. Quelques jours après son arrivée, il convoqua les Acadiens du voisinage et les invita à signer le texte. Au début de décembre, il en envoya un exemplaire à Peter Mellanson des Mines (Minas, N.-É.), pour qu’il fût traduit en français et rendu public. Il pria instamment le père Félix Pain* ‘ prêtre français des Mines, de ne pas exhorter ses ouailles à refuser de jurer fidélité à George Ier.

Cette tentative ne devait pas être couronnée de succès. Les Acadiens d’Annapolis répondirent qu’ils n’oseraient pas prononcer ce serment, à moins que la garnison ne fût en mesure de les protéger contre les Indiens. Sans cette protection, tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était jurer de ne pas prendre les armes contre l’Angleterre, la France ou n’importe lequel de leurs alliés. Doucett estima que cette crainte des Indiens n’était qu’un prétexte et que les Acadiens redoutaient bien plus leurs curés que les Indiens.

Il reçut une réponse des Mines le 10 février 1717/1718. Les habitants refusaient de signer le serment, alléguant trois raisons : le texte ne leur garantissait pas la liberté religieuse ; s’ils s’engageaient, ils s’attiraient l’inimitié des Indiens ; enfin, leurs ancêtres n’avaient jamais prêté un tel serment. Les Acadiens envoyèrent par la suite des émissaires à Louisbourg, pour demander conseil au gouverneur, Joseph de Brouillan, dit Saint-Ovide [Monbeton**].

Doucett offrit à Brouillan et à Vaudreuil [Rigaud] de faire des efforts mutuels pour cimenter la paix entre l’Angleterre et la France. Dans une lettre à Vaudreuil en date du 15 avril 1718, il exprima le souhait que les Acadiens désireux de devenir sujets britanniques en reçoivent l’autorisation, et pria Vaudreuil d’ordonner à tous ceux qui s’y refuseraient de se retirer en territoire français. Dans sa lettre du 15 mai 1718 à Brouillan, il se plaignait des empiétements français sur les droits de pêche de la Nouvelle-Écosse ; il y signalait aussi que les Français ne respectaient pas l’entente signée par les Acadiens avec Louis Denys* de La Ronde en 1714, entente selon laquelle ils avaient consenti à quitter la Nouvelle-Écosse. Doucett estimait que cette entente était devenue nulle et sans valeur, mais accepta de permettre aux Acadiens, qui souhaitaient encore partir, de quitter la région.

Brouillan répliqua en juillet qu’il ignorait tout des empiétements français sur les pêcheries, qu’à son avis les îles Canseau (Canso) appartenaient à la France, et que, si les Acadiens n’émigraient pas, c’était à cause des obstacles soulevés par Francis Nicholson, l’ancien gouverneur, et quelques autres, qui ne voulaient pas les laisser emporter leurs biens. Vaudreuil répondit de façon similaire. Il pria également Doucett de refuser aux navires anglais la permission d’emprunter la rivière Saint-Jean, qui, d’après Vaudreuil, appartenait aux Français. Doucett était convaincu que cette dernière exigence était sans fondement, car la rivière Saint-Jean était « en plein cœur de la Nouvelle-Écosse ». La gravité de la situation, cependant, apparut clairement dans des lettres adressées par Vaudreuil à Louis Allain, d’Annapolis, et qui tombèrent entre les mains de Doucett. Vaudreuil disait à Allain que la rivière Saint-Jean ne relevait pas de l’autorité anglaise et que les Acadiens pourraient se faire attribuer les terres sises sur les rives, en s’adressant au père Loyard qui était habilité à en accorder les droits. Cette querelle de frontières n’était donc pas seulement une question de principe, car les Français prétendaient que la péninsule de la Nouvelle-Écosse, et la péninsule seulement, constituait le territoire acadien cédé à l’Angleterre lors du traité d’Utrecht.

Le commerce était également un sujet épineux. La contrebande était fréquente, il existait un trafic important entre l’île Royale (île du Cap-Breton) et les établissements acadiens des Mines et de Cobequid. Doucett espérait qu’il serait possible de prendre les mesures nécessaires pour empêcher le commerce clandestin et l’usurpation des droits de pêche. Dans des lettres datées du 6 février 1717/1718 et adressées aux membres du Board of Trade et au secrétaire d’État, il fit remarquer l’avantage qu’il y aurait à avoir trois ou quatre avisos, armés de quatre ou six canons chacun, pour patrouiller la mer entre le grand passage de Fronsac (détroit de Canseau) et l’île des Monts Déserts ainsi que dans la baie Française (baie de Fundy). Doucett continua d’insister pour obtenir l’appui qu’il jugeait nécessaire mais, bien que sa requête fût judicieuse, on n’y donna pas suite sur le moment. Pendant ce temps-là, en septembre 1718, des pêcheurs anglais de Canseau furent dépouillés par l’équipage d’un navire de la Nouvelle-Angleterre commandé par Thomas Smart. Quand les Français, à leur tour, aidés par les Indiens, effectuèrent une descente sur Canseau en 1720, on y envoya des troupes pour l’hiver et le capitaine Thomas Durell, à bord du Seahorse, fut chargé de protéger la pêche en 1721.

Le gouverneur Philipps arriva à Annapolis Royal vers la mi-avril 1720 ; le 25 avril, il institua le Conseil royal de la Nouvelle-Écosse, sous la présidence de Doucett. Philipps s’installa à Canseau au cours de l’été 1721 et y resta jusqu’à son retour en Angleterre à la fin de 1722. À son départ il confia le commandement de la place à Doucett.

Celui-ci s’était rendu compte qu’il était indispensable de gagner le bon vouloir des Indiens de la Nouvelle-Écosse et, le 13 décembre 1718, il pria instamment Philipps de demander aux membres du Board of Trade des cadeaux pour distribuer à ces Indiens. Il reçut ce qu’il avait demandé dans le courant de l’été 1721 ; au début de 1722, Philipps donna une fête à Canseau à l’intention des chefs indiens. Les Indiens promirent solennellement leur amitié. Toutefois, les rapports entre les Abénaquis et le gouvernement du Massachusetts n’avaient cessé de s’envenimer [V. Mog]. Vers le milieu du mois de juin, les Abénaquis firent des incursions dans la région de la rivière Kennebec ; en même temps, des Indiens se livraient à une attaque imprévue et sans raison sur les vaisseaux dans la baie Française et le long de la côte est de la Nouvelle-Écosse. On apprit que les Indiens avaient capturé 18 navires marchands dans la baie et 18 bateaux de pêche au large de la côte est. Quelqu’un rapporta à Doucett que l’ambition des Indiens était de s’emparer d’Annapolis Royal. Doucett prit comme otages 22 Indiens qui campaient dans les parages ; il envoya un aviso à Canseau pour demander à Philipps ses instructions et pour avertir pêcheurs et commerçants le long de la côte d’être sur leurs gardes. L’initiative de Doucett à Annapolis Royal et les mesures prises par Philipps à Canseau entravèrent les projets des Indiens. Doucett, plus tard, émit l’opinion que les Indiens de la mission du père Gaulin avaient pris part au pillage.

Il fut impossible de conclure une paix définitive avec les Indiens en Nouvelle-Angleterre jusqu’en 1727 [V. Wenemouet] ais la guerre prit fin officiellement, en Nouvelle-Écosse, lors de la ratification du traité de paix à Annapolis Royal le 4 juin 1726. Au nombre des Indiens présents, on pouvait voir Joseph Nepomoit (Nipimoit), de Saint-Jean, et des délégués des Indiens de Cap Sable, de Shubenacadie, de La Hève, des Mines et de la rivière Annapolis. Il en coûta à Doucett près de £300 en cadeaux et festivités pour arriver à conclure la paix ; la ratification du traité lui procura cependant une certaine satisfaction.

Bien que Lawrence Armstrong eût été nommé lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse le 8 février 1724/1725, Doucett continua de remplir les fonctions de président du conseil et de lieutenant-gouverneur d’Annapolis Royal. Il reçut en août 1726 l’autorisation de prendre un congé de plusieurs mois, mais il resta à Annapolis Royal jusqu’à sa mort en novembre.

Le femme de Doucett résidait avec lui en Nouvelle-Écosse, mais son nom nous est inconnu. En 1721, ils avaient six enfants. En 1723, Isabella et Honoria Doucett, tantes et tutrices de quatre des enfants de John Doucett, présentèrent en leur nom une pétition au ministère de la Guerre.

Charles Bruce Fergusson

APC, Nova Scotia A, 9, 15, 16, 17.— Mass. Hist. Soc., Gay Papers, II, III, IV.— PANS, MS docs., XVII : 8 – PRO, C.O. 217/2, ff.129s., 135, 175–177, 182, 186–189, 192–197, 200, 202, 207–209, 211, 213, 215–217, 220s., 230s., 237s., 254–256, 260s. ; 217/3, ff.26s., 31, 47, 103s., 151 ; 217/4, ff.43, 113–119, 128–130, 132, 134, 155s., 182–185, 208 ; 217/5, ff.1s., 66–68 ; 217/30, ff.1s. ; 217/31, ff.65–68, 71 ; 218/1, ff.173–176, 187s., 190–192, 241–246, 254 ; 218/2, ff.12s., 17, 25–36 ; W.O. 71/6, 345.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, CF, I (1888) : 116–120, 170–173.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., II : 213ss.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), IX : 892, 936, 945, 948s.— N.S. Archives, II, III.— PRO, CSP, Col., 1717–18, 1722–23, 1726–27.— RAC, 1894.— Dalton, English army lists, V : 148.— Brebner, New England’s outpost,— Dalton, George the First’s army, I : 222, 248, 313.— F.-J. Audet, Governors, lieutenant-governors, and administrators of Nova Scotia, 1604–1932 (notes dactylographiées conservées aux PANS).

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Charles Bruce Fergusson, « DOUCETT, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/doucett_john_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    17 déc. 2024