DEBLOIS, STEPHEN WASTIE, homme d’affaires, fonctionnaire et homme politique, né le 16 janvier 1780 à New York, fils aîné de George Deblois et de Sarah Deblois* ; il eut deux fils et une fille avec Jane Catherine Witham, qu’il épousa par la suite ; décédé le 26 décembre 1844 à Halifax.
Le père de Stephen Wastie Deblois, Anglais d’ascendance huguenote, quitta Oxford en 1761 et s’établit à Salem, au Massachusetts, à titre de marchand général. Forcé de fuir cette ville en 1775 à cause de ses convictions loyalistes, il trouva refuge à Halifax pour s’installer ensuite, en 1777, à New York, toujours comme marchand. Vers la fin de la guerre, il retourna à Halifax, rouvrit un commerce et commença à se tailler une place dans l’oligarchie locale ; ainsi on le choisit comme juge de paix en 1793. Sa mort prématurée, en 1799, plongea sa famille dans les difficultés, mais Sarah Deblois reprit en main son entreprise. Probablement Stephen y travaillait-il déjà quand, en 1808, des annonces parues dans les journaux le reconnurent pour la première fois comme chef de l’entreprise.
On ignore quelles études Stephen avait faites et quelle formation il avait reçue en affaires mais, de toute évidence, il avait l’étoffe d’un marchand accompli. La prospérité que Halifax connut dans la dernière phase des guerres napoléoniennes l’aida sans aucun doute à prendre un bon départ. En 1814, tandis que les butins de guerre inondaient le marché local, il se spécialisa dans la vente aux enchères. Une fois la paix revenue, il demeura encanteur mais se mit plutôt à offrir des comestibles et autres produits analogues importés des États-Unis. Ses méthodes, radicalement nouvelles sur le marché haligonien, irritaient les marchands plus conformistes : ils se plaignaient que les encanteurs leur livraient une concurrence déloyale puisqu’ils avaient besoin de peu de capital et agissaient en fait pour le compte de marchands de l’extérieur de la province. Néanmoins, Deblois persista, si bien qu’au début des années 1820 le volume annuel de ses ventes dépassait les £10 000.
Deblois eut des associés tout au long de sa carrière. En 1816, il recruta le premier d’entre eux, William Bowie, qui fournit probablement le capital et les relations nécessaires pour survivre à la dislocation qui frappa le commerce d’après-guerre. Bowie devait toutefois mourir en 1819, des suites d’un duel contre Richard John Uniacke* fils. Deblois s’associa alors à William Minet Deblois, son frère, puis à Samuel Mitchell, et enfin à James W. Merkel. Au milieu des années 1840, il était l’associé principal d’une entreprise dont l’actif, supérieur à £25 000, lui appartenait aux deux tiers. Il comptait parmi les plus grands propriétaires du front de mer de Halifax et accroissait ses revenus en faisant des prêts sur hypothèque. L’une de ses plus grosses transactions fut un prêt de £9 000 consenti au début des années 1840 à Samuel Cunard*, alors menacé de faillite.
Le fait que Deblois fut élu à la Halifax Chamber of Commerce et qu’il remplit un mandat à titre de vice-président témoigne de son importance dans le milieu des affaires. Il investit dans des entreprises comme la Halifax East India Company, la Shubenacadie Canal Company, l’Albion Fire Insurance Company, la Nova Scotia Marine Insurance Company et la Banque de l’Amérique septentrionale britannique et fit partie de leur conseil d’administration. Au fil de sa carrière commerciale, il accumula des charges publiques ou des postes honorifiques, tels ceux de commissaire du terrain communal de Halifax, commissaire des cimetières publics, secrétaire de la Cour de vice-amirauté et vice-président de la St George’s Society. De plus, on l’élit une fois député du canton de Halifax à la chambre d’Assemblée.
La controverse qui demeure associée au nom de Deblois résulta, pour l’essentiel, de sa présence en chambre à une époque où l’agitation réformiste prenait de l’ampleur. Choisi candidat par l’oligarchie de Halifax aux élections de 1830, il fit la lutte au député sortant, Beamish Murdoch*, avocat alors associé à la cause réformiste. Des actes de violence et des harangues passionnées marquèrent la campagne ; pour Murdoch, les loyalistes étaient « la lie des États-Unis » et avaient « fui dettes et embarras » par « prétendue » fidélité à la couronne. Après une écrasante victoire, Deblois se distingua vite en chambre par le ton agressif et esbroufeur sur lequel il défendait les droits acquis. Partisan enthousiaste du progrès par la construction de canaux et la navigation à vapeur, il soutenait que les monopoles et privilèges étaient essentiels au développement économique de la Nouvelle-Écosse. Ainsi, bien que favorable à une banque et au papier-monnaie, il s’opposa à la constitution de la Bank of Nova Scotia : imposer une concurrente à la Halifax Banking Company, disait-il, menacerait la stabilité des affaires. De même, il arguait que Halifax, « cœur et âme du pays », ne devait pas perdre son droit exclusif de gérer l’importation de marchandises étrangères grâce à sa qualité d’unique port franc de la province. Pendant la crise économique régionale du milieu des années 1830, qui exacerba les revendications politiques, il attribua les problèmes commerciaux aux contrebandiers des petits villages de pêcheurs et invita la population à demeurer fidèle à l’élite traditionnelle.
À l’époque des élections de 1836, la masse de plus en plus nombreuse de réformistes que comptait Halifax détestait Deblois. Il était réputé réactionnaire, et le fait que son frère travaillait dans l’administration municipale, corrompue, le rendait encore plus odieux. Au cours d’une assemblée publique tenue pour réviser l’éligibilité des candidats, on hua et rejeta son nom. Même parmi l’oligarchie certains avaient fini par constater que son extrême partisanerie en faisait un objet de risée. Absent de l’Assemblée, il ne cessa pas pour autant toute activité politique. À la fin des années 1830 et au début des années 1840, il continua de s’opposer à tout changement constitutionnel et consacra une part de son argent et de son influence au soutien d’une résistance d’arrière-garde à la venue d’un gouvernement responsable.
Deblois conserva jusqu’à la fin de sa vie une place de choix parmi l’élite commerçante et mondaine de Halifax. Sa résidence de 13 pièces, rue Gottingen, qui valait environ £1 000 et contenait des meubles et des effets estimés à plus de £400, était tout à fait celle d’un bourgeois de bon ton. Ses dépenses de ménage, y compris la location d’un banc à l’église anglicane St George, un abonnement à la Halifax Library et des leçons de maintien pour les enfants, excédaient chaque année les £400. Son testament donne un autre indice du niveau de vie de l’élite haligonienne : il avait prévu que chacun de ses deux fils toucherait £3 000 à sa majorité, sa fille £2 000 et sa femme, un douaire de £1 500. Ce n’étaient pas là de vaines promesses, puisque la succession s’éleva à plus de £23 000.
D’après une notice nécrologique, Stephen Wastie Deblois avait « un tempérament quelque peu excentrique », remarque qui fait soupçonner qu’il n’était pas attachant. Il heurtait sûrement les membres du mouvement réformiste et pouvait même, quand cela servait ses desseins, déconcerter ceux de l’establishment de Halifax. L’irrégularité de sa vie privée devait susciter des commentaires, d’autant plus qu’en ces temps la classe moyenne accordait de plus en plus de prix à la respectabilité. Bref, Deblois était, semblet-il, une espèce de renégat, un homme davantage guidé par des motifs égoïstes et par l’ambition que par quelque pensée cohérente. Néanmoins, sa carrière permet de comprendre les divers courants de changement qui animèrent la Nouvelle-Écosse au début du xixe siècle.
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David A. Sutherland, « DEBLOIS, STEPHEN WASTIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/deblois_stephen_wastie_7F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/deblois_stephen_wastie_7F.html |
Auteur de l'article: | David A. Sutherland |
Titre de l'article: | DEBLOIS, STEPHEN WASTIE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |