Daubigny, François-Théodule (à sa naissance, il reçut les prénoms de Théodule-François), vétérinaire, professeur et administrateur scolaire, né le 13 décembre 1865 à Saint-Denis, France, fils de Victor-Théodule Daubigny* et de Marie-Élise Chouquet ; le 8 février 1897, il épousa dans la paroisse Notre-Dame, Montréal, Eda Gravel, et ils eurent une fille ; décédé le 1er avril 1939 à Québec et inhumé quatre jours plus tard dans le cimetière Saint-Charles, dans la même ville.

Né en France, François-Théodule Daubigny suivrait les traces de son père, Victor-Théodule, qui, venu au Canada en 1872, y devint vétérinaire (1879), enseignant à la section française du Montreal Veterinary College (1879–1885), puis cofondateur, en 1885, de l’École de médecine vétérinaire de Montréal dont il se dissocia, l’année suivante, pour fonder l’École vétérinaire française de Montréal. Cette dernière, d’abord affiliée à l’université Laval à Montréal, serait le seul établissement d’enseignement vétérinaire francophone de la province de Québec à triompher des écueils pour se perpétuer au moins jusqu’au début du xxie siècle (sous le nom de faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal à partir de 1969) [V. Joseph-Alphonse Couture*].

François-Théodule commença sa formation en France, où il entra, en 1869, à la petite école de Saint-Denis. Lorsqu’il perdit sa mère, morte des suites d’une fièvre puerpérale le 19 août 1872 – à peine trois mois après le départ de son père pour le Canada –, il fut placé avec sa sœur Camille sous la tutelle de ses grands-parents maternels. En 1873, il suivit ces derniers au domaine de Balincourt, à Arronville. Il fréquenta l’école d’Arronville jusqu’à son entrée comme pensionnaire au collège communal de Pontoise, en septembre 1877, où il fit ses études classiques. Il quitta cet établissement en juin 1882, à l’âge de 16 ans, avec l’intention de rejoindre son père au Canada. Au mois de juillet de la même année, il s’embarqua pour le Nouveau Monde ; il obtiendrait sa naturalisation canadienne en mars 1897.

Peu après son arrivée à Montréal, François-Théodule fut incité par son père à étudier en Ontario, afin de maîtriser l’anglais et ainsi bénéficier au Canada d’un avantage linguistique certain. Sous ces recommandations, il fréquenta dès l’automne un collège de Peterborough. Cinq ans plus tard, il passa l’examen d’entrée de l’école que venait de fonder son père, où il entreprit sa scolarité le 4 octobre 1887 et réussit l’examen final le 29 mars 1889. Le 9 avril, il obtint son diplôme en médecine vétérinaire à l’âge de 23 ans et reçut une médaille du commissaire de l’Agriculture et de la Colonisation, William Rhodes, pour son excellence.

Celui que l’on surnommerait bientôt le « jeune » Daubigny commença dès 1889 à enseigner l’anatomie pratique à l’École vétérinaire française de Montréal, son alma mater. Les annuaires de l’établissement témoignent d’une multiplication rapide de ses charges d’enseignement : chirurgie pratique en 1890, clinique vétérinaire en 1891, pathologie bovine et pathologie des petits animaux de basse-cour en 1892, anatomie, obstétrique et chirurgie opératoire en 1901, et clinique médicale en 1903. Ils rendent également compte de son ascension. Dès 1896, tandis que son père s’investissait davantage dans l’action sanitaire vétérinaire au Québec, François-Théodule assumait plus de responsabilités à l’école rebaptisée, l’année précédente, École de médecine comparée et de science vétérinaire de Montréal. À l’automne de 1896, par exemple, il prononça le discours d’ouverture de la session et s’occupa de la sélection des candidats au programme. Ses étudiants se souviendraient de lui comme d’un professeur autoritaire, mais jovial et joueur de tours. Daubigny occupa de plus le poste de vétérinaire de la ville de Montréal de 1906 à 1908.

En 1909, Daubigny succéda à son père, mort en décembre 1908, au directorat de l’école à laquelle il ferait connaître un succès sans précédent au cours des dix années suivantes. Le nombre d’étudiants augmenta jusqu’à l’année scolaire 1916–1917, où il atteignit un maximum de 62. Le nombre annuel moyen de diplômés doubla pendant la période de 1909 à 1919 par rapport à celle de 1887 à 1908. En 1914, l’école emménagea dans un magnifique immeuble de l’université Laval à Montréal, au coin des rues De Montigny et Saint-Hubert. Elle bénéficia à partir de 1915 d’une subvention fédérale renouvelable, tributaire des inscriptions. Dans le Devoir du 20 janvier 1915, à la suite de l’ouverture du premier congrès des médecins vétérinaires de la province de Québec (organisé par Daubigny), l’École de médecine comparée et de science vétérinaire de Montréal fut qualifiée de « plus moderne du genre en Amérique ».

Pourtant, l’hôpital vétérinaire où se donnait l’enseignement clinique était alors vétuste. N’ayant pas été modernisé depuis la fondation de l’École vétérinaire française de Montréal en 1886, Daubigny voulait le remplacer. Il profita de la cohésion professionnelle manifestée au congrès et de la motion sur ce besoin urgent adoptée par ses participants pour solliciter du gouvernement provincial une aide financière pour construire une clinique vétérinaire moderne. Grâce à une subvention de 30 000 $ ainsi obtenue, l’école put inaugurer son nouvel hôpital en octobre 1918.

Le programme d’études de trois ans fut enrichi et prolongé d’une année en 1918. Daubigny et les membres du conseil de l’école visaient ainsi à rehausser le statut de la profession et à attirer plus de candidats. L’établissement fut affilié à l’université de Montréal et rebaptisé, le 14 février 1920, École de médecine vétérinaire de Montréal. Au mois d’octobre, il figura sur la liste des établissements reconnus par l’American Veterinary Medical Association.

Dans les années 1920, la conjoncture de l’après-guerre et le remplacement graduel des chevaux par les véhicules motorisés amorcèrent cependant une période de déclin pour l’École de médecine vétérinaire de Montréal. Les étudiants s’orientaient alors, selon Daubigny, vers des domaines comme la médecine et le droit qui, sans leur demander plus d’études, étaient réputés plus lucratifs et plus nobles. L’école subit effectivement une baisse importante d’inscriptions à compter de 1919, année où elle n’avait plus que 23 étudiants ; elle en comptait 16 en 1920. La subvention fédérale, proportionnelle aux inscriptions, diminua et prit fin en 1925, consacrant une ère de précarité pour l’établissement. En 1927, l’école, fréquentée par 16 étudiants, accusait un déficit.

Parallèlement, le marché de la médecine vétérinaire s’orientait de plus en plus vers l’agriculture et laissait présager un rapprochement possible des deux domaines. Le 16 mars 1928, l’université de Montréal mandata un comité composé de personnages clés de l’administration universitaire pour étudier la question. Le 30 mai, celui-ci suggéra d’annexer l’École de médecine vétérinaire – qui s’établirait à Saint-Hyacinthe en 1947 – à l’Institut agricole d’Oka. Le déménagement eut lieu au cours de l’été de 1928 et l’école, rebaptisée École de médecine vétérinaire de la province de Québec, fut placée sous la direction des trappistes. Daubigny démissionna de son poste de directeur cette année-là.

En raison de sa santé et, peut-être, d’un certain désintérêt pour une école dont il n’était plus le directeur, Daubigny ne donna par la suite que quelques cours à Oka. En 1931, son nom disparut de la liste des professeurs. Lui et son épouse s’établirent à Québec, où vivait leur fille. Il y pratiqua occasionnellement la médecine vétérinaire pour le compte de confrères. Il rendit l’âme en 1939, à la suite de complications cardiaques.

Pour son zèle à rehausser la profession vétérinaire et l’enseignement dans son école, Daubigny mérita des honneurs. De 1910 à 1934, il fut gouverneur de l’hôpital Notre-Dame de Montréal. En 1914, le gouvernement français le nomma chevalier de l’ordre du Mérite agricole, puis, en 1922, lui en remit la croix d’officier. Il devint en 1932 président honoraire du Collège des médecins vétérinaires de la province de Québec.

François-Théodule Daubigny porta l’œuvre de son père à son apogée en faisant connaître à l’École de médecine comparée et de science vétérinaire son époque la plus glorieuse. Pendant son directorat, il contribua à établir les bases de la médecine vétérinaire comme discipline universitaire et participa au rayonnement croissant que connaîtrait la profession dans la province. La médecine vétérinaire était, selon lui, digne d’un prestige égal à celui de la médecine humaine. Comme il l’avait affirmé dans son discours d’ouverture en 1896 (publié la même année dans l’Union médicale du Canada), il voyait dans l’alliance de ces deux secteurs de la science médicale non seulement une étape essentielle à la reconnaissance sociale de la médecine vétérinaire, mais aussi une « condition de leur progrès réciproque ».

Louka J. Beaudry

François-Théodule Daubigny est l’auteur des articles suivants : « les Écoles vétérinaires en Canada », l’Union médicale du Canada (Montréal), 25 (1896) : 666–670 et « The teaching of veterinary science in the province of Quebec », American Veterinary Medical Assoc., Journal (Ithaca, N.Y.), nouv. sér., 18 (avril–septembre 1924) : 14–20.

Arch. en ligne, Saint-Denis, France, « État civil », Saint-Denis, 14 déc. 1865 : archives.ville-saint-denis.fr (consulté le 29 oct. 2012).— BAC, « Documents de l’enregistrement de la citoyenneté de la Cour de circuit de Montréal (1851–1945) » : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/immigration/citoyennete-dossiers-naturalisation/citoyennete-1851-1945-montreal/Pages/introduction.aspx (consulté le 16 janv. 2014) ; R194-40-3, 1259, dossier 248541 ; 1323, dossier 264286.— BAnQ-CAM, CE601-S51, 8 févr. 1897, 20 janv. 1899.— FD, cimetière Saint-Charles (Québec), 5 avril 1939.— Univ. de Montréal, Div. des arch., D 35, 1289 ; E 57, annuaire de l’École de médecine vétérinaire, 1920–1925, 1926–1928 ; annuaire de l’École de médecine comparée et de science vétérinaire de Montréal, 1896–1897, 1901–1905, 1906–1907, 1909–1910, 1911–1920 ; annuaire de l’École de médecine vétérinaire française de Montréal, 1888–1890 ; E 57, C6 ; E 57, 5B, 1 ; E 82.— Le Devoir, 4 avril 1939.— C. A. V. Barker et T. A. Crowley, One voice : a history of the Canadian Veterinary Medical Association (Ottawa, 1989).— BCF, 1925.— A. M. Evans et C. A. V. Barker, Century one : a history of the Ontario Veterinary Association, 1874–1974 (Guelph, Ontario, 1976).— F. E. Gattinger, A century of challenge : a history of the Ontario Veterinary College ([Toronto], 1962).— C. A. Mitchell, « A note on the early history of veterinary science in Canada », Canadian Journal of Comparative Medicine and Veterinary Science (Gardenvale [Sainte-Anne-de-Bellevue, Québec]), 2 (1938), no 12 : 322–324 ; 4 (1940), no 1 : 26–29, no 7 : 206–208.— « Nouvelles et Informations : Mérite agricole », Recueil de médecine vétérinaire (Paris), 98 (1922) : 412.— Michel Pepin, Histoire et petites histoires des vétérinaires du Québec ([Montréal], 1986).— Rémy Véronési, « Victor-Théodule Daubigny (1836–1908), promoteur de l’enseignement vétérinaire francophone au Canada (Saint-Hyacinthe, Québec) : sa vie, son œuvre » (thèse de ph.d., univ. de Paris, 1986).

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Louka J. Beaudry, « DAUBIGNY, FRANÇOIS-THÉODULE (Théodule-François) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/daubigny_francois_theodule_16F.html.

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Auteur de l'article:    Louka J. Beaudry
Titre de l'article:    DAUBIGNY, FRANÇOIS-THÉODULE (Théodule-François)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2019
Année de la révision:    2019
Date de consultation:    23 déc. 2024