CORBIN, DANIEL CHASE, constructeur de chemins de fer et entrepreneur, né le 1er octobre 1832 à Newport, New Hampshire, fils d’Austin Corbin et de Mary Chase ; en 1862, il épousa au New Hampshire Louisa M. Jackson, et ils eurent un fils et deux filles, puis en 1907, Anna Louise Larson (Larsen), et de ce mariage ne naquit aucun enfant ; décédé le 29 juin 1918 à Spokane, Washington.

Daniel Chase Corbin passa sa jeunesse dans la ferme familiale, au New Hampshire. Parti pour l’Ouest en 1852, il arpenta des terres dans l’Iowa, puis dans le territoire du Nebraska. Profitant de l’expansion de l’économie de l’Ouest, il bâtit une florissante entreprise de transport de marchandises dont les principaux clients étaient l’armée et des sociétés minières. En 1862, peu après son premier mariage, il s’installa à Denver, au Colorado, puis en 1865, il se rendit dans le territoire du Montana. Tout en continuant à faire du transport de marchandises, il s’intéressa à d’autres activités, les affaires bancaires et l’exploitation minière par exemple. Toutefois, la mauvaise santé de sa femme l’amena finalement à abandonner certaines de ces activités et à en poursuivre d’autres de moins près. À compter de 1872, il passa beaucoup de temps à New York et en Europe, dans l’espoir de trouver un endroit qui conviendrait à sa femme. Cependant, la polyarthrite rhumatoïde la confinerait dans un fauteuil roulant jusqu’à sa mort, survenue en France en 1900.

À la fin des années 1870, quand il ne voyageait pas, Corbin travaillait avec son frère Austin. Celui-ci était propriétaire du New York and Manhattan Beach Railway, qui contribua à la popularité du parc récréatif de Coney Island, à New York. Corbin retourna dans le Montana à l’automne de 1882 et, stimulé par l’entrée du Northern Pacific Railroad dans ce territoire, il collabora bientôt à la mise sur pied de la Helena Mining and Reduction Company. En partie à cause de la construction du Northern Pacific, un boom minier s’amorça dans la région de Cœur d’Alene, dans l’Idaho. En 1886, Corbin construisit son premier chemin de fer, qui reliait les mines au Northern Pacific. Des considérations d’ordre juridique l’amenèrent à construire cette ligne vers l’est à partir de Spokane plutôt que vers l’ouest à partir du Montana. Le Cœur d’Alene Railway marchait bien, mais Corbin le vendit au Northern Pacific en 1888 au lieu de dépenser ses énergies à l’exploiter. Il se tourna ensuite vers le Canada, car on venait de découvrir des mines dans la région de Kootenay, en Colombie-Britannique. Comme le suggérait l’exemple du Cœur d’Alene Railway, il était possible de réaliser de jolis bénéfices en construisant des embranchements entre les mines et le réseau ferroviaire transcontinental, alors en pleine expansion. Au fil de la décennie suivante, Corbin construisit une série de lignes reliant le sud-est de la Colombie-Britannique aux chemins de fer qui passaient à Spokane Falls (Spokane).

Les activités de Corbin semblaient représenter une sérieuse menace pour le gouvernement fédéral de sir John Alexander Macdonald* et la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, qui projetaient de construire un réseau de transport national est-ouest. En 1889, la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique investit dans un chemin de fer qui relierait les lacs Arrow et Kootenay, dans le sud-est de la Colombie-Britannique. Elle expliqua aux actionnaires que cette décision avait pour but d’« empêcher des lignes étrangères d’envahir le district de Kootenay, en Colombie-Britannique – district [où abondaient] les métaux précieux et autres richesses naturelles ». L’année suivante, le gouvernement interdit à Corbin de construire une ligne de Nelson à Spokane Falls. Selon le Vancouver Weekly World, la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique était à l’origine de cette interdiction : « Il était évident dès le début que le gouvernement et tous ses partisans avaient adopté le point de vue de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. » Corbin ne se laissa pas décourager pour autant. Pendant l’été de 1890, il acheva un chemin de fer qui reliait Spokane Falls aux Little Dalles (près de Marble), dans l’État de Washington, point à partir duquel on pouvait pénétrer en Colombie-Britannique en naviguant sur le fleuve Columbia. Cette voie, le Spokane Falls and Northern Railway, était en liaison avec des vapeurs qui remontaient le Columbia jusqu’aux lacs Arrow, d’où l’on pouvait rejoindre le tronçon principal du chemin de fer canadien du Pacifique à Revelstoke. Dès 1892, le chemin de fer de Corbin se rendait jusqu’à Northport, dans l’État de Washington, près de la frontière de la Colombie-Britannique. La même année, Corbin obtint du gouvernement fédéral l’autorisation de prolonger ce chemin de fer jusqu’à Nelson (la section canadienne de ce prolongement porterait le nom de Nelson and Fort Sheppard Railway). Il termina ces travaux dès la fin de 1893.

L’ouvrage suivant réalisé par Corbin au Canada fut le Red Mountain Railway, appelé Columbia and Red Mountain du côté sud de la frontière. D’une longueur de 17 milles, cette ligne, terminée en décembre 1896, reliait Rossland, florissante localité minière de la Colombie-Britannique, avec le Spokane Falls and Northern Railway à Northport. De là, les passagers et les marchandises pouvaient continuer vers le sud jusqu’à Spokane ou vers le nord jusqu’à Nelson. Les pires appréhensions de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique semblaient se matérialiser. Comme le proclamait un journal de Spokane, la construction du Red Mountain Railway « faisait pratiquement de Spokane le lieu de rendez-vous des mineurs de Rossland et le foyer commercial de toute la région de Trail Creek ». La fonderie de Trail, en Colombie-Britannique, bâtie en 1896 pour traiter le minerai de Rossland, était forcée de rivaliser avec une fonderie de Northport. Comme cette dernière était sous le contrôle des propriétaires de l’une des principales mines de Rossland, une bonne partie du minerai de cette localité descendait vers le sud par le chemin de fer de Corbin. En 1898, Corbin vendit ses divers chemins de fer à John Pierpont Morgan. Cependant, le Great Northern Railroad de James Jerome Hill en fit l’acquisition peu après.

Après avoir vendu ses chemins de fer, Corbin s’occupa de diverses affaires à Spokane et aux alentours, mais il se remit à la construction ferroviaire en 1905, cette fois de concert avec la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Il construisit le Spokane International Railway, qui partait de Spokane et, montant vers le nord-est, traversait l’Idaho, puis se rendait dans l’est de la région de Kootenay, en Colombie-Britannique. En même temps, Corbin mit sur pied une compagnie afin d’exploiter un riche gisement de houille dans la passe du Nid-du-Corbeau. Cette société, la Corbin Coal and Coke Company Limited, resta en activité jusqu’en 1935. Ce fut sa dernière entreprise canadienne.

Daniel Chase Corbin a laissé le souvenir d’un homme sévère, rude et discipliné qui « aimait qu’on s’adresse à lui avec respect ». Il ne fréquentait pas la société de Spokane, qui le tint d’ailleurs à l’écart après qu’il eut épousé en 1907 sa femme de ménage, Anna Louise Larson. Il vivait paisiblement dans une maison vaste mais austère. Bien qu’il soit resté en affaires jusqu’à sa mort, il était connu surtout comme constructeur de chemins de fer. Ses lignes orientèrent le développement économique de la région de Kootenay et firent de Spokane le centre commercial de l’État de Washington, de l’Idaho et du sud-est de la Colombie-Britannique. Il fut l’un de ces concurrents américains devant lesquels la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique dut défendre ses intérêts dans l’Ouest canadien en construisant la ligne de la passe du Nid-du-Corbeau et en formant une filiale, la Consolidated Mining and Smelting Company of Canada Limited, mieux connue sous le nom de Cominco.

Jeremy Mouat

Un article de D. C. Corbin, « Recollections of a pioneer railroad builder », est publié dans Wash. Hist. Quarterly (Seattle), l (1906–1907), no 2 : 43–46.

Rossland Miner (Rossland, C.-B.), 15 mars 1898.— Vancouver Weekly World, 13 mars 1890.— DAB.— J. A. Eagle, The Canadian Pacific Railway and the development of western Canada, 1896–1914 (Kingston, Ontario, 1989).— J. [R.] Fahey, Inland empire : D. C. Corbin and Spokane (Seattle, 1965) ; « The retirement of Daniel Corbin », Pacific Northwesterner (Spokane, Wash.), 7 (1962–1963), no 4 : 50s.— [R.] C. Harris, « Moving amid the mountains, 1870–1930 », BC Studies, no 58 (été 1983) : 3–39.— R. H. Meyer, « The evolution of railways in the Kootenays » (mémoire de m.a., Univ. of B.C., Vancouver, 1970).— Jeremy Mouat, « Creating a new staple : capital, technology, and monopoly in British Columbia’s resource sector, 1901–1925 », SHC, Rev., nouv. sér., 1 (1990) : 215–237.— P. [E.] Roy, « Railways, politicians and the development of the city of Vancouver as a metropolitan centre, 1886–1929 » (mémoire de m.a., Univ. of Toronto, 1963).

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Jeremy Mouat, « CORBIN, DANIEL CHASE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/corbin_daniel_chase_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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