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CAUCHON, NOULAN (baptisé Joseph-Eusèbe-Noulan), arpenteur, ingénieur, fonctionnaire et urbaniste, né le 4 mars 1872 à Québec, fils de Joseph Cauchon*, président du Sénat, et de Maria-Louisa Noulan ; le 17 juin 1920, il épousa à Ottawa Marguerite-Louise Le Moine, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 28 octobre 1935 à Ottawa et inhumé trois jours plus tard dans le caveau de la famille Le Moine-des-Pins à Château-Richer, Québec.
Après quelques mois à l’embauche de la Compagnie du chemin de fer de Québec et du lac Saint-Jean, Noulan Cauchon exerce, dès l’âge de 16 ans, le métier d’arpenteur au sein de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique [V. Le chemin de fer canadien du Pacifique]. Avec l’équipe dirigée par l’ingénieur principal de la division ouest, Donald Alexander Stewart*, il participe à l’exploration des Rocheuses et des monts Selkirk ; il acquiert ainsi une formation sur la pratique autant que sur l’organisation du travail.
Les préférences de Cauchon vont rapidement à l’ingénierie, dont il acquiert les bases sur le chantier en qualité d’adjoint à l’ingénieur Hugh David Lumsden et, à partir de 1900, auprès de l’ingénieur en chef William Francis Tye, qui lui confie la charge de superviser la construction d’une ligne ferroviaire de Port Arthur (Thunder Bay), en Ontario, à la tête des Grands Lacs, jusqu’aux Rocheuses. Après une carrière montante de 20 ans au sein de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, Cauchon est nommé ingénieur adjoint de la Commission des chemins de fer pour le Canada en 1908. Il tisse dès ce moment un important réseau de contacts dans la capitale canadienne, où il s’établit définitivement.
Cauchon manifeste un intérêt marqué pour l’urbanisme naissant. Vers 1909, il fait son apprentissage dans le domaine grâce à des lectures assidues. Il quitte le service public pour ouvrir, en 1910, une agence d’ingénierie à Ottawa avec son associé Richard Lafontaine Haycock. Pendant un quart de siècle, son entreprise obtient nombre de contrats, trace notamment des plans d’aménagement (Montréal et Chicoutimi (Saguenay), au Québec, Hamilton, London et St Catharines, en Ontario) et produit des rapports sur le développement d’infrastructures dans tout le Canada. Devant la section locale de la Société canadienne des ingénieurs civils, en octobre 1911, il livre un plaidoyer sur la planification des villes pour rallier le corps des ingénieurs autour de cette nouvelle spécialité. La même année, tandis qu’il est embauché par la ville d’Ottawa qui veut repenser son système de distribution d’eau à la suite d’une épidémie de fièvre typhoïde, Cauchon réfléchit aux carences du plan de la capitale. Sur la base des principes de l’hygiène et de l’embellissement, il dévoile l’hiver suivant une esquisse de voies diagonales pour assurer de meilleures liaisons entre les principaux espaces et les édifices publics. L’urbaniste ne cache pas son ambition de faire d’Ottawa la « Washington du Nord ».
En 1915, avec quelques grandes figures de l’urbanisme, comme le réputé Thomas Adams, Cauchon fonde, dans la mouvance réformatrice, la Canadian League for Civic Improvement. Membre fondateur du Town Planning Institute of Canada créé en 1919, il devient rapidement un ardent défenseur de la nouvelle profession qu’il cherche à protéger des charlatans par des mesures corporatives – sélection des candidats et réflexion éthique – et par une large campagne d’éducation pour faire connaître les répercussions sociales et économiques de l’urbanisme. Au contact des enseignements du mouvement City Practical, qui renforcent sa conviction à ce sujet, Cauchon développe le projet d’élaborer une science de l’aménagement de l’espace. Ses écrits posent déjà les principes d’un ordre naturel : une éthique au service de la conservation de la vie, une sociologie appliquée qui tire profit de la rationalité économique, un art comme l’expression d’une vérité inhérente. Au tournant des années 1920, Cauchon, dont les recherches s’écartent de l’embellissement, cherche à faire œuvre de théoricien (par exemple, dans ses plans pour le réaménagement du terminus ferroviaire et de l’accès à la ville de Hamilton).
Premier président de la Ottawa Town Planning Commission en 1921, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort, Cauchon y réalise une série de travaux en vue principalement d’améliorer les axes de circulation. Il y poursuit sa croisade, en collaboration avec l’architecte John Macrae Kitchen, pour faire adopter un zonage cité comme un modèle au Canada. Malgré la résistance des autorités locales, il préconise en fait la création d’un district fédéral. Parallèlement, il conseille de nombreuses autres villes au pays. Expert technique auprès de plusieurs comités parlementaires fédéraux, il accède à la présidence du Town Planning Institute of Canada (1924–1926). En même temps, il achève la conception de ce qui le fera connaître au Canada et à travers le monde : la planification hexagonale. La International City and Regional Planning Conference, à New York, en avril 1925, lui accorde une tribune décisive pour présenter cette contribution phare. La géométrie lui inspire un maillage urbain régulier de lotissement sous l’apparence d’alvéoles propres à assurer l’hygiène et une circulation harmonieuse. Ses recherches culminent en 1927 avec l’Hexagonopolis – cité imaginaire alliant réalisme et aspiration de justice –, qui crée un grand effet et semble acceptée dans les principaux cercles de l’urbanisme. Cauchon rassemble ses idées sur l’urbanisme dans une série de conférences thématiques qu’il livre d’abord au Canada, ensuite aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe. Le théoricien français Georges Benoît-Lévy et l’architecte anglais Richard Barry Parker éveillent leurs lecteurs aux inappréciables avantages de cette géométrie salutaire. En Angleterre, en 1932, Parker pare Manchester d’un quartier hexagonal ; il devait greffer à Letchworth les conceptions de Cauchon, projet qui ne s’est jamais réalisé.
Les postes honorifiques que reçoit Noulan Cauchon vers la fin de sa carrière, entre autres celui de membre du comité général, comme correspondant canadien, de la Town and Country Planning School de Welwyn Garden City, en Angleterre, tranchent sur ses difficultés pour assurer une pratique locale. Au nom de l’intérêt général, l’urbaniste poursuit une campagne d’opinion pour étendre l’action publique. Stimulées par les obstacles, ses propositions sur la planification des villes ou le logement populaire trouvent finalement peu de débouchés concrets au Canada, où le marché de la commande reste étroit et les appuis fragiles, particulièrement après la crise économique. Cauchon succombe à une pneumonie lobaire au Civic Hospital d’Ottawa en 1935, quelques mois après un plaidoyer remarqué en qualité de témoin auprès du comité spécial d’enquête sur le logement de la Chambre des communes. La carrière remplie de Cauchon le place au rang des pionniers de l’urbanisme et, d’après l’avis même de plusieurs contemporains, l’établit comme le seul spécialiste canadien de son époque à jouir d’un rayonnement à l’étranger. Fréquemment salué pour le caractère original et humain des solutions qu’il préconise, Cauchon représente pour son collègue et ami Percy Erskine Nobbs* l’incarnation d’un urbaniste intègre, sachant concilier justice sociale et réalités économiques.
Noulan Cauchon a signé de nombreux articles, dont : « A theory of arterial highways and the tide of traffic », City Planning (Boston), 1 (1925) : 94–96 ; « Town and regional planning : address to the Technological Club of Syracuse, N.Y. », Town Planning Instit. of Canada, Journal (Ottawa), 4 (1925), no 6 : 14–17 ; « Town planning », Instit. royal d’architecture du Canada, Journal (Toronto), 3 (1926) : 165–171 ; « Planning organic cities to obviate congestion : orbiting traffic by hexagonal planning and intercepters », American Academy of Political and Social Science, Annals (Philadelphie), 133 (septembre 1927) : 241–246 ; « Principles underlying town planning and zoning legislation », la Rev. municipale (Montréal), décembre 1927 : 23–25. BAC conserve le fonds Noulan Cauchon (R5958-0-1), qui comprend, notamment, sa correspondance, ses conférences, des articles de journaux, des photographies et des dessins architecturaux.
AO, RG 80-5-536, no 16049 ; RG 80-8-708, no 11552.— BAC, R1181-0-2 ; R1181-10-5.— BAnQ-Q, CE301-S1, 4 mars 1872 ; CE301-S6, 31 oct. 1935.— Le Devoir, 28–29, 31 oct. 1935.— Ottawa Evening Journal, 26 oct. 1911.— Eran Ben-Joseph et D. [L. A.] Gordon, « Hexagonal planning in theory and practice », Journal of Urban Design (Abingdon, Angleterre), 5 (2000) : 237–265.— D. L. A. Gordon, « “Agitating people’s brains” : Noulan Cauchon and the City Scientific in Canada’s capital », Planning Perspectives (Londres), 23 (2008) : 349–379.— Ken Hillis, « A history of commissions : threads of an Ottawa planning history », Rev. d’hist. urbaine (Toronto), 21 (1992–1993), no 1 : 46–60.— P. E. Nobbs, « Noulan Cauchon : an appreciation », Instit. royal d’architecture du Canada, Journal, 13 (1936) : 122.— Gabriel Rioux, « le Milieu de l’urbanisme à Montréal (1897–1941) : histoire d’une “refondation” » (thèse de ph.d., univ. du Québec à Montréal et univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013).
Gabriel Rioux, « CAUCHON, NOULAN (baptisé Joseph-Eusèbe-Noulan) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cauchon_noulan_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cauchon_noulan_16F.html |
Auteur de l'article: | Gabriel Rioux |
Titre de l'article: | CAUCHON, NOULAN (baptisé Joseph-Eusèbe-Noulan) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2022 |
Année de la révision: | 2022 |
Date de consultation: | 9 oct. 2024 |