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BURKE, JOHN, poète, imprimeur et imprésario, né en 1851 à St John’s, fils du capitaine John Burke et de Sarah Theresa Rutledge ; décédé célibataire dans cette ville le 9 août 1930.
Surnommé le « barde de la rue Prescott » d’après le nom de la rue du centre-ville de St John’s où il a résidé presque toute sa vie, John Burke est le plus fameux auteur de chansons terre-neuvien. Fils d’un capitaine de phoquier prospère, il étudia probablement au St Bonaventure’s College. Après la mort de son père en mer en 1865, il se mit à travailler à l’épicerie que sa mère ouvrit dans leur maison. Lui-même, son frère et sa sœur, tous célibataires, habiteraient ensemble jusqu’à leur mort. Épicier, encanteur, imprimeur, comédien, chanteur, poète, directeur de théâtre et producteur de spectacles, il tirerait sa subsistance de l’une ou l’autre de ces activités durant des années, sans jamais s’éloigner beaucoup du domaine des variétés. Passionné de sport quoique, semble-t-il, il n’en ait pratiqué aucun, il aimait surtout la boxe. Durant au moins un an, en 1903, il appartint au prestigieux comité des régates de St John’s.
Réputé avoir de l’humour et la rime facile, Burke avait le don de transformer le tragique en comique. De 1885 environ à la fin des années 1920, il publia des « feuillets » où se retrouveraient des ballades de son cru. L’actualité, les histoires de son coin de pays lui inspiraient tantôt une chansonnette, tantôt une chanson commémorative. Après les avoir imprimés, il vendait ses feuillets sur le pas de sa porte et de jeunes crieurs qui allaient les revendre par toute la ville. Il avait sa propre presse mais, par la suite, il fit aussi appel à d’autres imprimeurs locaux, surtout pour les gros travaux.
L’incendie de 1892, qui détruisit la plus grande partie du centre de St John’s, y compris l’épicerie de sa mère, pourrait avoir incité Burke à chercher d’autres sources de revenu. Une des premières chansons qu’on lui connaît est The July fire, où il se moque des épreuves et des pertes subies par les victimes et de leurs réclamations aux assurances. À la même époque, il commença à monter des spectacles. Imprésario populaire à St John’s des années 1890 à la Première Guerre mondiale, il produisit des concerts, des sketchs satiriques et des parodies d’opéra. Ses spectacles, bien accueillis par toutes les classes de la société, sont à l’origine d’une expression terre-neuvienne : « drôle comme une pièce de Burke ». Au sommet de sa carrière, on attendait de lui au moins un spectacle par saison. Chacun d’entre eux rassemblait des chansons de sa composition, nouvelles et anciennes, souvent avec une pièce de résistance. Après que son cousin, le très cultivé Charles Hutton*, eut produit The geisha : a story of a tea house (1896, une opérette à la manière de Gilbert et Sullivan, par Owen Hall, Harry Greenbank et Sidney Jones), il écrivit et monta The Topsail geisha : a story of the wash house.
Burke réunit ses chansons en au moins une douzaine de livrets de 50 à 90 pages, parsemés de blagues et d’annonces. Certains de ses premiers recueils furent réalisés en collaboration avec James Murphy (autre poète populaire) et George T. Oliver. Ses annonces étaient aussi amusantes que ses chansons. Des poèmes écrits sur mesure pour les commerçants qui avaient payé de l’espace publicitaire côtoyaient des malédictions rimées à l’endroit de ceux qui ne l’avaient pas fait :
Que sa pipe ne fume plus, que sa théière se brise
Et puis tiens, que sa bouilloire se taise,
Que deux gros chiens et un p’tit chiquent son tabac,
À ce sinistre avare, à cette face de rat.
Les chansons satiriques de Burke, qui portent sur tous les sujets imaginables, sont teintées d’humour noir. Les réceptions et mariages qu’il y décrit sont tumultueux, ses dîners, inconcevablement copieux ou immangeables, et ses distingués citoyens, d’une prétention ridicule. La manière dont il se dénigre lui-même est touchante.
Quand certains de ses concitoyens se plaignirent que l’on brûlait des ordures, Burke répliqua par Don’t you remember the dump, Maggie [...] ? (d’après When you and I were young, Maggie par George Washington Johnson et James Austin Butterfield). Après qu’un incendie eut endommagé un entrepôt de porcelaine et que des passants s’y furent servis, il tourna en dérision, dans Scramble for the teapots at the fire, les gens dont la cuisine arborait de la vaisselle neuve. Son Trinity cake est du pur humour surréaliste. Il y est question d’un gâteau si plein d’ingrédients étranges que personne ne peut en manger, ni même l’entamer :
Ellen Reardigan, voulant le goûter,
Se débattait comme un diable,
Quand les chasseurs de phoque ont attaqué
La croûte, en vain, avec une pince.
Puis McCarthy a pris une hachette,
Flannigan, une vieille scie,
Ce gâteau vraiment, y a pas à dire,
Tout l'monde s'y s'rait cassé les dents.
En 1927, le conseil municipal menaça de couper l’eau aux contribuables qui n’avaient pas payé leurs taxes. Burke écrivit alors une chanson burlesque pleine d’équivoque, Stoppage of water.
Sa chanson la plus célèbre est The Kelligrews soiree. Caricature des citadins qui faisaient régulièrement le petit voyage en train jusqu’à la baie Conception pour des rencontres élégantes, elle raconte une soirée loin d’être raffinée. En vue d’accroître sa popularité, Burke inscrivit cette chanson (avec deux autres) au United States Copyright Office. Un éditeur américain de partitions la diffusa, mais Burke ne connut pas de succès commercial sur le plan international.
Les chansons de Burke ne sont pas toutes drôles. Plusieurs portent un titre qui commence par Lines on the sad death of [...]. Noyades, meurtres, émeutes, morts naturelles et naufrages, il faisait flèche de tout bois. En outre, il célébra, dans des poèmes, des manifestations sportives locales ou étrangères. On peut penser que, malgré la présence de plusieurs journaux à St John’s, certaines gens entendaient parler de tel ou tel événement pour la première fois en lisant les feuillets de Burke, car il les imprimait sous l’impulsion du moment.
Burke est l’auteur terre-neuvien dont le plus grand nombre de chansons ont survécu. Sans nul doute, le fait qu’il avait facilement accès à une presse explique en partie la durabilité de son œuvre. Mais il est vrai également que ses ballades ont connu un plus grand nombre de rééditions. Au bout d’un siècle, ses chansons n’ont pas vieilli ; elles sont toujours vivantes, tant dans la tradition orale que dans le répertoire commercial. La prestation d’Old Brown’s daughter par Ron Hynes (chanson dont la mélodie originale est perdue) et d’Excursion around the bay (interprétation de The Harbour Grace excursion) par Great Big Sea sont d’excellentes versions modernes de ses chansons. En 1983, la pétrolière Esso Canada et le Newfoundland and Labrador Arts Council ont inauguré un prix de musique à sa mémoire.
John Burke est mort pauvre une dizaine d’années après son dernier spectacle à succès, Cotton’s patch, satire sur l’utilisation des aéronefs pour le repérage des troupeaux de phoques. Déjà, le cinéma, le gramophone et la radio avaient rendu ses talents désuets. Ses feuillets ne se vendaient plus à la criée. Il n’avait pas réussi à élargir son auditoire. Son cousin Charles Hutton, plus à l’aise, paya ses funérailles.
On peut se procurer deux récents recueils des chansons et ballades de John Burke : The ballads of Johnny Burke : a short anthology, Paul Mercer, édit. ([St John’s], 1974), et John White’s collection of the songs of Johnny Burke, W. J. Kirwin, édit. (St John’s, 1982).
Memorial Univ. of Nfld, Folklore and Language Arch. (St John’s), Tapes, 78-237 (Paul Mercer, entrevues avec Ken Hall, Mary-Ann Duggan, James Higgins et Hugh O’Neill, 1973–1974).— Evening Telegram (St John’s), 11 août 1930.— Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.).— J. D. Higgins, « The Bard of Prescott Street » (conférence présentée à la Nfld Hist. Soc. ; texte dactylographié, St John’s, 1970 ; exemplaire au Centre for Newfoundland Studies, Memorial Univ. of Nfld).— Paul Mercer, « A bio-bibliography of Newfoundland songs in printed sources » (mémoire de m.a., Memorial Univ. of Nfld, 1979), 73–81.— M. P. Murphy, « The balladeers of Newfoundland », Daily News (St John’s), 27 juill., 18 oct., 16 nov. 1966 ; Pathways through yesterday, G. S. Moore, édit. (St John’s, 1976), 148–165.— Newfoundland songs and ballads in print, 1842–1974 : a title and first-line index, Paul Mercer, compil. (St John’s, 1979).— Michael Taft, « The Bard of Prescott Street meets Tin Pan Alley : the vanity press sheet music publications of John Burke », Newfoundland Studies (St John’s), 6 (1990) : 56–73.
Philip Hiscock, « BURKE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/burke_john_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/burke_john_15F.html |
Auteur de l'article: | Philip Hiscock |
Titre de l'article: | BURKE, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |