BRUYÈRE (Bruguier), ÉLISABETH, fondatrice et première supérieure des Sœurs de la Charité de Bytown (Ottawa), née à L’Assomption, Bas-Canada, le 19 mars 1818, décédée à Ottawa, le 5 avril 1876.

Le père d’Élisabeth, Charles Bruguier, fils aîné de Jean-Baptiste Bruguier originaire de Pont-Saint-Esprit en Provence et venu au Canada en 1756, épousa en secondes noces Sophie Mercier. Dans l’acte de baptême d’Élisabeth, on écrit Bruguier, mais plus tard l’orthographe sera modifiée pour devenir Bruyère. À partir de 1830, six ans après la mort de son père, Élisabeth, sous la protection d’un cousin, l’abbé Charles-François Caron, curé de Saint-Esprit (comté de Montcalm), reçut une formation religieuse, intellectuelle et domestique de première qualité. En 1834, elle enseigna à l’école de rang ; elle devait poursuivre son enseignement à Saint-Vincent-de-Paul (Laval) lorsque son bienfaiteur fut transféré à cet endroit en 1836.

Sensible aux souffrances d’autrui, Élisabeth entra, en 1839, chez les Sœurs de la Charité de l’hôpital Général de Montréal, communément appelées sœurs grises. Professe en 1841, elle eut la responsabilité d’une salle de 40 orphelines qu’elle s’appliqua à former selon les principes qu’elle avait reçus.

À l’automne de 1844, la communauté fut invitée par Mgr Patrick Phelan*, coadjuteur de Kingston, à s’établir à Bytown, centre important de l’industrie du bois. Les catholiques n’y avaient ni écoles, ni hôpitaux, ni assistance organisée pour les indigents. Devant tant de besoins la communauté accepta de collaborer et confia la première responsabilité de l’entreprise à la mère Marguerite-Dorothée Beaubien*. Une maladie la terrassa et la succession fut offerte, malgré sa jeunesse, à sœur Élisabeth Bruyère.

Le 12 février 1845, Mgr Ignace Bourget*, évêque de Montréal, donna à sœur Élisabeth Bruyère et à ses trois compagnes une lettre d’obédience les autorisant à former une ou plusieurs communautés dans le diocèse de Mgr Phelan, à condition de se conformer en tout à la règle suivie par la maison mère, l’hôpital Général de Montréal. De son côté, Mgr Phelan les accueillit officiellement dans son diocèse et, par un mandement d’institution canonique émis le 11 avril 1845, il érigea la communauté des Sœurs de la Charité de Bytown. La communauté serait complètement autonome, à l’exception de l’acte de fidélité à la règle de la maison mère. Quand celle-ci adopta en 1851 une nouvelle règle qui excluait la tenue de pensionnats et d’écoles non gratuites, Mgr Joseph-Bruno Guigues, évêque de Bytown depuis 1848, ne put accepter : l’enseignement rémunéré avait déjà été autorisé à Bytown et la pauvreté du diocèse ne permettait pas de soutenir financièrement une autre communauté exclusivement enseignante. En 1854, la maison de Montréal reconnaissait l’indépendance totale de la communauté d’Ottawa, laquelle obtint sa propre règle en 1856.

À partir du 20 février 1845, les fondatrices étaient à Bytown, prêtes à seconder le curé Adrien Telmon ; en trois mois, les œuvres de base étaient mises en place. Le 3 mars, on inaugurait à Windsor une des premières écoles dites « bilingues » du Haut-Canada. Le 10 mai, un petit hôpital de sept lits ouvrait ses portes. En juin, un service aux pauvres et aux malades était sur pied. Un embryon de noviciat se formait à l’été par l’admission de quatre aspirantes, dont trois de Bytown.

L’épidémie de typhus des années 1847 et 1848 conféra au jeune institut le baptême de l’héroïsme. Seules au soin de plus de 600 malades que leur envoya le docteur Edward Van Cortlandt, médecin militaire, les sœurs en sauvèrent quelque 475. De plus, elles reçurent la garde d’une quinzaine d’orphelins en bas âge. L’épidémie vaincue, elles retournèrent à leurs œuvres. En 1850, une vaste maison de pierre remplaça l’étroit logis du début. Cet édifice abritait les religieuses, les orphelins, les vieillards et un pensionnat de jeunes filles qui devint, par la suite, le couvent Notre-Dame-du-Sacré-Cœur. Un hôpital fut également aménagé, et une école construite aux frais de Mgr Guigues.

Sauf la fondation en 1848 d’un pensionnat et d’une école paroissiale à St Andrews West, près de Cornwall, la communauté ne sortit des limites de Bytown qu’en 1857, alors qu’elle ouvrit une école à Buffalo, New York. Sous la direction de la mère Bruyère, on s’occupa également d’apostolat missionnaire ; en 1866, on envoya des sœurs au Timiskaming (Canada-Ouest), pour seconder les Oblats de Marie-Immaculée chez les Algonquins et les Cris du nord du Québec et de l’Ontario actuels.

La mère Élisabeth Bruyère dirigea la communauté jusqu’à sa mort, survenue le 5 avril 1876. Pendant sa longue administration, la communauté avait ouvert quelque 25 maisons, en Ontario, au Québec et dans l’état de New York ; toutes dépendaient directement de la maison mère d’Ottawa. La majorité était destinée à l’enseignement et quelques-unes s’occupaient des orphelins, des vieillards, des malades ou des Indiens. C’était une réussite imposante de la mère Élisabeth Bruyère, attentive, dès le début, à former des ouvrières profondément religieuses, zélées et aussi compétentes que possible.

Sœur Paul-Émile (Louise Guay)

Archives des Sœurs Grises de la Croix d’Ottawa, Annales de l’institut, I (1845–1875), II (1875–1886) ; Correspondance Bruyère, communauté, affaires, famille ; Correspondance relative à la fondation de l’institut, dossiers Bourget, Phelan, Telmon, McMullen ; Louis Richard, Notes généalogiques de la famille Bruguier-Bruyère, en France et au Canada ; Registre de l’admission et de la décharge des malades de l’hôpital Général d’Ottawa, 1845–1866, 12–99 ; Statistiques générales de l’institut.— Sœur Paul-Émile [Louise Guay], Mère Élisabeth Bruyère et son œuvre (Ottawa, 1945) ; Mère Élisabeth Bruyère, fille de l’Église et femme d’œuvres, SCHÉC Rapport, 1962, 51–58.— Stanislas Drapeau, Simple coup d’œil sur la communauté des sœurs de la Charité d’Ottawa, Album des familles (Ottawa, 1880), 398–401.

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Sœur Paul-Émile (Louise Guay), « BRUYÈRE (Bruguier), ÉLISABETH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bruyere_elisabeth_10F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    20 nov. 2024