BRIGDEN, FREDERICK, graveur sur bois, né le 20 avril 1841 à Worthing, Angleterre, fils aîné de Thomas Brigden, sellier, et d’Eliza Fielder ; le 13 octobre 1868, il épousa à Londres Frances Hannah Higgens, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 16 avril 1917 à Toronto.

Frederick Brigden, avec ses deux frères et ses deux sœurs, grandit dans une atmosphère teintée par la « simple [et] authentique religion » du méthodisme wesleyen, pour reprendre les termes de son frère William Henry. La notion de perfection chrétienne exposée par John Wesley et les concepts d’effort personnel et de persévérance défendus par le réformateur social Samuel Smiles allaient influencer très tôt l’attitude de Brigden envers la vie et le travail. On voit dans son journal, ses carnets et sa correspondance qu’il considérait l’éducation, l’art, la vie familiale et le travail du point de vue de la religion. En outre, il croyait fermement que l’on progresse par un dur labeur, ce qui lui permit de devenir, malgré de nombreux obstacles, un homme d’affaires moyennement riche.

En 1853, à l’âge de 12 ans, Brigden devint complètement sourd à la suite d’un accès de scarlatine. Il entra dans une école de sourds à Brighton où, tout en étudiant le langage mimique, le français, l’histoire, les mathématiques et le latin, il prit des leçons de dessin, d’aquarelle et de gravure sur bois. Comme il montrait un don naturel en ces matières, on l’encouragea à se spécialiser. En 1858, il devint élève-instituteur à l’école. C’est à ce moment-là qu’il commença à tenir un journal.

En 1860, Brigden entra comme apprenti à l’atelier londonien de gravure Smith and Linton. William James Linton, un des plus grands graveurs du temps, fut si impressionné par ses talents qu’il renonça à ses honoraires. Au fil des trois années suivantes, Brigden devint maître dans la xylographie à trait blanc, technique mise au point et perfectionnée par Thomas Bewick au xviiie siècle et continuée par Linton au xixe. En même temps, il fréquenta le Working men’s College de Londres, où il suivit les fameux cours de dessin de John Ruskin. Les idées de Ruskin sur l’art et le travail s’ajustaient aux convictions religieuses de Brigden et déterminèrent l’attitude qu’il aurait envers le monde artistique au Canada. En 1894, il exprimerait le vœu que son fils Frederick Henry se réjouisse de rester un « artisan » au lieu de devenir un « artiste » et de s’associer aux membres de l’Art Students’ League de Toronto. Brigden croyait que l’art devait servir une fin et, pour cette raison, il « révéra toujours » plus les artisans que les artistes.

Une fois son apprentissage terminé, Brigden fut employé comme graveur par l’Illustrated London News. On pouvait dire qu’il avait atteint la plus haute position dans son métier. De plus, il était prédicateur laïque à la Deptford Mission for the Deaf, et contribuait financièrement à son Église et à l’éducation de ses frères (Thomas Edwin devint ministre méthodiste, et William Henry, maître imprimeur). En 1868, il se sentit dans une situation assez stable pour se marier. Sa femme, Frances, qui partageait ses convictions religieuses, ne souffrait pas de surdité, mais l’aidait dans son travail auprès des sourds. En 1872, après la naissance de leurs fils George (1870) et Frederick Henry (1871), Frederick et Frances Brigden émigrèrent au Canada. En Angleterre, des techniques nouvelles, en particulier la photographie et la photogravure, commençaient à nuire aux graveurs sur bois : on embauchait à leur place des ouvriers non qualifiés. Brigden nota dans l’un de ses carnets que ses gains diminuaient et qu’il n’avait plus de possibilité d’avancement. « Ce n’est pas le dur labeur que je veux fuir, mais le désespoir », écrivait-il.

À Toronto, Brigden travailla d’abord pour Charles J. et Henry Blenkarne Beale, graveurs qui venaient aussi de la maison Smith and Linton et avaient ouvert un petit atelier de gravure. En 1874, Brigden et Henry Beale créèrent la firme Brigden and Beale Wood Engravers puis, en 1877, la Toronto Engraving Company. Cette maison de graveurs, avec la Toronto Lithographic Company, la Bengough Brothers et d’autres, fit de l’illustration un élément reconnu dans la nouvelle presse populaire et les nouveaux modes de publicité pour la vente au détail. Comme il maîtrisait bien la xylographie à trait blanc, Brigden était très sollicité par des clients tels George Brown* et John Ross Robertson, qui voulaient des illustrations pour leurs journaux, et Timothy Eaton*, qui en demandait pour ses catalogues.

En 1888, Frederick Brigden était l’unique propriétaire de la Toronto Engraving Company, qui allait employer un grand nombre d’artistes et de graveurs. Dix ans plus tard, son fils George était directeur administratif de l’entreprise et Frederick Henry, directeur artistique. Les Brigden avaient aussi deux filles, nées au Canada. Il y avait toujours du monde chez eux. Peu après son arrivée à Toronto, Brigden avait commencé à donner dans sa maison des classes d’étude de la Bible pour les sourds. Il organisa par la suite la Toronto Mission to the Deaf, première initiative du genre au Canada. De 1908 à sa mort, il publia un mensuel, Gospel Light, à Toronto. En outre, la maison familiale était le lieu de rendez-vous des membres du Saturday Club, groupe d’arts et de lettres que Brigden avait fondé en 1888 pour les artistes et graveurs de son entreprise.

Peu à peu, Brigden adopta toutes les plus récentes techniques de reproduction des images – photographie, photogravure. La Toronto Engraving Company prit de l’expansion, notamment en se dotant d’un atelier d’imprimerie, et accrut son personnel. En 1904, après une courte grève, elle devint la première maison canadienne d’arts graphiques à accepter l’International Photo-engravers’ Union. En 1910, elle fut rebaptisée Brigdens Limited. En 1914, Frederick Henry Brigden ouvrit une succursale à Winnipeg afin de faire des travaux pour le catalogue que la T. Eaton Company publiait dans l’Ouest. Cette succursale connut un très grand succès ; des artistes canadiens de renom, dont Charles Fraser Comfort* et Henry Eric Bergman, y firent leurs débuts.

Frederick Brigden mourut en 1917. L’entreprise resta propriété familiale à Winnipeg jusqu’en 1963 et à Toronto jusqu’en 1979, année où elle fusionna avec la Rous and Mann Press pour former la Rous, Mann and Brigdens. La vie de Frederick Brigden reflétait les idéaux de son époque. Ses convictions religieuses ne fléchirent jamais, non plus que sa foi en l’idée que le progrès découlait du travail acharné. En outre, cet artiste et graveur très doué fut l’initiateur de l’une des plus grandes maisons d’arts graphiques du Canada.

Angela E. Davis

Les journaux personnels, calepins et lettres de Frederick Brigden datent de 1858 et sont conservés dans les papiers de la famille Brigden à la MTRL, BR, dans la collection F. H. Brigden au Musée des Beaux-Arts du Canada, Bibliothèque (Ottawa), et dans les collections A. O. Brigden aux Univ. of Manitoba Libraries, Dept. of Arch. and Special Coll. (Winnipeg), ainsi qu’aux archives de la Winnipeg Art Gallery. On trouve des exemples de gravures produites par la Toronto Engraving Company à la MTRL, BR, Picture Coll. (983–8), au Musée royal de l’Ontario (Toronto), Canadiana Dept., et à la Winnipeg Art Gallery.

AO, RG 22-305, no 34355.— City of Toronto Arch., RG 5, F, 18721940.— Annuaire, Toronto, 18701940.— Canadian landscape, as pictured by F. H. Brigden [...], notices biographiques rédigées par J. E. Middleton (Toronto, 1944).— Walter Crane, An artist’s reminiscences (Londres, 1907 ; réimpr., Detroit, 1968).— A. E. Davis, « Art and work : Frederick Brigden and the history of the Canadian illustrated Press », REC 27 (1992–1993), no 2 : 2236 ; « Business, art and labour : Brigden’s and the growth of the Canadian graphic arts industry, 18701950 » (thèse de ph.d., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1986) ; The Grand Western Canadian Screen Shop : printing, people and history (Regina, 1992), 10–16 ; « The hothouse of Canadian art : a « golden age » at Brigden’s », Beaver, 68 (1988–1989), no 1 : 37–47.— E. J. Nicholson, Brigdens Limited : the first one hundred years, 1871–1971 ([Toronto], 1970).— F. B. Smith, Radical artisan : William James Linton, 1872–97 (Manchester, Angleterre, et [Totowa, N.J.], 1973).

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Angela E. Davis, « BRIGDEN, FREDERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brigden_frederick_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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