BRADFORD, WILLIAM, peintre, photographe et auteur, né le 30 avril 1823 à Fairhaven, Massachusetts, fils de Melvin Bradford et de Hannah Kempton ; il épousa à Lynn, Massachusetts, Mary Breed, et ils eurent deux filles ; décédé le 25 avril 1892 à New York.

Issu d’une famille quaker du Massachusetts, William Bradford manifesta très jeune de l’intérêt pour la peinture. Son père, qui désapprouvait cette façon de gagner sa vie, le persuada de travailler pour l’entreprise familiale de vente au détail de marchandises sèches. Bradford passa quand même beaucoup de temps à cultiver ses dons artistiques et son coup d’œil, en imitant les dessins d’un livre anglais et en représentant, par des croquis aux lignes fines et précises, les bateaux ancrés dans les ports de New Bedford et de Lynn. Peu à peu, il élargit sa vision et peignit des paysages côtiers. En 1853, il put enfin se consacrer entièrement à la peinture. De 1854 à 1857, il visita plusieurs fois le Labrador. Il ouvrit un studio à Fairhaven en 1855 et accepta de peindre sur commande des navires marchands et des baleiniers. Pendant plusieurs années, il partagea son studio avec Albert Van Beest, peintre marin hollandais qui avait été formé en Europe et qui exerça sur lui une heureuse influence : cet artiste, en effet, lui apprit à relâcher ses lignes trop soignées et le convainquit de rendre son style plus suggestif et plus coulant.

Bradford, qui s’employait de plus en plus à représenter les glaces mystérieuses des mers du Nord, finit par se faire connaître à l’extérieur de sa région natale. La disparition d’une expédition polaire, partie en 1845 sous la direction du célèbre explorateur sir John Franklin*, avait éveillé dans la population et chez les artistes un intérêt passionné pour l’Arctique. Au milieu des années 1850, l’explorateur américain Elisha Kent Kane* publia deux récits, illustrés par James Hamilton, sur des recherches faites pour retrouver Franklin. Ces ouvrages remuèrent Bradford, et il écrivit plus tard à leur sujet : « Je fus pris du désir, bientôt irrépressible, de visiter les lieux qu’ils avaient décrits et d’étudier la nature sous les aspects terribles de la zone polaire. » Il fut probablement inspiré aussi par les œuvres de Frederick Edwin Church, artiste américain bien connu, qui avait accompagné Isaac Israel Hayes* en 1860–1861 dans une expédition afin de trouver une mer polaire libre de glaces. De 1861 à 1867, Bradford organisa lui-même chaque année, grâce à divers commanditaires, un voyage le long des côtes de la Nouvelle-Écosse et du Labrador, pour y peindre des icebergs et des paysages nordiques. En 1869, il réunissait la plus ambitieuse – et la dernière – de ses expéditions, pour laquelle il affréta le vapeur écossais Panther. Composée de 40 personnes, dont le capitaine John Bartlett, Hayes, un équipage de Terre-Neuviens et les photographes John B. Dunmore et George B. Critcherson, l’expédition quitta St John’s le 3 juillet et atteignit des régions nordiques aussi éloignées que l’île de Baffin (Territoires du Nord-Ouest) et la baie de Melville au Groenland, où elle put observer jusqu’à 200 icebergs à la fois. Bradford rapporta de cette aventure plusieurs photos et croquis de paysages accidentés ou de scènes de la vie des Inuit.

Au début des années 1870, Bradford alla s’établir à Londres avec sa femme et ses enfants. Il y tint un studio et se lança avec succès dans un nouveau métier, celui de conférencier spécialiste de l’Arctique. En 1873, il publia le récit de son expédition de 1869 : The Arctic regions [...], in-folio à tirage limité qui comprenait 130 photographies. Pendant son séjour en Angleterre, Bradford vendit plusieurs peintures à des membres de l’aristocratie et fit connaissance avec lady Jane Franklin [Griffin*] et lord Tennyson. Son plus grand titre de gloire fut sans contredit un tableau que lui commanda la reine Victoria, The « Panther » off the coast of Greenland under the midnight sun, et qui fut exposé dans la bibliothèque du château de Windsor.

William Bradford retourna en Amérique du Nord vers 1874 et ne fit plus d’autres voyages à l’extérieur des États-Unis. Installé dans un studio à New York, il adopta un nouveau style : il se mit à peindre de grandes huiles, inspirées de photographies et de croquis au crayon qu’il avait rapportés de ses expéditions dans le Nord. Malheureusement, ces œuvres montrent un retour aux lignes minutieuses de ses débuts et souffrent parfois de la présence de couleurs métalliques violentes et de la répétition des images. Même si le peintre avait beaucoup perdu de son naturel à cause de la distance et des ans qui le séparaient de ses sources d’inspiration, il continuait à se distinguer par son orientation artistique et sa ténacité peu communes. La patience fut chez Bradford « l’un des traits les plus marquants de l’artiste », selon l’historien de l’art Henry Theodore Tuckerman, qui attribue cette qualité à la « maîtrise de soi et [au] calme » caractéristiques des quakers. Dans son œuvre picturale et photographique sur les régions sauvages et exotiques du Nord, Bradford sut véhiculer à bon escient les thèmes favoris de son siècle : le progrès scientifique, le romanesque et l’amour de la nature. À cause de ces préoccupations et grâce à ses remarquables talents d’artiste, il laissa à la postérité de splendides paysages, qui révèlent avec quelle sensibilité il percevait la lumière unique, les formes étranges et les couleurs surprenantes du monde arctique.

Constance Martin

William Bradford est l’auteur de : The Arctic regions, illustrated with photographs taken on an art expedition to Greenland ; with descriptive narrative by the artist (Londres, 1873). Deux albums de photographies inédites de Bradford et de ses assistants, George B. Critcherson et John B. Dunmore, « Arctic scenes : ice » et « Photographs of Arctic ice », sont conservés à la Prints and Photographs Division de la Library of Congress (Washington).

I. I. Hayes, The open polar sea, a narrative of a voyage of discovery towards the North Pole, in the schooner United States (Londres, 1867).— E. K. Kane, Arctic explorations : the second Grinnell expedition in search of Sir John Franklin, 1853, ’54, ’55 [...] (2 vol., Philadelphie et Londres, 1856) ; The U.S. Grinnell expedition in search of Sir John Franklin : a personal narrative (nouv. éd., Londres et New York, 1854).— L. L. Noble, After icebergs with a painter : a summer voyage to Labrador and around Newfoundland (New York, 1861).— New-York Times, 26 avril 1892.— DAB.— Clara Erskine Clement [Waters] et Laurence Hutton, Artists of the nineteenth century and their works [...] (2 vol., Boston et Cambridge, Mass., 1879 ; réimpr., St Louis, Mo., 1969).— Harper, Early painters and engravers, 42.— Constance Martin, James Hamilton : Arctic watercolours (catalogue d’exposition, Glenbow Museum, Calgary, 1983).— The New-York Historical Society’s dictionary of artists in America, 1564–1860, G. C. Groce et D. H. Wallace, compil. (New Haven, Conn., et Londres, 1957 ; réimpr., 1964).— H. T. Tuckerman, Book of the artists : American artist life [...] (New York et Londres, 1867 ; réimpr., 1966).— John Wilmerding, William Bradford, 1823–1892 (catalogue d’exposition, De Cordova Museum, [Lincoln, Mass.], et New Bedford Whaling Museum, [New Bedford, Mass., 1969]).— J. R. Harper, Painting in Canada, a history ([Toronto], 1966).

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Constance Martin, « BRADFORD, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 26 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bradford_william_12F.html.

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Auteur de l'article:    Constance Martin
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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