BOURBEAU, Élie, fromager, cultivateur, professeur, inspecteur, homme politique, fonctionnaire et directeur d’école technique, né le 31 août 1864 à Saint-Césaire, Bas-Canada, fils de Magloire Bourbeau, cultivateur, et de Marie Gaudreau ; le 14 février 1887, il épousa au même endroit Amanda Tétreau-Ducharme, et ils eurent 13 enfants, dont 10 lui survécurent ; décédé le 18 juillet 1934 à Saint-Hyacinthe, Québec, et inhumé le 20 juillet dans cette ville.
On sait peu de chose sur la jeunesse d’Élie Bourbeau, outre qu’il ne fréquente que l’école primaire de son village. Après avoir été apprenti dans une fabrique de fromage en 1883–1884, il achète une fromagerie à Saint-Césaire en 1884, qu’il vend en 1889. Un peu plus tard la même année, il achète une autre fromagerie, située cette fois à Canrobert (Ange-Gardien), qu’il vend en mars 1893, mais qui lui est rétrocédée en décembre pour des raisons inconnues. Il en sera propriétaire jusqu’en 1901. Dynamique et inventif, il mène dans ses établissements des expériences sur la fabrication du fromage, sur sa maturation et sur l’ensilage.
Dès le début, Bourbeau est soucieux d’améliorer la qualité de son fromage et l’efficacité de ses techniques de production. C’est ainsi qu’en 1886, il est devenu membre de la Société d’industrie laitière de la province de Québec [V. Édouard-André Barnard* ; Théophile Montminy*]. Fondée en 1882, cette société a pour objectif d’aider l’industrie laitière à régler les problèmes persistants de qualité et de mise en marché du fromage et du beurre de la province. Habitué des réunions annuelles de la société, Bourbeau en devient progressivement un conférencier apprécié, partageant le fruit de ses expériences. En 1887, il visite une des fabriques de David Murdoch Macpherson* pour étudier les méthodes de travail de ce grand fromager ontarien. Il est de plus, en 1893, l’un des 214 premiers étudiants inscrits à la toute nouvelle école de laiterie de Saint-Hyacinthe [V. Omer-Edmond Dalaire*]. À la fin de l’année, l’école lui décerne le diplôme d’inspecteur de fromageries.
L’année 1894 est très importante dans la carrière de Bourbeau. Il devient d’une part professeur de fabrication du fromage à l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe. C’est le début d’une longue association avec cet établissement, qui durera jusqu’à sa mort, en 1934. Il est d’autre part nommé assistant-inspecteur général des syndicats de beurreries et de fromageries par la Société d’industrie laitière. L’Acte amendant la loi relative à la Société d’industrie laitière de la province de Québec, sanctionné en 1890, régit la mise sur pied par la société de syndicats regroupant un certain nombre de fabriques de fromage et de beurre dans une région donnée. En intégrant les rangs d’un syndicat, les fabriques acceptent de soumettre leur production à l’examen d’inspecteurs de la société, qu’elles paient, en parts égales, avec le gouvernement provincial.
En 1896, Bourbeau remplace Peter McFarlane au poste d’inspecteur général des syndicats de fromageries, qu’il occupera jusqu’en 1921. Il est également inspecteur général des syndicats de beurreries de 1896 à 1899 et de 1919 à 1921. À ce titre, il supervise le service de l’inspection des fabriques, répartit le travail entre les inspecteurs et met à jour les statistiques résultant des inspections. Il rédige de plus un rapport annuel à la Société d’industrie laitière. Sa plus importante contribution dans cette fonction est sa participation, en 1915, à la réorganisation du système d’inspection. C’est ainsi que, à la suite de la sanction, la même année, d’une loi provinciale qui rend obligatoire l’inspection des fabriques de beurre et de fromage, la Société d’industrie laitière crée cinq districts, qu’elle place sous la supervision d’un sous-inspecteur général, et partage chacun de ces districts en dix divisions en moyenne, dont elle confie la responsabilité à un inspecteur local. Selon le rapport de Bourbeau au ministre de l’Agriculture en 1915, il résulte de cette réforme une nette amélioration de l’inspection dans les fromageries de la province. Lorsque, par une loi sanctionnée en 1921, le ministère de l’Agriculture prend officiellement la responsabilité de l’inspection des fabriques de beurre et de fromage, jusque-là assumée par la Société d’industrie laitière, Bourbeau devient inspecteur général des beurreries et des fromageries de la province de Québec et chef du Service de l’industrie laitière du ministère. Il occupera ces fonctions jusqu’en 1928.
Parallèlement à son travail au sein de la Société d’industrie laitière, Bourbeau a aussi participé, en 1910, à la fondation de la Société coopérative agricole des fromagers de Québec [V. Joseph-Édouard Caron*]. Il y est notamment responsable de l’évaluation et de la classification des fromages. Les objectifs de cette société consistent à réformer le système traditionnel de la vente du fromage dans la province et à convaincre les producteurs de l’importance d’améliorer la qualité de leurs fromages, entre autres de ceux qui sont destinés à l’exportation.
Le 1er mars 1928, Bourbeau devient le cinquième directeur de l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe. Cette nomination constitue le couronnement de sa carrière. Durant son mandat, il renouvelle certains cours de fabrication fromagère et crée un service de recherche sur la crème glacée, produit de plus en plus demandé à l’époque. Son œuvre principale demeure cependant les travaux de rénovation de l’école, effectués de 1931 à 1933. Ces travaux incluent notamment la modernisation de la beurrerie, l’aménagement d’un nouveau laboratoire de bactériologie, d’une nouvelle chambre froide, ainsi que d’un nouveau complexe de pasteurisation et d’homogénéisation. L’étendue des terres cultivables que possède l’école est de plus augmentée de 55 arpents et plusieurs bâtiments de la ferme attenante sont agrandis.
Au fil des ans, Bourbeau a acquis une expertise reconnue dans le domaine de la fromagerie. À la demande de la Société d’industrie laitière ou du département (puis ministère) de l’Agriculture, il fait ainsi plusieurs voyages en Ontario, en Angleterre et aux États-Unis pour étudier les meilleures méthodes de production. Il rédige par ailleurs une synthèse des travaux sur la fabrication du fromage présentés aux réunions annuelles de la Société d’industrie laitière depuis sa fondation. Le document paraît à Québec comme supplément au rapport annuel de 1903 de la société sous le titre « Fabrication du fromage ». Il fait également paraître de nombreux articles sur l’industrie fromagère dans le périodique montréalais le Bulletin des agriculteurs, en 1918–1919, ainsi que, de 1907 à 1921, dans le Journal d’agriculture et d’horticulture, le Journal d’agriculture et d’horticulture illustré et le Journal d’agriculture, titres que porte successivement l’organe, publié à Montréal, du ministère de l’Agriculture de la province.
L’activité de Bourbeau ne se limite cependant pas à l’industrie laitière. Il pratique aussi la pomiculture de 1904 à 1911 dans un domaine qu’il a acheté à proximité du mont Rougemont. Il tâte également de la politique en devenant conseiller municipal de Saint-Hyacinthe en 1909, fonction qu’il exerce jusqu’en 1914. Il est en outre vice-président, en 1919–1920, puis président, de 1920 à 1923, de l’Union Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe [V. Louis-Zéphirin Moreau*], société catholique de secours mutuels en cas de maladie ou de mortalité.
Au terme d’une longue maladie, Élie Bourbeau meurt dans la nuit du 17 au 18 juillet 1934, vers deux heures du matin, à l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe. Il faisait partie de cette élite rurale qui a pris l’initiative de la modernisation de l’agriculture au Québec et qui a convaincu le gouvernement de la province de prendre en charge ses responsabilités à cet égard. Véritable pionnier, il s’est entièrement dévoué au redressement de l’industrie laitière dans la province et à l’amélioration de la qualité, jusque-là plutôt médiocre, de ses produits, notamment du fromage, à l’époque où cette industrie prenait résolument le virage commercial et devenait le pilier de l’agriculture au Québec.
Aux Arch. de l’Instit. de technologie agroalimentaire (campus de Saint-Hyacinthe, Québec), nous avons consulté le fonds École de laiterie de Saint-Hyacinthe. On y trouve notamment une lettre autobiographique d’Élie Bourbeau à John Archibald Ruddick, datée du 20 juin 1933. De plus, nous avons dépouillé les rapports du ministre de l’Agriculture (dont le titre a varié au cours des ans) pour la période 1894–1935, ainsi que les rapports de la Soc. d’industrie laitière de la prov. de Québec de 1882 à 1901 et les rapports conjoints de cette dernière avec l’école de laiterie de la prov. de Québec de 1902 à 1935. Nous remercions Mme Annick Paul, archiviste de la ville de Saint-Hyacinthe, pour l’aide qu’elle nous a apportée.
BAnQ-CAM, CE602-S9, 1er sept. 1864, 14 févr. 1887 ; CN602-S84, 23 déc. 1893 ; CN602-S97, 22 nov. 1884, 10 avril 1888, 25 févr. 1889.— BAnQ-E, CN502-S37, 11 nov. 1889, 18 mars 1893, 7 août 1901.— Centre d’hist. de Saint-Hyacinthe, CH131.— Gestion documentaire et Arch. de la ville de Saint-Hyacinthe, 1212.06 (conseil municipal–procès-verbaux).— Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 20 juill. 1934 ; 30 avril, 7, 14, 27 mai 1975.— Le Devoir, 18, 21, 31 juill.1934.— La Presse, 20 juill. 1934.— L’Agriculture, Esdras Minville, édit. (Montréal, 1944).— Gilles Bachand, Une école de laiterie à Saint-Hyacinthe en 1892, pourquoi ? (nouv. éd., Saint-Hyacinthe, 2002).— Gilles Bachand et Joanne Burgess, « “l’Uniformité dans l’enseignement pour l’uniformité de nos produits laitiers” : l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe », Cap-aux-Diamants (Québec), no 71 (automne 2002) : 24–28.— BCF, 1931–1932 : 236.— Suzanne Bédard, Histoire de Rougemont (Montréal, 1978), 148, 155.— J.-C. Chapais, « Notes historiques sur les syndicats de laiterie de Québec », Soc. d’industrie laitière et École de laiterie de la prov. de Québec, Rapport (Québec), 1914 : 238–245 ; « le Passé, le Présent et l’Avenir de l’industrie laitière », Soc. d’industrie laitière et École de laiterie de la prov. de Québec, Rapport, 1907 : en appendice, 1–46.— Ruth Dupré, « Regulating the Quebec dairy industry, 1905–1921 : peeling off the Joseph label », Journal of Economic History (New York), 50 (1990) : 339–348.— Firmin Létourneau, Histoire de l’agriculture (Canada français) ([nouv. éd., Oka, Québec], 1968).— Normand Perron, « Genèse des activités laitières, 1850–1960 », dans Agriculture et Colonisation au Québec : aspects historiques, Normand Séguin, édit. (Montréal, 1980), 113–140.— J. A. Ruddick, « The development of the dairy industry in Canada », dans The dairy industry in Canada, H. A. Innis, édit. (Toronto, 1937), 13–123.— Soc. de pomologie et de culture fruitière de la prov. de Québec, Rapport (Québec), 1904–1905.— Jean Tétrault, « Élie Bourbeau, un pionnier de l’industrie fromagère à l’Ange-Gardien », Par monts et rivière (Rougemont, Québec), 9 (2006), no 1 : 15–18.
Gilles Bachand, « BOURBEAU, ÉLIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bourbeau_elie_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/bourbeau_elie_16F.html |
Auteur de l'article: | Gilles Bachand |
Titre de l'article: | BOURBEAU, ÉLIE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |