BLUE, ARCHIBALD, instituteur, journaliste et fonctionnaire, né le 3 février 1840 dans le canton d’Orford, Haut-Canada, fils de John Blue, fermier, et de Mary McTavish ; le 11 février 1869, il épousa Mary Black, du canton de Yarmouth, Ontario, et ils eurent deux fils, puis le 5 juin 1883, à Toronto, Elizabeth Amelia Brabant, et de ce second mariage naquirent trois fils ; décédé le 27 juillet 1914 à Ottawa.

Natif de l’Argyllshire en Écosse, le père d’Archibald Blue s’installa dans le canton d’Orford, sous la supervision de Thomas Talbot*, vers 1826. Archibald fit ses études dans une école publique de ce canton et devint instituteur. En 1867, le Journal de St Thomas l’engagea comme journaliste ; en 1879, il passa au Globe de Toronto en tant que rédacteur en chef de nuit et éditorialiste. L’année suivante, il devint éditorialiste au World de Toronto. Ces journaux étaient de tendance libérale, ce qui explique peut-être pourquoi le gouvernement provincial le remarqua.

En 1881, Samuel Casey Wood, commissaire de l’agriculture et des arts de l’Ontario, demanda à Blue de voir s’il serait avantageux de dresser des statistiques sur la production agricole de l’Ontario pour compléter les travaux de la commission agricole de la province [V. John McMillan*]. Dans son rapport du 10 janvier 1882, Blue répondit que des statistiques sur l’agriculture aideraient les producteurs et les consommateurs à comprendre les marchés, les fermiers à expérimenter de nouvelles méthodes et l’Ontario à attirer des immigrants par la preuve de ses « richesses et de [son] progrès ». Le 10 mars, l’Assemblée législative adopta une loi créant le Bureau de l’industrie à l’intérieur du département de l’Agriculture. L’Ontario devenait ainsi la première province canadienne à se doter d’une agence statistique. Blue en fut nommé secrétaire (chef).

Dès la fin de mars, Blue expédiait des circulaires à divers correspondants : sociétés d’agriculture, greffiers de canton, fermiers, personnages politiques locaux, manufacturiers et autres. Il sollicitait de leur part des renseignements exhaustifs sur des sujets tels la production industrielle, les sols, les récoltes, le bétail, les maladies végétales et animales, le climat et les engrais. Des instituteurs et des bénévoles des diverses localités rassemblèrent les données. Quatre employés à plein temps et deux ou trois douzaines d’employés à temps partiel compilèrent les tableaux et les rapports à Toronto. Sorti dès la fin de mai, le premier bilan statistique de Blue fut suivi de quatre « rapports spéciaux » et d’un volumineux rapport sur l’année 1882. Les collaborateurs, les journaux, les hommes politiques et les agences d’immigration reçurent copie de ces documents. Nommé sous-ministre de l’Agriculture en 1888, au moment où un ministre prit la tête du département [V. Charles Alfred Drury*], Blue élargit chaque année son système de collecte de données et l’éventail de ses tableaux. Son huitième rapport annuel, en 1889, comprenait près de 300 pages de statistiques sur des questions agricoles ainsi que sur des sujets comme les loyers, les salaires, les heures de travail, le coût de la vie et les états financiers des sociétés de crédit et de placement.

Le 25 juillet 1888, Blue avait été nommé secrétaire de la commission royale d’enquête sur les ressources minières de l’Ontario. Il était chargé des sections du rapport final qui portaient sur les lois minières et les propositions de réforme, les recommandations sur l’aide à l’industrie, la collecte de données statistiques et l’amélioration de la formation dans le secteur minier. La commission termina son rapport en 1890. Le 4 mai 1891, l’Assemblée législative adopta une loi qui créait, à l’intérieur du département des Terres de la couronne, le Bureau des mines. Cet organisme avait pour mandat de recueillir et de diffuser de l’information sur les minéraux et leur exploitation, d’appliquer une loi minière révisée (notamment la mise en place de la perception de redevances) et de réglementer l’industrie. Blue fut nommé directeur du Bureau des mines le lendemain, mais il resta au Bureau de l’industrie jusqu’à ce que son successeur, Charles Canniff James, prenne la relève en juin.

Blue passa l’été de 1892 à organiser son bureau et à faire la tournée des mines, gisements et installations. Son personnel se composerait de trois ou quatre employés à temps plein, dont un inspecteur avec lequel il partageait la surveillance des mines. Au début, les propriétaires de mines et de carrières se montrèrent réticents à lui fournir des données statistiques, mais il savait depuis longtemps que des visites sur place étaient nécessaires pour assurer le respect des règlements et l’exactitude des renseignements donnés ; peu à peu, la situation s’améliora. Toutefois, les statistiques n’étaient que l’une des attributions de Blue. En tant que directeur, il veillait aussi à ce que le bureau exerce son pouvoir de réglementation et mette en œuvre les changements apportés à la politique de mise en valeur des richesses naturelles. Ainsi, troublé par l’enquête « superficielle » de la Canadian Copper Company sur les explosions qui avaient fait des blessés à ses installations de Sudbury, il prendrait des mesures en 1898 pour que les enquêtes soient confiées à des coroners. En outre, son bureau apportait le soutien administratif nécessaire à l’application de la politique provinciale visant à obliger les entrepreneurs à raffiner le minerai en Ontario ainsi qu’à réduire les interventions directes du gouvernement dans le développement [V. Samuel J. Ritchie*]. La forme d’assistance la plus utile, soutenait-il dans son rapport sur l’année 1892, était la collecte et la publication de renseignements sur les richesses naturelles. En plus des statistiques, ses rapports annuels contenaient des descriptions détaillées de sites miniers et de minéraux, et lui-même rédigea plusieurs textes techniques. En 1898, le gouvernement créa, à l’intérieur du Bureau des mines, un service d’analyse où l’on pouvait, moyennant une somme modique, présenter des échantillons de minerai pour en faire déterminer la teneur.

En 1900, le gouvernement fédéral engagea Blue à un salaire supérieur de près des deux tiers à celui qu’il gagnait en Ontario pour qu’il dirige les préparatifs du recensement de 1901 à titre de commissaire spécial « temporaire ». Quatre ans plus tard, la création d’un bureau permanent du recensement et de la statistique fut autorisée à l’intérieur du département de l’Agriculture ; Blue en prit la direction le 1er octobre 1905. Tout en ayant recours à des statistiques officielles pour la gestion de diverses activités gouvernementales, dont la promotion du commerce, l’immigration, les droits de douane et les subventions, il dirigea le recensement de 1911. Celui-ci révéla que, dans les dix dernières années, la population du pays était passée de 5 371 315 à 7 206 643 habitants, ce qui représentait « en nombres absolus la plus forte augmentation de l’histoire du Canada ». Près de la moitié de cette hausse était due à l’immigration. En 1912, le bureau de Blue passa au département de l’Industrie et du Commerce, mais à ce moment-là, lui-même était en train de perdre de l’importance, en grande partie parce que sa santé déclinait. Sur l’initiative de son nouveau ministre, George Eulas Foster*, on forma bientôt une commission interne qui devait concevoir un « système global » en vue de rationaliser les multiples besoins et opérations statistiques du gouvernement fédéral. Blue, alors en congé, n’appartint pas à cette commission. On ne le remplaça pas après sa mort ; peut-être son département lui avait-il fait une faveur en le gardant et en lui versant son plein salaire. En 1915, son bureau serait aboli et une nouvelle agence statistique centrale serait créée. Robert Hamilton Coats* deviendrait alors le premier statisticien et contrôleur du recensement du Canada.

Lorsque Blue s’était mis à avoir des ennuis de santé, à l’âge de 72 ans, il avait à son actif 30 années de carrière dans la fonction publique et n’avait jamais pris de vacances annuelles pendant cette période. Malgré des congés de maladie, son état ne s’améliora pas ; il mourut au poste le 27 juillet 1914 d’un arrêt cardiaque. Ses réalisations avaient été reconnues de deux façons : en 1892, un métallurgiste américain qui étudiait les dépôts de nickel à Sudbury avait baptisé un nouveau minéral « blueite » en son honneur et, en 1908, la McMaster University de Toronto lui avait décerné un doctorat honorifique.

Comme bon nombre de ses contemporains, Archibald Blue avait cru que le calcul menait à la compréhension, que la réussite d’un pays pouvait se mesurer en chiffres, et que la politique gouvernementale devait être testée et adaptée à l’aide de statistiques rigoureuses. Il joua un rôle important au Canada en un temps où l’on était fasciné par la précision apparente des statistiques et les possibilités qu’elles semblaient offrir.

Gwynneth C. D. Jones

Les publications d’Archibald Blue comprennent Resources and progress of the province of Ontario ; a paper read before the Commercial Union Club of StThomas, November 22, 1887 (Toronto, 1888) ; The historic method in economics : an address before the section of social and economic science [de l’American Assoc. for the Advancement of Science...] August 1898 (Salem, Mass., 1898) ; Colonel Mahlon Burwell, land surveyor ([Toronto, 1899 ?]) ; et « Agricultural vs. manufacturing profits », Canadian Magazine, 23 (mai–oct. 1904) : 523s.—

AN, MG 27, II, D8, 4 : 2056s.— AO, RG 80-5-0-122, no 14652 ; RG 80-27-2, 8 : 105.— Globe, 4 nov. 1893.— Ottawa Citizen, 28 juill. 1914.— Ottawa Evening Journal, 27 juin. 1914.— World (Toronto), 28 juin. 1914.— Canada, Quatrième recensement du Canada, 1901 (4 vol., Ottawa, 1902–1906) ; Cinquième recensement du Canada, 1911 (6 vol., Ottawa, 1912–1915) ; Commission des statistiques officielles du Canada, Rapport (Ottawa, 1913) ; Parl., Doc. de la session, 1900–1915, rapport du dép. de l’Agriculture, 1899–1914 ; 1906–1907, no 17a (recensement de population et d’agriculture des provinces du Nord-Ouest : Manitoba, Saskatchewan, Alberta, 1906) ; 1915, no 30 : 70.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Nelles, Politics of development, 127s.— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1880–1882 (rapport annuel du commissaire de l’agriculture et des arts, 1879–1881 ; 1882–1891 (rapport annuel du Bureau of Industries, 1882–1890) ; 1892–1900 (rapport du Bureau of Mines, 1891–1899).

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Gwynneth C. D. Jones, « BLUE, ARCHIBALD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/blue_archibald_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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