BEAUCHAMP, JEAN-JOSEPH, avocat et auteur, né le 18 janvier 1852 à Montréal, fils de Joseph Beauchamp, tailleur, et de Marcelline Bayard ; le 20 février 1879, il épousa dans sa ville natale Marie-Éliza Décary, et ils eurent sept enfants ; décédé le 14 novembre 1923 au même endroit, et inhumé le 17 au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Montréal.

Jean-Joseph Beauchamp devient orphelin à l’âge de sept ans. Durant son adolescence, il passe quelques années aux États-Unis pour y travailler. De retour à Montréal, il étudie sous la tutelle d’un prêtre et reçoit son baccalauréat du collège Sainte-Marie. Par la suite, il entreprend, probablement en 1874, des études en droit au McGill College. Licencié en 1878, il accède au Barreau de la province de Québec l’année suivante et il commence sa carrière à Montréal, où il aura, au fil des ans, de nombreux associés, dont les avocats Edmund Barnard (1879–1884), James George Aylwin Creighton (1882–1883) et Charles Bruchési (1895–1898). Sa compétence lui attirera une clientèle qui lui confiera des affaires qui l’amèneront parfois à plaider devant les plus hautes instances judiciaires du pays ou même de l’Empire.

Au début du xxe siècle, l’essor de l’industrialisation et l’efficacité accrue des moyens de communication transforment la société nord-américaine. La pratique du droit subit l’influence de ces changements en se complexifiant. Désormais, la célérité compte parmi les qualités attendues d’un bon praticien. L’ouvrage de référence devient ainsi un outil indispensable pour celui qui désire obtenir rapidement une information. Les publications de Beauchamp appartiennent à cette catégorie d’œuvres : elles sont essentiellement des répertoires qui fournissent des résumés de décisions judiciaires et d’études doctrinales. Son premier ouvrage paraît à Montréal en 1891 sous le titre The jurisprudence of the Privy Council : containing a digest of all the decisions of the Privy Council […] ; en 1909, la parution d’un deuxième volume, qui mettra le précédent à jour, attestera de la réception bienveillante qu’il reçoit tant au Québec qu’à l’étranger. En 1904 et 1905, Beauchamp publie à Montréal le Code civil de la province de Québec annoté […], en trois volumes. L’œuvre connaîtra en 1924 une mise à jour que Beauchamp terminera avant son décès ; par la suite, les éditeurs confieront à l’avocat Joseph-Fortunat Saint-Cyr la préparation d’un supplément qui paraîtra en 1931. L’ouvrage majeur de Beauchamp demeure cependant le Répertoire général de jurisprudence canadienne […], qui résume les décisions judiciaires concernant la province de Québec, rendues par des tribunaux québécois, canadiens et anglais, de 1770 à mai 1913. Paru en quatre volumes à Montréal en 1914, il a été entrepris, selon l’aveu de l’auteur, à l’insistance de plusieurs membres du barreau. Trois suppléments posthumes paraîtront au cours des décennies suivantes (en 1927, en 1935 et en 1955). Les contemporains soulignent la qualité des travaux de Beauchamp. Ces louanges révèlent une réelle admiration pour le « travail de Bénédictin » – selon l’expression qu’emploie François Langelier* dans le premier volume de son Cours de droit civil de la province de Québec publié à Montréal en 1905 – auquel s’est astreint l’auteur. La parution de mises à jour et de suppléments témoigne de la valeur remarquable des diverses publications de Beauchamp.

En 1895, Beauchamp relance de plus, à Montréal, la Revue légale, fondée à Sorel en 1869 par Adolphe Germain et Michel Mathieu*, mais dont la parution a cessé en 1892. À titre de rédacteur (fonction qu’il exercera jusqu’à son décès), Beauchamp souhaite faire du périodique une revue de doctrine qui allie la science juridique et la pratique du droit. Il écrit lui-même plusieurs articles, mais compte sur la participation des juges, des avocats et des notaires. Après une douzaine d’années et des appels répétés à la collaboration, Beauchamp, comme Mathieu avant lui, se résout à faire de la Revue légale un simple recueil d’arrêts. Vraisemblablement à cause de l’expérience acquise dans ce genre d’édition, le conseil général du Barreau de la province de Québec choisit Beauchamp, en 1914, comme rédacteur des Rapports judiciaires de Québec, recueil annuel des jugements rendus par la Cour du banc du roi et la Cour supérieure. Beauchamp occupera ce poste jusqu’à la fin de sa vie.

Les travaux entrepris par Beauchamp contribuent à créer « un corps de droit national ». Beauchamp n’imagine cependant pas un droit coupé de tout lien avec le droit étranger. Au contraire, il estime que, malgré une singularité de plus en plus affirmée, le droit national est appelé à conserver des éléments puisés dans les droits français, anglais et américain. À la même époque, l’uniformisation du droit constitue un thème populaire dans la doctrine juridique américaine. Beauchamp s’intéresse à la question et prône une pareille entreprise au pays en précisant cependant qu’il faut respecter les traditions et l’homogénéité du droit en vigueur dans chaque province. Le mouvement d’uniformisation gagne des adeptes au Canada et, à la fin des années 1910, déchaîne une vive opposition de la frange conservatrice de la communauté juridique québécoise.

En marge de sa carrière professionnelle, Beauchamp manifeste un intérêt pour des activités à caractère religieux, philanthropique et patriotique. En 1893, il rédige la charte qui constitue en corporation civile les syndics apostoliques chargés au nom du Saint-Siège de gérer les affaires temporelles des franciscains. Durant une trentaine d’années, il remplit d’ailleurs lui-même les fonctions de syndic apostolique. Sa ferveur religieuse l’amène aussi à rédiger quelques ouvrages de piété, à figurer en 1884 parmi les fondateurs de la Petite Revue du Tiers-Ordre et des intérêts du Cœur-de-Jésus (revue de Montréal qui allait devenir en 1917 la Revue franciscaine) et à collaborer, à titre de rédacteur, au Bulletin de l’Union Allet, organe montréalais des zouaves pontificaux. Beauchamp siège comme membre du conseil central de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal et, en 1906, est vice-président de l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal. En guise de reconnaissance pour son apport à la communauté juridique, Beauchamp mérite quelques honneurs : il est nommé conseiller de la reine en 1893 et reçoit de l’université Laval en 1904 un doctorat honoris causa en droit.

Jean-Joseph Beauchamp ne figure pas au premier rang des membres du barreau. En revanche, sa production éditoriale lui a permis de se distinguer. Tout au long de sa carrière, le personnage n’était pas sans présenter des contradictions : alors qu’il déplorait le peu d’intérêt de ses confrères pour les études doctrinales, il a entrepris des travaux qui ont accentué le caractère utilitariste de la production documentaire en droit québécois. L’œuvre de Beauchamp, qui a contribué à améliorer la compétence des membres de la communauté juridique, demeure un bon reflet des changements survenus dans la pratique du droit au début du xxe siècle.

Sylvio Normand

La plupart des livres de Jean-Joseph Beauchamp peuvent être consultés à l’ICMH et figurent dans son Répertoire. En plus des publications qui ont déjà été citées, Beauchamp est l’auteur de Deuxième Table générale des Rapports judiciaires de Québec, 1898–1908 (Montréal, 1909) et de Supplément au Code civil annoté de la province de Québec (2 vol., Montréal, 1924). La biographie mentionne quelques périodiques auxquels il a collaboré ; on trouvera d’autres articles de Beauchamp dans le Bull. de la Caisse nationale d’économie (Montréal) et dans la Famille (Montréal).

ANQ-M, CE601-S51, 18 janv. 1852, 20 févr. 1879.— Le Devoir, 15, 19–20 nov. 1923.— La Patrie, 20 oct. 1902.— La Presse, 16, 19 nov. 1923.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Les Franciscains au Canada, 1890–1990, sous la dir. de Jean Hamelin (Sillery, Québec, 1990).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 2 ; 3 ; 4.— Père Hugolin [Stanislas Lemay], Bibliographie du Tiers-Ordre séculier de saint François au Canada (province de Québec) (Montréal, 1921).— « In memoriam : monsieur Jean Joseph Beauchamp, syndic apostolique », la Rev. franciscaine (Montréal), 40 (1924), no 1 : 37–39.— J.-J. Lefebvre, « Tableau alphabétique des avocats de la province, 1868–1899 », la Rev. du Barreau de la prov. de Québec (Montréal), 22 (1962) : 343–355.— É.-Z. Massicotte, « l’Escrime et les Maîtres d’armes à Montréal », BRH, 29 (1923) : 260–263.— Sylvio Normand, « Une culture en redéfinition : la culture juridique québécoise durant la seconde moitié du xixe siècle », dans Transformation de la culture juridique québécoise, sous la dir. de Bjarne Melkevik (Sainte-Foy, Québec, 1998) : 221–235 ; « Une lignée d’éditeurs-libraires montréalais, spécialisés en droit, au tournant du siècle », Soc. bibliogr. du Canada, Cahiers (Toronto), 30 (1993) : 7–55 ; « Un thème dominant de la pensée juridique traditionnelle au Québec : la sauvegarde de l’intégrité du droit civil », Rev. de droit de McGill (Montréal), 32 (1986–1987) : 559–601.— Siméon Pagnuelo, « la Cour suprême et le Barreau de Montréal », la Thémis (Montréal), 2 (1880–1881) : 353–366.— Léo Pelland, « Me Jean-Joseph Beauchamp », la Rev. du droit (Québec), 2 (1923–1924) : 181–185.— Robert Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 7 ; Histoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal : des patriotes au fleurdelisé, 1834–1948 (Montréal, 1975) ; Hist. de Montréal.— Univ. Laval, Faculté de droit, Annuaire, 1942–1943.

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Sylvio Normand, « BEAUCHAMP, JEAN-JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/beauchamp_jean_joseph_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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