BARTLETT, WILLIAM HENRY, illustrateur, né le 26 mars 1809 à Kentish Town (Londres), deuxième fils de William Bartlett et d’une prénommée Ann ; décédé le 13 septembre 1854 au large de Malte et immergé en haute mer.

Issu d’une famille de classe moyenne, William Henry Bartlett fréquenta un pensionnat londonien de 1816 à 1821, puis fut mis en apprentissage chez John Britton, architecte et antiquaire, en 1822 ; le jeune garçon reçut une éducation à la fois théorique et pratique dans son établissement de la paroisse St Pancras (à Londres). Bartlett étudia et copia des dessins architecturaux du passé et de son époque et, avec Britton, il visita des ruines anglaises célèbres ; il en fit des dessins détaillés qui devaient être gravés et devaient orner les propres publications de Britton. Au début, ces dessins étaient purement architecturaux, comme en témoignent ceux qui furent publiés dans le dernier tome de l’ouvrage en cinq volumes de Britton, The architectural antiquities of Great Britain [...], paru à Londres en 1826. Plus tard, la qualité des dessins de Bartlett et son intérêt pour les paysages, particulièrement évident dans quelques-unes des aquarelles de la demeure de Thomas Hope à Deepdene, dans le Surrey, qu’il exécuta vers 1825, poussèrent Britton à publier en 1836 Picturesque antiquities of the English cities [...].

Une fois son apprentissage terminé en 1829, Bartlett continua à travailler comme compagnon pour Britton, tout en exécutant des dessins pour d’autres éditeurs londoniens. Le 6 juillet 1831, il épousa Susanna Moon ; par la suite, la nécessité de faire vivre sa femme et leurs cinq enfants influença de plus en plus la carrière de Bartlett. L’une des premières tâches importantes qu’on lui confia consistait à fournir des illustrations pour le livre du docteur William Beattie, Switzerland illustrated [...], publié en 1836 par George Virtue. Bartlett envoya 108 dessins à la plume, au crayon et à la sépia à des graveurs, formés par l’artiste Joseph Mallord William Turner, qui les gravèrent à l’eau-forte sur des planches en acier pour le compte de Virtue. Les milliers de reproductions qu’on en tira témoignent de la réussite de Bartlett à satisfaire le goût populaire pour les sites pittoresques et le sublime des paysages de montagnes. Pendant le reste de sa vie, Bartlett fit, sans interruption, d’importants voyages pour illustrer des œuvres sur la Syrie, la Terre sainte et l’Asie Mineure, la côte méditerranéenne, le nord de l’Italie, les Pays-Bas et la Belgique, l’Écosse, l’Irlande, les régions côtières de la Grande-Bretagne, le Bosphore, le Danube, les’ États-Unis et le Canada. Bartlett devint ainsi un voyageur accompli.

Selon Britton et Beattie, Bartlett se rendit quatre fois en Amérique du Nord : en 1836–1837, en 1838, en 1841 et en 1852. De l’été de 1836 au mois de juillet 1837, il voyagea aux États-Unis pour réaliser des illustrations destinées au livre de Nathaniel Parker Willis intitulé American scenery [...; à l’été et à l’automne de 1838, il séjourna dans les Canadas afin d’exécuter des dessins pour un autre livre de Willis, Canadian scenery illustrated [...].

On sait peu de chose concernant l’itinéraire de Bartlett en Amérique du Nord, mais une carte d’American scenery laisse croire que ses voyages de 1836–1837 débutèrent à New York et le conduisirent au nord dans les montagnes Blanches, au New Hampshire, puis à l’ouest à Niagara Falls, dans l’état de New York, et au sud à Washington. Son itinéraire dans les Canadas et les observations qu’il aurait pu y faire demeurent obscurs, puisqu’on n’a retrouvé aucune lettre datant de cette période. Une carte de Canadian scenery illustrated montre sa route en 1838 : il semble être parti de Québec et s’être dirigé vers l’ouest jusqu’aux chutes du Niagara, puis, empruntant le canal Érié, il rendit visite à Willis à Oswego, dans l’état de New York, avant de s’embarquer pour l’Angleterre en décembre 1838. Aucun document écrit relatif au séjour de Bartlett dans les Maritimes ne subsiste. Les dates apparaissant sur certaines gravures de Canadian scenery illustrated semblent indiquer qu’il y soit allé en 1841, après un autre séjour aux États-Unis.

Les textes de Willis pour les deux ouvrages sont médiocres : il a tiré une grande partie de ses renseignements sur l’Amérique du Nord britannique des œuvres d’auteurs tels Pierre-François-Xavier de Charlevoix*, George Heriot*, James Pattison Cockburn* et Catharine Parr Traill [Strickland*]. Cependant, les sépias de Bartlett, mesurant cinq pouces sur sept, sont restées populaires. Cela tient beaucoup à l’attention que Bartlett portait aux détails architecturaux (par suite de sa formation), aux expériences vécues durant ses voyages et à son propre goût pour le pittoresque et le sublime des paysages. Son art plaisait aux gens, heureux de regarder passivement des gravures représentant des scènes qu’ils reconnaissaient facilement, grâce à leur propre expérience ou à leurs lectures. Appliquant les théories de William Gilpin et d’Edmund Burke, Bartlett mettait l’accent, dans ses dessins, sur les irrégularités et les aspérités des paysages, l’ombre et la lumière, les ruines, l’immensité des montagnes, l’étendue des rivières impétueuses et l’énormité des rochers escarpés.

Par-dessus tout, on pouvait facilement reconnaître les paysages de Bartlett. Sur les 120 gravures de Canadian scenery illustrated, 6 seulement n’ont pas d’emplacement géographique précis. Les dessins de Bartlett possèdent donc une valeur historique considérable, car ils représentent le pays et ses habitants tels qu’ils apparaissaient en 1838 aux yeux de quelqu’un à l’affût du pittoresque. Près de 100 de ces gravures montrent des rivières, des lacs, des rapides et des chutes d’eau, et dans beaucoup d’entre elles Bartlett a croqué sur le vif la vie quotidienne des Canadiens : le progrès de la colonisation, la présence des unités de l’armée britannique, les voyages en canot, en bateau à voiles et à bord des premiers bateaux à vapeur, le commerce du bois par radeaux naviguant sur la rivière des Outaouais, les moulins de la rivière Rideau et de Sherbrooke, au Bas-Canada, les marchés de poisson et les quais, le creusement du canal de Cornwall et, plus particulièrement, les maisons des habitants, de la cabane en bois rond des pionniers du Haut-Canada au confortable bungalow à charpente de bois du juge Thomas Chandler Haliburton*, à Windsor, en Nouvelle-Écosse. Comme ce fut le cas pour Canadian scenery illustrated, les dessins de Bartlett assurèrent la popularité d’American scenery. Le style des illustrations de ce volume est semblable à celui de Canadian scenery illustrated ; les sujets représentés, typiquement américains, montrent l’avance économique de l’est des États-Unis sur les deux Canadas.

Bartlett fut l’auteur ainsi que l’illustrateur de nombreuses autres œuvres, dont deux livres sur les États-Unis, pour lesquels il fit un quatrième séjour en Amérique du Nord, en 1852. The Pilgrim Fathers [] comprend des gravures sur acier et sur bois, et The history of the United States [...], ouvrage achevé par Bernard Bolingbroke Woodward après la mort de Bartlett, renferme 31 gravures sur acier qui furent toutes publiées dans Canadian scenery illustrated ou dans American scenery. Le premier de ces ouvrages, The Pilgrim Fathers, qui contient des chroniques originales des Pères Pèlerins, est le plus érudit. Les textes que Bartlett a écrits dans le second ouvrage constituent une sorte de manuel élémentaire qui n’attache presque aucune importance à l’identification de la documentation utilisée et à l’analyse des causes et des conséquences. Cependant, les voyages que fit Bartlett en Amérique lui permirent de décrire les lieux avec facilité et d’alimenter un récit réaliste. Sa prose honnête fait souvent beaucoup d’effet, révélant l’influence de son emploi comme rédacteur en chef du Sharpe’s London Magazine, de 1849 à 1852. Il continua d’accepter de ses éditeurs londoniens des commandes pour des illustrations et mourut probablement du choléra en revenant d’un voyage de travail en Turquie et en Grèce.

Anglais chaleureux, sensible et plutôt réservé, William Henry Bartlett était très attaché à sa famille et à un petit nombre d’amis intimes, parmi lesquels on retrouve son biographe, William Beattie. Parce qu’il désirait subordonner son talent artistique aux besoins de son éditeur principal, George Virtue, et au goût de l’époque pour l’illustration topographique pittoresque, Bartlett ne put acquérir une très grande réputation comme artiste. En conséquence, son art semble inférieur quand on compare ses dessins aux meilleures œuvres de Cockburn, de Heriot ou de James D. Duncan*. Mais grâce à son talent à rendre les détails architecturaux, à son amour pour les paysages pittoresques et à sa curiosité pour la vie des habitants du Canada, ses illustrations contenues dans Canadian scenery illustrated – ainsi que celles qui figurent dans American scenery – ont acquis une importance historique qui leur vaut de survivre.

Alexander M. Ross

Les dessins de William Henry Bartlett se trouvent aux APC, à l’Art Gallery of Ontario (Toronto), à la Galerie nationale du Canada (Ottawa), à la McLaughlin Library, Univ. of Guelph (Guelph, Ontario), au British Museum (Londres), à la Minet Library (Londres), à la Northampton Public Library (Northampton, Angl.) et au Victoria and Albert Museum (Londres). Les gravures réalisées à partir des dessins de Bartlett représentant des scènes de l’Amérique du Nord parurent dans Nathaniel Parker Willis, American scenery ; or land, lake and river illustrations of transatlantic nature, from drawings by W. H. Bartlett [...] (2 vol., Londres, 1840), et dans Canadian scenery illustrated, from drawings by W. H. Bartlett (2 vol., Londres, 1842 ; réimpr., Toronto, 1967). Bartlett écrivit et illustra lui-même 12 livres parmi lesquels figurent The Pilgrim Fathers ; or, the founders of New England in the reign of James the First (Londres, 1853) et les trois premières sections du premier tome de The history of the United States of North America ; from the discovery of the western world to the present day (3 vol., New York, [1855–1856]), les autres sections ayant été complétées par Bernard Bolingbroke Woodward. Une liste des œuvres écrites ou illustrées par Bartlett se trouve dans l’ouvrage d’Alexander M. Ross, William Henry Bartlett, artist, author, and traveller [...] (Toronto, 1973), lequel contient aussi une réimpression de la biographie écrite par un contemporain de l’artiste, William Beattie, Brief memoir of the late William Henry Bartlett [...] (Londres, 1855).  [a. m. r.]

John Britton, The autobiography of John Britton [...] (3 vol., Londres, 1849–1850).— DNB.— Harper, Early painters and engravers.— Michel Brunet et J. R. Harper, Québec 1800, W. H. Bartlett : un essai de gravures romantiques sur le pays du Québec au XIXe siècle ([Montréal], 1968).— Gérard Morisset, Peintres et Tableaux (Québec, 1936).— Janice Tyrwhitt, Bartlett’s Canada ; a pre-confederation journey, introd. de H. C. Campbell (Toronto, 1968).— John Britton, « Mr. William Henry Bartlett », Art-Journal (Londres et New York), 1 (1855) : 24–26.

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Alexander M. Ross, « BARTLETT, WILLIAM HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bartlett_william_henry_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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