BARR, ROBERT, instituteur, journaliste, rédacteur en chef et auteur, né le 16 septembre 1849 à Barony (Glasgow), fils de Robert Barr et de Jane Watson ; le 1er août 1876, il épousa dans le canton de Raleigh, Ontario, Eva Bennett, et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 22 octobre 1912 à Woldingham, Angleterre.

Les Barr immigrèrent en 1854 à Wallacetown, dans le Haut-Canada, et s’établirent par la suite dans une ferme près de Muirkirk. Robert Barr fréquenta l’école dans le canton de Dunwich tout en aidant son père, qui était à la fois charpentier, constructeur et grand liseur. Ensuite, il devint instituteur dans le comté de Kent. Il entra à la Toronto Normal School en 1873, puis, après avoir obtenu son diplôme, il enseigna à Walkerville. En 1874, il prit la direction de la Central School de Windsor.

Quand il était jeune, Barr avait distrait ses nombreux frères et sœurs en leur racontant des histoires. Dans les années 1870, sous le pseudonyme de Luke Sharp, il commença à publier, notamment dans le journal satirique Grip de Toronto, des anecdotes et des facéties. Refusé par les journaux ontariens, son récit comique d’une aventure survenue en bateau en 1875 sur le lac Érié parut en feuilleton dans le Detroit Free Press, qui l’engagea comme reporter en 1876. La même année, Barr épousa Eva Bennett, fille d’un administrateur scolaire. Par la suite, ses frères James et John se joindraient aussi à l’équipe du Free Press. Devenu chroniqueur, puis promu directeur des échanges avec les autres journaux, Barr se rendit à Londres en 1881 pour lancer une édition hebdomadaire. Cette édition britannique, qui était moins un journal d’information que de divertissement populaire dans la veine américaine, connut un remarquable succès.

En 1892, à Londres, Barr fonda l’Idler avec le dramaturge et humoriste Jerome Klapka Jerome. En 1894, il quitta la fonction de corédacteur, mais à compter du numéro d’avril 1902, il fut le seul propriétaire et rédacteur en chef du journal. Très prisé dès son lancement, ce mensuel de luxe présentait en feuilleton des romans et contes d’auteurs tels Barr, Stephen Crane, Mark Twain, Arthur Conan Doyle, Sara Jeannette Duncan* et Israel Zangwill, ainsi que des comptes rendus de voyage, des échos sur le théâtre et les sports, des illustrations soignées, de courtes pièces de fiction, des entrevues et une chronique intitulée « Idlers Club ». Divertissement de bon goût à l’intention des gentlemen, l’Idler avait le plus souvent un ton comique. Il cessa de paraître en mars 1911.

Grand voyageur et homme du monde, Barr était reconnu comme un conteur, un bon vivant et un clubiste assidu. Il connaissait bon nombre des meilleurs écrivains de son temps, dont Enoch Arnold Bennett, Horatio Gilbert Parker*, Joseph Conrad, Francis Brett Harte, Rudyard Kipling, sir Henry Rider Haggard, Herbert George Wells et George Robert Gissing. Bien qu’il ait produit aussi des saynètes, plusieurs pièces de théâtre en collaboration, des récits de voyage et des entrevues, il fut extrêmement prolifique dans le genre de la fiction populaire. Souvent, il adoptait telle ou telle formule éprouvée et la parodiait de manière typique. Il y avait quelque chose de l’artisan chez cet écrivain. Il savait quelles sortes d’histoires son public aimait, et c’était l’un des secrets de sa réussite.

Fréquemment, dans ses recueils de nouvelles, Barr privilégiait l’ironie ou imaginait un narrateur fantaisiste. Les nouvelles rassemblées sous le titre de Revenge ! (ouvrage paru à Londres en 1896) évoluent rondement et ont en général un ton caustique. On n’y décèle pas ce goût pour le romanesque que Barr allait manifester plus tard. Dans l’ensemble, ses romans mettent en scène des personnages bien nés ou d’un naturel perspicace ; les questions d’argent s’entremêlent à l’intrigue, introduite avec habilité. Les reparties sont vives, les faits historiques traités sans rigueur. Il y a du mélodrame et des imbroglios sentimentaux conventionnels. Sa galerie de protagonistes comprend des journalistes, des princes, des détectives, des financiers, des lords, des ambitieux pleins de mérite qui cherchent à se tailler une place dans le milieu des affaires ou les cercles mondains. On y trouve aussi la nouvelle femme, créature à l’esprit brillant qui poursuit résolument son chemin. Ses personnages sont largement stéréotypés et idéalisés, ses intrigues inventives. Le plus souvent, le cadre dans lequel se déroulent ses histoires est purement fonctionnel ; cependant, la couleur locale de ses histoires canadiennes est convaincante. Dans ses œuvres de fiction, Barr utilisait surtout la forme épisodique ; ses antécédents de journaliste, son sens de l’anecdote et du portrait le prédisposaient à l’usage de cette technique. Souvent, seul le personnage central lie entre eux les chapitres de ses romans, qui se suffisent presque à eux-mêmes. En outre, par la voix de ses narrateurs, Barr intercalait dans ses histoires des digressions à caractère moral et des commentaires. La University of Michigan reconnut son talent en lui décernant un diplôme honorifique en 1900.

Barr écrivit plus de 20 romans. Parmi les plus estimables, on peut signaler The victors, publié à New York en 1901, sur la politique métropolitaine, et The mutable many, paru à New York et à Londres en 1896, sur une grève industrielle. Tous deux ont un fond résolument réaliste et sont plus objectifs et plus sobres que le reste de sa production. Plusieurs de ses romans se passent au Canada. Paru à Philadelphie en 1893, In the midst of alarms traite sur un ton comique de l’invasion fénienne de 1866 ; adolescent, Barr avait rejoint des volontaires à St Thomas en prévision de cet événement. The measure of the rule, ouvrage publié à Londres en 1907, est une douce satire sur son séjour à la Toronto Normal School. En 1903, Barr acheva avec une efficacité remarquable The O’Ruddy, roman picaresque posthume de son bon ami Stephen Crane. La plus durable de ses œuvres reste The triumphs of Eugène Valmont, publié à Londres en 1906. Parodie du Sherlock Holmes de Conan Doyle et d’autres gentlemen détectives, Valmont est un limier français dont la condescendance, la vanité et la bêtise font rire. Plusieurs historiens de ce type de roman ont avancé qu’Agatha Christie s’en serait inspirée en créant le personnage d’Hercule Poirot.

Robert Barr n’avait guère de prétentions ni d’illusions littéraires. Il composa plusieurs articles amusants sur sa profession d’écrivain. Dans « Literature in Canada », article en deux parties datant de 1899, il stigmatisa le pays dont le « citoyen ordinaire [...] aime plus le whisky que les livres ». Quelques-unes de ses histoires de détective et de ses histoires sur le surnaturel ont été remises en circulation grâce à des anthologies et quelques-uns de ses romans ont été réédités. En outre, ses écrits ont fait l’objet de quelques études spécialisées.

Louis K. MacKendrick

Le roman de Robert Barr intitulé The measure of the rule a été réimprimé avec une introduction de Louis K. MacKendrick (Toronto, 1973). L’essai de Barr ayant pour titre « Literature in Canada » a été publié dans le Canadian Magazine, 14 (nov. 1899–avril 1900) : 3–7 et 130–136. The O’Ruddy : a romance, le roman qu’il a terminé pour Stephen Crane après la mort de ce dernier, a paru sous le nom des deux auteurs à New York en 1903, et à Londres l’année suivante.

En plus de travaux mentionnés dans sa biographie, les publications de Barr comprennent les monographies suivantes, qui ont paru dans des éditions distinctes à Londres et à New York (à moins d’une indication contraire) : les romans Tekla : a romance of love and war (publié à Toronto et à New York en 1898), Jennie Baxter journalist (1899), A prince of good fellows (1902), et The speculations of John Steele (1905) ; un compte rendu de voyage, The unchanging east (publié en 1900 en deux volumes à Boston et en un seul volume à Londres) ; et plusieurs collections de nouvelles, dont In a steamer chair, and other shipboard stories (1892), The face and the mark (ouvrage publié à Londres, en 1894, et l’année suivante à New York), ainsi qu’une anthologie moderne, Selected stories of Robert Barr, John Parr, édit. (Ottawa, 1977).

Barr a aussi rédigé de nombreux articles de fiction et autres pour des périodiques. On trouve d’autres détails sur ses écrits dans la notice de John Parr dans le Dictionary of literary biography (cité ci-dessous) et dans notre thèse intitulée « The life and work of Robert Barr » (thèse de phil.m., Univ. of Toronto, 1966).  [l. k. mack]

AO, RG 80-27.— Columbia Univ. Libraries (New York), Stephen Crane coll., lettres de Robert Barr à Stephen et Cora Crane.— Univ. of Western Ontario Library, Regional Coll. (London, Ontario), Alexander McNeil, lettres de Robert Barr, 1873–1878.— J. S. Bradshaw, « The Detroit Free Press in England », Journalism Hist. (Northridge, Calif.), 5 (1978–1979) : 4–7.— Critical survey of mystery and detective fiction, F. N. Magill, édit. (4 vol., Pasadena, Calif., et Englewood Hills, N.J., 1988).— The 1890s : an encyclopedia of British literature, art, and culture, G. A. Cevasco, édit. (New York, 1993), 39s., 298s.— The Oxford companion to Canadian literature, William Toye, édit. (Toronto, 1983).— John Parr, « Robert Barr », Dictionary of literary biography (134 vol. parus, Detroit, 1978–  ), 92 (Canadian writers, 1890–1920, W. H. New, édit., 1990) : 17–23.

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Louis K. MacKendrick, « BARR, ROBERT (1849-1912) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/barr_robert_1849_1912_14F.html.

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Auteur de l'article:    Louis K. MacKendrick
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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