Provenance : Lien
BARNARD, FRANCES MATHILDE (Tessier) (elle signait parfois Fannie M. Barnard), réformatrice sociale, née le 29 mai 1859 à Albany, New York, fille d’Edmund Barnard, avocat, et d’Ellen King Austin ; le 27 juin 1882, elle épousa dans la paroisse Notre-Dame, à Montréal, Jules Tessier, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédée le 3 mars 1938 à Québec et inhumée le 5 au cimetière Notre-Dame de Belmont, à Sainte-Foy (Québec).
Originaire de la Nouvelle-Angleterre (Deerfield, Massachusetts), où elle s’est établie au xviie siècle, la famille Barnard, loyaliste, a vu plusieurs de ses fils s’installer dans la province de Québec à l’approche de la guerre d’Indépendance américaine. Du côté paternel, l’arrière-grand-père de Frances Mathilde Barnard, James, y a émigré en 1774 et a rejoint ses frères dans la région qui sera connue sous le nom des Cantons-de-l’Est. Son grand-père, Edward, converti au catholicisme, a été avocat, député et protonotaire à Trois-Rivières, et l’un des défenseurs des patriotes [V. Joseph Barnard], tandis que son père, Edmund, lui aussi avocat, a ouvert son bureau à Montréal. Sa mère, Ellen King Austin, était la fille unique de Charles Lee Austin, avocat et juge de la cour municipale d’Albany, et de Frances Elliott. Les grands-parents du côté maternel ont étudié dans des établissements scolaires religieux de la province de Québec afin d’y apprendre le français et ont adopté la religion catholique. La mère de Frances Mathilde, baptisée à l’âge de sept ans tandis qu’elle séjournait avec ses parents à Rome, a fréquenté un couvent tenu par les dames du Sacré-Cœur à Saint-Vincent-de-Paul (Laval), près de Montréal.
Aînée d’une famille de dix enfants, Frances Mathilde est issue d’un milieu aisé, où se côtoient les cultures anglophone et francophone. Après des études au même pensionnat que sa mère, elle épouse, le 27 juin 1882, Jules Tessier, avocat de la ville de Québec, qui sera député de la circonscription provinciale de Portneuf (1886–1903), orateur de l’Assemblée législative (1897–1901) et sénateur (1903–1934). Devenue Québécoise en raison de son mariage, elle partage son temps entre les obligations mondaines que lui crée la carrière politique de son mari et les œuvres culturelles et sociales dans lesquelles elle s’investit d’autant qu’elle n’a jamais eu d’enfants. En 1891, elle fonde, avec d’autres femmes de l’élite francophone et anglophone de Québec, le Quebec Ladies Morning Musical Club. La première saison officielle s’ouvre à l’automne de 1895, date avec laquelle on fait souvent coïncider le commencement de l’association qui existera encore au début du xxie siècle sous le nom de Club musical de Québec. Elle offre une douzaine de concerts qui ont lieu en matinée, dans la salle de la Young Men’s Christian Association ; deux d’entre eux mettent en vedette Mme Tessier. Cette dernière sera également la deuxième présidente du club (il est impossible de préciser les dates exactes de son mandat).
Outre son engagement dans le domaine de la diffusion de la culture musicale, Frances Mathilde Tessier institue, en avril 1915, les Gouttes de lait. Créées dans le but de combattre la mortalité infantile en distribuant gratuitement du lait sain, en assurant une surveillance médicale de la santé des bébés et en conseillant les mères, les Gouttes de lait (ou d’autres cliniques du même genre) existent alors dans la plupart des grandes villes occidentales. La réunion de fondation de cette œuvre sociosanitaire, qui se déroule à l’hôtel de ville de Québec sous la présidence d’honneur d’Alice Gouin, femme du premier ministre sir Lomer Gouin*, regroupe 32 dames, francophones et anglophones, de la haute société de Québec, qui élisent Mme Tessier présidente du conseil d’administration. Sa présidence est marquée par l’ouverture d’une douzaine de cliniques, principalement dans les quartiers les plus pauvres de la capitale, et par une professionnalisation croissante des services offerts (le Service provincial d’hygiène de la province de Québec exige l’embauche d’infirmières en échange de subventions à compter de 1924). Des difficultés financières, de même qu’une lutte de pouvoir parfois féroce avec les médecins qui cherchent à obtenir une rémunération pour leur travail dans les cliniques et à exercer un plus grand contrôle sur leur gestion, caractérisent aussi ces années. Délaissant la présidence en 1932 pour des raisons de santé, Mme Tessier continuera néanmoins de s’intéresser aux destinées de l’œuvre. Les Gouttes de lait poursuivront leurs activités jusqu’en 1970, année où l’administration de la ville de Québec décidera finalement de prendre en charge ce service de santé publique.
L’intérêt de Frances Mathilde Tessier pour la cause des mères et des enfants, créneau où les dames de la bourgeoisie ont été particulièrement actives au début du xxe siècle, ne s’est pas arrêté aux Gouttes de lait. En 1919, elle encourage la création de l’Assistance maternelle de Québec, œuvre qui fournit une aide médicale et matérielle aux femmes enceintes pauvres et qui existait déjà à Montréal depuis 1912. L’année suivante, elle devient la secrétaire-trésorière du Conseil canadien pour la sauvegarde de l’enfance, organisme dirigé par la travailleuse sociale Charlotte Elizabeth Hazeltyne Whitton* et qui réunit des représentants des diverses agences sociales privées et publiques préoccupées par le bien-être des enfants à l’échelle du Canada. Elle quitte cette fonction en 1935, quand sa santé déclinante ne lui permet plus de poursuivre ses activités.
Frances Mathilde Tessier meurt en 1938, à l’âge de 78 ans, des suites d’une paralysie, quatre années après le décès de son mari le 6 janvier 1934. Anna P. Girouard, qui fait son éloge dans le Journal le 10 mars 1938, la présente comme une « figure nationale » dont « l’amour pour les autres, [l’]extrême bonté de cœur […] en avaient fait une […] admirable femme d’action ».
Nos recherches ne nous ont pas permis de trouver l’acte de naissance ou de baptême de Frances Mathilde Barnard. Les premiers documents enregistrés au bureau de l’état civil d’Albany, dans l’État de New York, datent du 1er septembre 1870.
Arch. privées, Serge Masson (Québec), Doc. sur le Club musical de Québec.— BAnQ-CAM, CE601-S51, 27 juin 1882.— BAnQ-Q, P49.— Centre de recherche en civilisation canadienne-française (Ottawa), P32.— L’Événement, 3 mars 1938.— Le Journal (Québec), 10 mars 1938.— Le Soleil, 3 mars 1938.— Denyse Baillargeon, Un Québec en mal d’enfants : la médicalisation de la maternité, 1910–1970 (Montréal, 2004).— De La Broquerie Fortier, Au service de l’enfance : l’Association québécoise de la Goutte de lait, 1915–1965 (Québec, 1966) ; « les “Gouttes de lait” à Québec, 1905–1970 », Cap-aux-Diamants (Québec), no 28 (hiver 1992) : 52–55.— Madeleine [A.-M.] Gleason-Huguenin, Portraits de femmes ([Montréal], 1938), 256–257.— Historica Canada, « l’Encyclopédie canadienne » : www.encyclopediecanadienne.ca/fr (consulté le 18 août 2015).— Québec, Assemblée nationale, « Dictionnaire des parlementaires québécois depuis 1792 » : www.assnat.qc.ca/fr/membres/notices/index.html (consulté le 14 nov. 2014).
Denyse Baillargeon, « BARNARD, FRANCES MATHILDE (Tessier) (Fannie M. Barnard) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/barnard_frances_mathilde_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/barnard_frances_mathilde_16F.html |
Auteur de l'article: | Denyse Baillargeon |
Titre de l'article: | BARNARD, FRANCES MATHILDE (Tessier) (Fannie M. Barnard) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |