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BAILLIE, sir FRANK WILTON, financier et industriel, né le 9 août 1875 à Toronto, fils de John Baillie, marchand, et de Marion Wilton ; le 8 juin 1900, il épousa dans cette ville Edith Julia White, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 2 janvier 1921 au même endroit.
Né de parents écossais et anglais, Frank Wilton Baillie étudia dans des écoles publiques de Toronto. Vers 1889, il obtint une place de commis à la Central Canada Loan and Savings Company. En qualité de secrétaire particulier et de protégé de George Albertus Cox* – le fondateur de cette société qui, dans les années 1890, délaissa le prêt hypothécaire pour le commerce et la garantie d’obligations –, il bénéficia du prestige de son employeur, un des financiers les plus puissants au pays. Nommé comptable de la Central Canada en 1896, il en devint secrétaire deux ans plus tard et directeur adjoint en 1901. À ce moment-là, son frère James W. faisait aussi partie du réseau de Cox : avec le fils de celui-ci, Herbert Coplin, il dirigeait la succursale est-ontarienne de la Compagnie d’assurance du Canada sur la vie. Tout en continuant de travailler à la Central Canada Loan and Savings Company, Frank Wilton Baillie devint en 1901 administrateur délégué d’une nouvelle filiale de l’entreprise, la Dominion Securities Corporation, constituée en société pour faire le commerce des obligations. Sans doute fit-il bonne impression à d’autres membres de l’empire de Cox. En 1902, lorsque Alfred Ernest Ames*, qui était à la fois le gendre et l’associé de Cox, décida de prendre quelque distance par rapport au réseau et mit sur pied la Banque métropolitaine, le poste de directeur général alla à Baillie. Alors au milieu de la vingtaine, il était, dit-on, le plus jeune dirigeant d’une banque à charte dans l’histoire du Canada.
Toutefois, les affaires bancaires n’offraient manifestement pas assez de champ aux ambitions de Baillie. En 1903, il démissionna pour lancer, avec son frère et Frank Porter Wood, une maison de courtage, la Baillie Brothers and Company (par la suite la Baillie, Wood, and Croft), qui négociait à la Bourse de Toronto. Les transactions boursières commençaient alors de s’étendre à des secteurs nouveaux, surtout l’exploitation des richesses naturelles et l’industrie manufacturière. Ce mouvement se faisait sous l’impulsion d’une nouvelle génération de courtiers – notamment Ames, Edward Rogers Wood* (frère de Frank Porter Wood et autre collègue de Cox), Frederick Herbert Deacon et William Maxwell Aitken* – qui non seulement canalisaient des capitaux des investisseurs, mais investissaient beaucoup eux-mêmes. Baillie prospéra en plaçant des fonds à lui dans les entreprises de transport, sociétés de services publics et manufactures du groupe de Cox, y compris la Dominion Coal Company Limited, dont il tira de gros bénéfices. (À sa mort, la valeur de sa succession dépasserait les deux millions de dollars.) En 1912, il forma la Bankers’ Bond Company Limited, qui prit la relève de la Baillie, Wood, and Croft.
Tandis que l’empire de Cox essuyait des critiques de plus en plus virulentes, Baillie avait commencé de se tailler une place en tant qu’industriel. En 1910, il mobilisa des capitaux torontois pour créer la Canada Steel Company Limited (rebaptisée Burlington Steel en 1914). Sise à Hamilton, cette grande exploitation employait environ 300 hommes et laminait des rails mis au rebut pour en faire des barres. C’était alors la seule entreprise du genre au Canada, et Baillie en serait président jusqu’à son décès. En outre, il favorisa une collaboration entre des capitalistes canadiens et Clifton William Sherman*, directeur des aciéries de la Pratt and Letchworth à Buffalo, dans l’État de New York – collaboration qui déboucha en mai 1912 sur la création d’un consortium dont l’objectif était de mettre sur pied une première usine d’acier de moulage à Hamilton. Constituée juridiquement en septembre sous la raison sociale de Dominion Steel Castings Company Limited, l’entreprise bâtit une usine dans le courant de l’hiver et fusionna en 1913 avec une société de fondation récente, la Hamilton Malleable Iron Company Limited, ce qui donna la Dominion Steel Foundry Company. Tant la Canada Steel que la Dominion Steel Foundry avaient des équipements tout à fait modernes. Baillie serait vice-président de la Dominion Steel Foundry pendant un court moment en 1916.
La Première Guerre mondiale donna à Baillie l’occasion d’exercer son esprit d’entreprise dans de nouvelles sphères. Vers la fin de 1914, de concert avec les propriétaires de la Chadwick Brass Company de Hamilton, il organisa une grosse société, la Canadian Cartridge Company Limited, dont il assuma la présidence, et Frank Porter Wood, la vice-présidence. La compagnie, qui commença avec environ 200 ouvriers mais en compterait 900, produisait des douilles en laiton pour le gouvernement britannique. En août 1915, Baillie obtint une commande de deux millions de douilles pour pièces de dix-huit. Il avait remporté ce contrat lucratif en promettant de rendre tout le bénéfice réalisé sur le deuxième million. Grâce à une réorganisation de la production qui permit une réduction radicale des coûts, il fut en mesure de remettre 758 248 $ en juillet 1916 et veilla bien à ce que la chose se sache. Selon Joseph Wesley Flavelle*, président de l’Imperial Munitions Board – l’agence qui, au Canada, concluait des contrats avec le gouvernement britannique –, d’autres fabricants furent « très troublés » par le geste de Baillie, et personne ne suivit son exemple. La même année, pour éviter que la production à la Canadian Cartridge et à la Burlington Steel soit interrompue en raison du mécontentement grandissant parmi les ouvriers des usines de munitions de Hamilton, Baillie concéda la journée de neuf heures. Tout de suite après, une grève paralysa la plupart des autres usines métallurgiques de Hamilton.
En tant que producteur de munitions, Baillie avait des contacts réguliers avec Flavelle, qui avait aussi été un membre éminent du groupe de Cox et qui lui trouva bientôt un nouvel emploi. Ayant subi de lourdes pertes au-dessus des champs de bataille européens en 1916, le Royal Flying Corps intensifiait ses efforts pour trouver des recrues et des installations d’instruction aérienne au Canada. En décembre 1916, l’Imperial Munitions Board reçut le mandat de lui fournir des bâtiments et de l’équipement par l’intermédiaire d’un service de l’aviation qui serait dirigé par Edward Rogers Wood. Après la démission de celui-ci pour raisons de santé en janvier 1917, Flavelle convainquit Baillie et l’homme d’affaires torontois George Andrew Morrow (autre ancien protégé de Cox et membre du conseil d’administration de la Burlington Steel) de prendre la relève. Presque tout de suite, les deux hommes se répartirent les responsabilités : Morrow assuma la direction de l’aviation et Baillie, la présidence de la compagnie de production constituée juridiquement en décembre, la Canadian Aeroplanes Limited. Forte d’une avance de un million de dollars du gouvernement fédéral, elle devint l’une des « usines nationales » dont l’Imperial Munitions Board était l’unique propriétaire.
Sans tarder, Baillie prit des mesures pour lancer la production. Il fit l’acquisition de la petite usine torontoise de la Curtiss Aeroplanes and Motors Limited et, le 26 janvier, signa un contrat pour la construction d’une plus vaste usine. Moins de dix semaines après, à la stupéfaction de la plupart des observateurs, une nouvelle usine entièrement équipée, située sur un terrain de six acres rue Dufferin, dans le secteur industriel de l’extrémité ouest de Toronto, était en exploitation. Dès novembre, plus de 50 aéroplanes en sortaient chaque semaine. D’une valeur approximative de 14 millions de dollars, les appareils étaient, pour la plupart, des Canadian Curtiss JN4 légèrement modifiés. (On estime que l’usine produisit 1 210 aéroplanes JN-4 complets plus des pièces équivalant à environ 1 600 autres ; elle fabriqua aussi 30 hydravions à coque Felixstowe F-5-L pour le gouvernement des États-Unis en 1918–1919.) L’effort déployé par Baillie fut remarquable. Pour les structures, il fallut faire venir de l’épinette de Sitka des forêts côtières de la Colombie-Britannique et, pour couvrir les ailes et les fuselages, du coton de Trois-Rivières. Quelque 2 400 ouvriers durent être rassemblés, notamment des charpentiers et machinistes qualifiés ainsi que de nombreuses couturières.
Même si la Canadian Aeroplanes était une société publique, Baillie l’administrait à la manière d’une entreprise privée. Comme ses autres exploitations, il en fit une usine modèle de production en série hautement mécanisée et rigoureusement organisée. De toutes les usines nationales de l’Imperial Munitions Board, ce fut sans doute la plus efficace. En fait, le coût de production tomba à un niveau si bas que Flavelle dut ordonner à Baillie de réduire le prix de vente avant la fin de 1917, ce qui ne l’empêchait pas de réaliser encore 1 000 dollars sur chaque appareil. Les avionneurs américains étaient si impressionnés qu’ils le firent venir à Washington pour entendre ses avis, après quoi ils lui demandèrent de prendre en charge l’administration d’une usine à Buffalo. Il refusa.
Baillie faisait donc partie des quelques hommes d’affaires qui, pendant le premier conflit mondial, appliquèrent les méthodes de l’entreprise capitaliste dans des secteurs de la vie économique et sociale où l’État canadien intervenait de plus en plus. Grâce aux profits constants de son aciérie de Hamilton, il put ajouter un élément à son dossier de bon citoyen en refusant toute rémunération pour son travail en aéronautique. Le 9 janvier 1918, il devint le premier Canadien à recevoir un titre de chevalier de l’ordre de l’Empire britannique ; de création récente, cet ordre récompensait les services rendus en temps de guerre. Toutefois, les usines mises sur pied par Baillie pour soutenir l’effort national connurent une existence éphémère. Comme le gouvernement fédéral ne voulait nullement poursuivre la production d’avions une fois les hostilités terminées, l’usine de Toronto ferma ses portes quelques mois après l’armistice et fut vendue à la Columbia Graphophone Company Limited. Baillie avait espéré que la Canadian Cartridge pourrait se reconvertir dans la fabrication de pièces de forge et de barils d’acier, mais il dut la fermer aussi au lendemain de la guerre.
Malgré sa participation intensive à la vie industrielle de Hamilton, Baillie résidait toujours à Toronto. Il était anglican et réputé sans attache politique. À la différence d’autres hommes d’affaires influents, il ne s’occupait guère d’œuvres de charité, de réforme sociale ni de haute culture. Il fut cependant membre du conseil d’administration du Wycliffe College et du Grace Hospital en 1912. Apparemment, il préférait passer ses temps libres dans les cercles réservés aux hommes de sa classe. Pour se détendre, il fréquentait plusieurs clubs de Toronto et de Hamilton ; pour pratiquer des sports de plein air, il se rendait dans des clubs privés de golf ou de loisirs ou encore au Royal Canadian Yacht Club et au Toronto Canoe Club (il fut contre-commodore dans ce dernier). Des bovins shorthorns qu’il élevait dans sa grande exploitation agricole située près d’Oakville, la Lisonally Farm, furent primés. Contrairement à lui, sa femme, Edith Julia White – fille d’Aubrey White*, sous-ministre des Terres, des Forêts et des Mines de l’Ontario –, prenait « une part active à toutes sortes d’œuvres de bienfaisance ». Elle fut présidente de la Women’s Auxiliary du Canadian National Institute for the Blind et membre du conseil d’administration du Home for Incurable Children à Toronto.
Sir Frank Wilton Baillie succomba en 1921 à un cancer et à une embolie pulmonaire. Nombreux furent ceux qui rendirent hommage à ses talents et à sa perspicacité de promoteur et d’industriel. Parmi les gens d’affaires et dans les milieux politiques, on reconnaissait qu’il avait favorisé l’investissement de capitaux dans de nouvelles industries, consolidé à la fois les assises industrielles du principal centre sidérurgique au Canada et amélioré la capacité de production du pays pendant la guerre. Quant aux ouvriers de ses usines, qui travaillaient sous une gestion serrée et avec des équipements à la fine pointe de la technique, ils éprouvaient peut-être des sentiments ambivalents envers cet artisan d’une seconde Révolution industrielle. Quoi qu’il en soit, Baillie est représentatif des nombreux financiers ambitieux qui canalisèrent leurs énergies dans le courant dominant de la vie industrielle au Canada au début du xxe siècle et qui contribuèrent à remodeler l’économie nationale.
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Craig Heron, « BAILLIE, sir FRANK WILTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/baillie_frank_wilton_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/baillie_frank_wilton_15F.html |
Auteur de l'article: | Craig Heron |
Titre de l'article: | BAILLIE, sir FRANK WILTON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 22 nov. 2024 |