Titre original :  LA BASILIQUE IMAGINAIRE - BIOGRAPHIES DES ARCHITECTES

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VENNE, LOUIS-ALPHONSE (il signait aussi Alphonse), architecte, professeur et homme politique, né le 24 août 1875 dans la paroisse Notre-Dame, Montréal, fils d’Alphonse Venne, charretier, et de Marguerite Patenaude ; le 26 juin 1900, il épousa au même endroit Louisia Moll, et ils eurent au moins deux fils et quatre filles ; décédé le 16 janvier 1934, probablement à Saint-Lambert, Québec, et inhumé le 19 au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Montréal.

Louis-Alphonse Venne passe son enfance dans les faubourgs de l’ouest de Montréal. Il fréquente des établissements scolaires administrés par les Frères des écoles chrétiennes, dont l’école Sainte-Cunégonde, où il obtient son diplôme d’études secondaires. Cette communauté religieuse est alors renommée pour son enseignement des sciences et des arts (plus particulièrement du dessin). Venne réussit l’examen d’immatriculation de l’Association des architectes de la province de Québec (AAPQ) en juillet 1895, puis entreprend son stage au sein de la firme montréalaise des architectes Maurice Perrault*, Albert Mesnard et Joseph Venne*. Il suit également des cours à l’école du Conseil des arts et manufactures de la province de Québec. Grâce à cette formation, il n’a pas à se soumettre à l’examen officiel de l’AAPQ et obtient, en 1898, l’autorisation de pratiquer.

De 1898 à 1909, Venne est employé de la firme de Perrault, qui n’a dorénavant plus d’associés. Il travaille alors comme dessinateur, c’est-à-dire qu’il dessine des plans sans les signer ni payer sa cotisation à l’AAPQ. Il se signale en 1901 par un projet d’immeuble d’affaires présenté à la première exposition du Toronto Architectural Eighteen Club. Dès 1903, il prend aussi certains contrats à titre personnel. Après son mariage, il habite près de la famille de sa femme à Saint-Lambert, nouvelle banlieue reliée à Montréal par le pont Victoria. Il y exercera les fonctions de conseiller municipal de 1911 à 1914, puis de maire en 1915 et en 1916, tout en continuant de pratiquer sa profession d’architecte à Montréal. Il dirige la construction de plusieurs résidences à Saint-Lambert – dont la sienne – et à Montréal. À Würtele-Moreau-et-Gravel (Ferme-Neuve) et dans la paroisse Saint-Denis, à Montréal, il donne les plans d’églises temporaires. De facture modeste, ces églises sont susceptibles d’être remplacées par des édifices en pierre ou en brique quand les finances de la paroisse le permettront. Venne prend également en charge la réfection d’établissements commerciaux (comme l’entrepôt B. Ledoux et compagnie à Montréal) et la réalisation du presbytère, de l’hôtel de ville et du couvent de Saint-Lambert. À la mort de Perrault, en 1909, Venne reprend sa clientèle à son compte. Il travaille, entre autres, sur deux gros projets amorcés par son patron, soit la restauration de la cathédrale de Saint-Hyacinthe et l’édification de l’école technique de Montréal [V. John Smith Archibald]. Venne enseigne de plus le dessin au Conseil des arts et manufactures de la province de Québec de 1902 à 1909, puis de 1910 à 1912.

La vie professionnelle de Venne prend de l’importance à compter de 1910, lorsqu’il gagne un concours d’architecture qui lui permet de concevoir certains des arcs de triomphe du Congrès eucharistique international à Montréal. L’année suivante, il s’annonce dans le Canada ecclésiastique de Montréal comme « l’architecte lauréat des arcs et décorations du Congrès eucharistique sur les rues St-Hubert, Laval et Rachel ». Ce concours lui donne plus particulièrement l’occasion de rencontrer le chanoine Georges-Marie Le Pailleur, curé de la paroisse Saint-Enfant-Jésus, à Montréal, qui lui présente un architecte qu’il favorise, Dalbé Viau. Le Pailleur leur décroche d’ailleurs une première commande commune : la réalisation du nouveau siège social de la Société des artisans canadiens-français de la cité de Montréal. En 1911, Venne reçoit le quatrième prix du concours pour la construction de la Bibliothèque Saint-Sulpice.

Viau et Venne officialisent leur association en 1912 sous le nom de Viau et Venne. Les relations des architectes avec le haut clergé du diocèse de Saint-Hyacinthe et de l’archidiocèse de Montréal (dont le chanoine Le Pailleur) leur permettent d’obtenir plusieurs contrats d’architecture religieuse. De nouvelles paroisses sont fondées dans les quartiers populaires de Montréal et des églises doivent être érigées pour accueillir les nombreux fidèles ; l’architecture religieuse de la firme montréalaise Viau et Venne sera donc essentiellement urbaine. Dans ces paroisses densément peuplées par rapport au milieu rural et qui disposent, par conséquent, de moyens considérables, les architectes peuvent réaliser de grandes et prestigieuses églises. Ils donnent les plans de l’église et du presbytère bâtis en 1913 dans la paroisse Saint-Anselme et de ceux édifiés en 1928–1929 dans la paroisse Notre-Dame-du-Saint-Rosaire. Ils construisent l’église Saint-Athanase à Iberville (Saint-Jean-sur-Richelieu) en 1912–1914, l’église Sainte-Cécile à Trois-Rivières en 1913–1914 et la cathédrale Notre-Dame-de-Fourvières à Mont-Laurier en 1917–1919. Ils restaurent l’église Saint-Denis (à Saint-Denis-sur-Richelieu) en 1922. Les deux architectes remettent également en état des édifices endommagés par des incendies, notamment l’église Saint-Stanislas-de-Kostka à Montréal en 1918, dont Venne a aussi donné les plans originaux en 1911, puis l’église des Saints-Anges-Gardiens de Lachine (Montréal) en 1918 et l’église de La Nativité-de-la-Sainte-Vierge d’Hochelaga, à Montréal, en 1922–1923.

Au chapitre de l’architecture religieuse, l’œuvre la plus importante de la firme Viau et Venne reste l’oratoire Saint-Joseph [V. Alfred Bessette]. L’oratoire fait partie d’une série de vastes édifices religieux construits à flanc de montagne et susceptibles d’attirer des pèlerins, tendance amorcée à la fin du xixe siècle en Europe. Érigé sur le versant nord du mont Royal, l’oratoire comprend une base, la crypte, destinée aux activités religieuses, et une partie haute, couverte d’éléments architecturaux visibles de loin. De style Renaissance, il rappelle la cathédrale Santa Maria del Fiore de Florence, en Italie, et il est bâti principalement avec de la pierre. Les architectes en donnent les plans en 1914. Les travaux s’échelonnent d’abord jusqu’à la fin des années 1920, puis la crise économique des années 1930 nuit considérablement à l’autofinancement du projet. Les activités reprendront en 1937 afin, notamment, de poser le dôme, dont un nouveau plan a été réalisé par l’architecte français Paul Bellot. Par ce changement, la Congrégation de Sainte-Croix, responsable de l’administration de l’oratoire, privilégie une architecture plus dépouillée. De plus, certains examinateurs doutent que le dôme dessiné par Viau et Venne puisse être fabriqué sans danger. L’aspect général de l’oratoire demeure toutefois harmonieux et, pour le reste, respecte les plans originaux des architectes montréalais.

Dans le Canada ecclésiastique de 1911, Venne s’est aussi présenté, avec raison, comme spécialiste des édifices religieux et scolaires. Il construit en effet plusieurs écoles, couvents et collèges, dont des engagements conclus par Viau avant leur association. Avec la forte augmentation de la population, l’amélioration du financement des commissions scolaires, l’importance des communautés religieuses et l’instauration de normes de construction précises, les commandes ne manquent pas pour plusieurs firmes d’architectes montréalaises, dont celle de Viau et Venne. Ces derniers obtiennent entre autres les contrats du collège Saint-Romuald à Farnham (1913–1914), de l’école Lajoie à Outremont (Montréal) et de l’académie Laurier, à Montréal (1914), du Mont-de-La-Salle à Laval-des-Rapides (Laval) (1915–1917) et de l’académie Saint-Viateur à Joliette (1918–1919). Bien que cet aspect de leur production ne soit pas majeur, Venne et Viau se voient aussi confier quelques projets d’architecture civile : la caserne de pompiers et le poste de police de l’avenue Boyce (avenue Pierre-De Coubertin), à Montréal, et l’hôtel de ville de Lachine.

À l’époque où Venne exerce sa profession, les architectes nord-américains veulent donner une facture européenne à leurs édifices et, selon les sommes mises à leur disposition, reprennent presque toutes les formes utilisées dans les siècles passés. Dans le cas des établissements scolaires, par exemple, Viau et Venne dessinent les plans en fonction des devis ; seule l’enveloppe fait l’objet d’une certaine créativité, laquelle est soumise aux contraintes du budget. L’ornementation se concentre sur la façade, autour de la porte d’entrée et des fenêtres, et rappelle les motifs de l’architecture classique d’inspiration Beaux-Arts. Les partenaires tentent aussi de donner un caractère distinctif en utilisant des matériaux de différentes tailles et couleurs. Comme c’est le cas pour d’autres architectes de leur génération, Viau et Venne ont un style qui n’est ni inventif ni spectaculaire. Ils obéissent aux devis, ne courent aucun risque et font un travail honnête.

Au cours des années 1920, Venne et Viau sont à l’apogée de leur carrière. Ils exécutent d’importantes commandes de communautés religieuses montréalaises, souvent obtenues grâce à leurs relations ou à leurs liens familiaux. Ils réalisent le plus grand couvent de l’époque, soit la maison mère des Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie à Outremont, de 1923 à 1925. Ils donnent les plans du nouvel édifice de l’hôpital du Sacré-Cœur à Montréal, bâti en 1924–1925 et dirigé par les Sœurs de la charité de la Providence. Ils construisent dans la même ville, sur le même modèle, le pavillon Bourget de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu en 1926–1928, autre établissement des Sœurs de la charité de la Providence, et, en 1927–1928, en collaboration avec l’architecte Alphonse Piché, le collège Jean-de-Brébeuf, administré par la Compagnie de Jésus.

Louis-Alphonse Venne est l’héritier de Perrault, architecte réputé de la fin du xixe siècle à Montréal. Il a occupé une place de premier plan au sein de la firme qu’il a fondée avec Viau ; ses réalisations antérieures à leur association le confirment. Venne, ainsi que son partenaire Viau, fait partie d’un groupe restreint d’architectes qui ont marqué la production de leur temps, essentiellement dominée par les institutions religieuses catholiques. Leurs constructions étaient solides, témoignaient d’une adaptation aux besoins et respectaient les commandes. De plus, à cause de leurs formes, leurs bâtiments s’inséraient avec succès dans la production architecturale internationale, leur utilisation du style Beaux-Arts restant la plus efficace et la plus élégante. Venne et Viau ont produit des édifices imposants, qui ont façonné le paysage. La firme montréalaise concurrente de Louis-Zéphirin Gauthier* et Joseph-Égilde-Césaire Daoust n’a jamais connu le même succès.

Raymonde Gauthier

BAnQ-CAM, CE601-S51, 24 août 1875.— FD, Notre-Dame (Montréal), 26 juin 1900.— La Presse, 5 nov. 1913, 23 juill. 1914, 17 janv. 1934.— Le Prix courant (Montréal), 1906–1918.— Annuaire, Montréal, 1892–1938.— BCF, 1920.— Communauté urbaine de Montréal, Service de la planification du territoire, Architecture civile (2 vol., Montréal, 1980–1981), 1 (les Édifices publics) ; 2 (les Édifices scolaires) ; Architecture religieuse (2 vol., Montréal, 1981–1984), 1 (les Églises) ; 2 (les Couvents).— Raymonde Gauthier, Construire une église au Québec : l’architecture religieuse avant 1939 (Montréal, 1994) ; la Tradition en architecture québécoise : le xxe siècle (Québec, 1989).— André Laberge, « Transcender le style et la fonction : l’architecture religieuse de Viau et Venne (1898–1938) » (thèse de ph.d., univ. Laval, 1990).— Montréal métropole, 1880–1930, sous la dir. d’Isabelle Gournay et France Vanlaethem ([Montréal], 1998).— Luc Noppen, les Églises du Québec (1600–1850) (Québec, 1977).— Who’s who and why, 1917–1921.— Who’s who in Canada, 1922–1929.

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Raymonde Gauthier, « VENNE, LOUIS-ALPHONSE (Alphonse) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/venne_louis_alphonse_16F.html.

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Auteur de l'article:    Raymonde Gauthier
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2016
Année de la révision:    2016
Date de consultation:    10 oct. 2024