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SHAW, LORETTA LEONARD, professeure, missionnaire, conférencière et auteure, née le 19 juillet 1872 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, fille d’Arthur Neville Shaw, fabricant de voitures, et de Margaret E. Hilyard ; décédée célibataire le 29 juillet 1940 dans sa ville natale.
Loretta Leonard Shaw grandit à Saint-Jean et y fréquenta la Victoria School, où elle obtint son diplôme avec distinction. De 1890 à 1894, elle se spécialisa en langues modernes à la University of New Brunswick de Fredericton. Le prix d’anglais J. D. Hazen lui fut décerné en 1891. Dans sa dernière année, elle reçut la médaille d’or Douglas pour une composition anglaise et obtint sa licence d’anglais, de français et d’allemand avec mention très bien.
Mlle Shaw entra en 1895 à la Training School for Teachers de Cambridge, au Massachusetts, et termina le cours l’année suivante avec les meilleures notes obtenues jusque-là aux Boston Board of High School Examinations. Même si son brevet la rendait admissible au poste de directeur d’une école secondaire à Boston, elle enseigna durant sept ans dans des grammar schools de Cambridge.
De retour à Saint-Jean en 1904, Mlle Shaw chercha une façon de réaliser son désir de se consacrer au travail missionnaire. Sa famille appartenait à l’Église méthodiste wesleyenne, mais ce fut la Société des missions de l’Église anglicane en Canada qui accepta sa candidature. Partie pour le Japon dans le courant de l’année, Mlle Shaw fut postée à Ōsaka dès avril suivant et nommée à l’école pour filles Bishop Poole Memorial School. Avant d’assumer ses fonctions d’enseignante, elle apprit le japonais ; en un an, elle termina le cours d’une durée habituelle de deux ans. À la fois internat et externat, la Bishop Poole Memorial School avait, disait-on, un « palmarès extraordinaire ». Le nombre d’élèves passa de 50 à 500 au cours des années de service de Mlle Shaw (1905–1919, 1923–1932), malgré le peu d’importance que la société japonaise accordait à l’instruction des filles. Au début des années 1920, la professeure nota : « sous l’influence des vieux idéaux quant à l’infériorité et à la soumission des femmes, ils [les hommes japonais] ont conçu le programme en présumant que les filles n’ont pas les mêmes capacités intellectuelles, [le même] potentiel de développement ou [la même] motivation pour l’étude que les garçons ». Elle condamna le « principe injuste [d’imposer] des exigences moindres aux filles », qu’elle qualifia de « malavisé et immoral ».
En 1919, Loretta Leonard Shaw avait dû interrompre sa carrière à Ōsaka pendant trois ans, car elle avait été prêtée à la Church Missionary Society pour travailler dans le diocèse du centre du Japon. Après la mort de son père, survenue en 1923, elle prit un congé au Canada. À Saint-Jean, elle s’engagea à fond dans la Woman’s Auxiliary de la Société des missions de l’Église anglicane en Canada [V. Roberta Elizabeth Odell*] qui œuvrait à l’église anglicane St Luke. Elle donnait des conseils sur diverses questions, notamment les classes d’étude, et elle recevait des dons des églises St Luke et St John (Stone). C’était là une source de subsistance courante pour les missionnaires, souvent mal payés.
Mlle Shaw s’employait à présenter la société japonaise aux Canadiens en donnant des conférences et en faisant paraître des articles et des lettres dans des publications tels le Mission World et le Living Message. Durant ses congés au Canada, elle était très sollicitée pour ses conférences. À Saint-Jean, elle prit la parole devant des organismes comme les United Women’s Missionary Societies et la Natural History Society of New Brunswick. Elle prononça aussi des allocutions devant des groupes d’autres provinces, par exemple le Club canadien de Montréal. Son désir, disait-elle, était de « favoriser l’amitié et la compréhension entre les habitants de son propre pays et ceux de son pays d’adoption ». Ses nombreux écrits sur l’actualité nippone et sur des questions précises comme l’avancement des femmes témoignent de sa connaissance de la politique, des préoccupations sociales et des questions économiques. En 1922, dans son livre Japan in transition, elle affirma que « les femmes du Japon [avaient] une grosse dette de reconnaissance envers les sociétés missionnaires » pour leur contribution à l’instruction des filles et, donc, à la capacité des diplômées de gagner leur vie. D’après l’historien A. Hamish Ion, les enseignantes missionnaires montraient à leurs élèves que le mariage n’était pas la seule voie : « les femmes célibataires pouvaient mener une vie épanouissante et […] l’enseignement était une profession valable et plaisante ».
Loretta Leonard Shaw offrit aux Canadiens des exemples de la culture nippone en donnant des objets – œuvres d’art, costumes, accessoires, textiles, poupées, maquettes, jouets, pièces de monnaie, livres et photographies – au musée de la Natural History Society of New Brunswick, puis au Musée du Nouveau-Brunswick, qui lui succéda. En janvier 1924, environ 150 de ces articles, avec d’autres objets asiatiques, furent présentés à Saint-Jean dans une exposition intitulée « Oriental Exhibition » qui remporta un grand succès. Cet événement fut déterminant dans la constitution de la collection asiatique de la Natural History Society. Le Musée du Nouveau-Brunswick conserve plus de 400 des objets acquis par Mlle Shaw. La plupart sont d’origine nippone, mais d’autres proviennent de pays qu’elle visita sur le trajet entre le Canada et le Japon. Elle passa plusieurs mois en Terre sainte et se rendit en Mandchourie (république populaire de Chine), en Russie, en Norvège, en Allemagne, en France et en Angleterre. On croit que, au total, elle fit deux fois le tour du monde.
En 1932, Loretta Leonard Shaw devint responsable de la section de littérature pour femmes et enfants au sein de la Christian Literature Society of Japan, ce qui lui permit de faire connaître la littérature occidentale aux Japonais. Sise à Tokyo, cette organisation œcuménique publiait des ouvrages « bons et sains » à l’intention de la jeunesse et distribuait des magazines chrétiens pour contrer l’effet des « traductions des pires [spécimens de la] littérature européenne et américaine » dont, selon Mlle Shaw, le Japon était inondé. Pendant son séjour à Tokyo, qui dura jusqu’en 1939, elle fit un simple geste de générosité qui eut de grandes répercussions. Elle donna un exemplaire du roman Anne of Green Gables de Lucy Maud Montgomery* à Hanako Muraoka, ancienne élève de la Tōyō Eiwa Jo Gakkō, l’école pour filles fondée par la Woman’s Missionary Society de l’Église méthodiste canadienne. La traduction qu’en fit Hanako Muraoka, publiée en 1952, fut à l’origine de l’affection durable des Japonais pour ce classique canadien.
Au début de 1939, Loretta Leonard Shaw était en piètre santé et, comme d’autres missionnaires étrangers, elle sentait l’imminence de la guerre. Elle rentra donc au pays. Emportée par le cancer le 29 juillet 1940, à l’âge de 68 ans, elle fut inhumée au cimetière Fernhill de Saint-Jean. Elle laissait le souvenir d’une personne aimable, compréhensive et compatissante, considérée, selon l’Evening Times-Globe, « comme un homme d’État en raison de sa connaissance des relations internationales et de son aptitude à exposer clairement les causes sous-jacentes aux tendances dans les affaires internationales en Orient ».
L’ouvrage le plus important de Loretta Leonard Shaw est Japan in transition (Londres, 1922 ; New York, [1922]), dont une édition canadienne a été publiée à Toronto en 1923. Entre 1905 et 1937, elle a également écrit de nombreux articles pour les publications Church of England, notamment pour New Era (Toronto), Letter Leaflet (Toronto) et son successeur, Living Message (Petrolia, Ontario), et Mission World (Toronto). Une bibliographie complète de son œuvre est conservée dans son dossier au DCB.
Nous souhaitons exprimer notre gratitude à Nicole Brouillet, adjointe à la conservation au Musée du N.-B. de Saint-Jean, pour son importante contribution à cette biographie. Nous remercions tout spécialement : Univ. of N.-B. Library, Arch. and Special Coll. Dept. (Fredericton), APNB, Église anglicane du Canada, General Synod Arch. (Toronto) et Cambridge Hist. Soc. (Cambridge, Mass.).
Arch. privées, Andrea Kirkpatrick (Saint-Jean), Dorothy Kealey, « Handwritten biographical notes, General Synod Archives » (s.d.).— Univ. of N.-B. Library, Arch. and Special Coll. Dept., MG H113.— « Amazing progress in modernization of Japan described : Saint John woman, 20 years a missionary, gives fine address here », Telegraph-Journal (Saint-Jean), 16 déc. 1930.— « By Japanese artists of note », Saint John Globe, 1er févr. 1924.— « Miss L. L. Shaw passes away in 69th year », Evening Times-Globe (Saint-Jean), 30 juill. 1940.— Biographical review […] of leading citizens of the province of New Brunswick, I. A. Jack, édit. (Boston, 1900).— « Mie Muraoka’s speech at the reception held by the Dept. of Tourism Parks in PEI in 1989 » : club.pep.ne.jp/~r.miki/speech_j.htm (consulté le 13 mars 2007).
Andrea Kirkpatrick, « SHAW, LORETTA LEONARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 15 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/shaw_loretta_leonard_16F.html.
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Auteur de l'article: | Andrea Kirkpatrick |
Titre de l'article: | SHAW, LORETTA LEONARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
Date de consultation: | 15 oct. 2024 |