L’officier Pierre Dugué de Boisbriand (mort en 1736), protégé du gouverneur Frontenac, fait ses premières armes en Nouvelle-France dans des campagnes contre des établissements anglais à Terre-Neuve et à la baie d’Hudson. Envoyé en Louisiane dès 1699, aux côtés de son cousin Pierre Le Moyne d’Iberville, il participe à plusieurs missions au pays des Illinois, notamment auprès des Autochtones, et à la construction de forts, dont celui de Chartres. Dugué est nommé major de la Louisiane en 1716, puis gouverneur en 1724.

DUGUÉ DE BOISBRIAND, PIERRE, officier du gouverneur général de la Nouvelle-France Louis de Buade* de Frontenac et son protégé, commandant au pays des Illinois, baptisé le 21 février 1675 à Ville-Marie (Montréal) ; deuxième fils de Michel-Sidrac Dugué* de Boisbriand, seigneur de Mille-Îles, et de Marie Moyen Des Granges, décédé en France le 7 juin 1736.

C’est sous l’égide du comte de Frontenac que Dugué fit ses premières armes dans la carrière militaire avec le grade d’enseigne réformé dans les troupes de la marine. En 1694, il fut promu enseigne en pied puis, en 1695, reçut sa première assignation militaire en qualité de commandant en second du capitaine Pierre de Saint-Ours. L’année suivante, il était de l’expédition de son cousin, Pierre Le Moyne d’Iberville, qui alla attaquer les établissements anglais de Terre-Neuve. Le dernier engagement contre les Anglais auquel Dugué prit part eut lieu en 1697 ; il faisait alors partie de l’expédition d’Iberville qui avait mission de reprendre le fort York (fort Bourbon) à la baie d’Hudson. L’escadre partit de Plaisance (Placentia) et, après un voyage pénible, Iberville réussit à vaincre une escadre de trois navires de guerre anglais et contraignit Henry Baley, le commandant du fort, à capituler. Iberville retourna alors en France et confia le commandement du fort à son frère Joseph Le Moyne de Serigny, vraisemblablement avec Dugué pour lieutenant.

Après le traité de Ryswick, en septembre 1697, Dugué fut rappelé en France. Dans l’intervalle, Iberville s’était rendu jusqu’à l’embouchure du Mississippi, afin de poursuivre les explorations de René-Robert Cavelier* de La Salle. Il y fit un autre voyage en 1699 et Dugué l’accompagna en qualité d’officier de marine, sur la frégate Renommée. Iberville érigea le fort Mississippi, sur la baie Biloxi, et le plaça sous les ordres du sieur de Maltot et de Louis Denys* de La Ronde. Par la suite, ceux-ci furent remplacés par Jean-Baptiste Le Moyne* de Bienville, un autre frère d’Iberville. En août 1699, un ordre royal vint confirmer la nomination de Dugué au poste de major de Biloxi.

Les deux frères Le Moyne fondèrent Mobile en 1702 et plusieurs officiers, dont Dugué de Boisbriand, obtinrent des concessions de terrains sur l’emplacement de la future ville. Deux ans plus tard, obéissant aux ordres de Bienville, Dugué escorta 70 Chicachas à une conférence de paix avec les Chactas, mais ces derniers tuèrent les envoyés chicachas en présence de Dugué et de ses 25 soldats français. Dugué ayant été blessé au cours du combat, les Chactas s’efforcèrent de lui témoigner leur regret de l’incident et lui accordèrent une escorte de 300 guerriers pour rentrer à Mobile. Bien qu’on ne sache rien de Dugué pendant les dix années qui suivirent, il semble qu’il vécut à Mobile. Bienville fut nommé gouverneur en 1714 et il assuma lui-même le commandement des forts Natchez et Saint-Jérôme. Le gouverneur avait l’intention de placer ce dernier fort sous le commandement de Dugué, mais on le confia finalement au capitaine Louis Poncereau de Chavagne de Richebourg.

Dugué fut nommé major de la Louisiane en 1716 et commandant de Mobile et de la région environnante l’année suivante ; on lui accorda alors un congé pour retourner en France. À Paris, on l’accueillit comme un homme d’une haute importance. La Compagnie d’Occident venait justement de se porter acquéreur du monopole de commerce d’Antoine Crozat qui s’étendait sur un territoire allant du pays des Illinois jusqu’à la côte, et les directeurs de la compagnie étaient à la recherche de gens capables de les conseiller. C’est ainsi que, au printemps de 1718, Dugué retourna en Louisiane à bord de la Duchesse de Noailles nanti d’une commission de premier lieutenant de roi et d’un siège au conseil de la Louisiane ; quelques mois plus tard, il devenait commandant du pays des Illinois. En décembre de la même année, avec un fort détachement de soldats et quelques mineurs qui partaient à la recherche de gisements miniers, Dugué se mit en route pour la mission jésuite de Kaskaskia. Il arriva à bon port le 13 mai 1719. L’année suivante, il construisit le fort de Chartres, à 16 milles au nord-ouest de Kaskaskia. Il y demeura plusieurs années et malgré son infirmité – il était bossu – il devint populaire auprès des Autochtones car il échangeait avec eux et leur portait beaucoup d’intérêt. Il chercha à pénétrer plus avant dans l’intérieur du pays, mais les conflits autochtones, l’augmentation du prix des approvisionnements et les difficultés qu’il eut avec Philippe de Rigaud de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France, l’en empêchèrent.

Vers 1720, la Compagnie des Indes, qui avait absorbé la Compagnie dOccident, connaissait de graves difficultés, en grande partie à cause de querelles intestines. Accusé d’avoir mal administré la colonie, Bienville retourna en France en 1724 et Dugué assuma la charge de gouverneur. Il ne devait pas conserver ce poste très longtemps car on porta aussi des plaintes contre lui ; de plus, il refusa de collaborer avec Jacques de La Chaise, qui était venu faire enquête, ce qui entraîna son rappel. En France, il fut blâmé, dégradé et banni du service du roi. Louis XV lui accorda toutefois une pension de 800# en 1730. Il mourut en France, le 7 juin 1736. Malgré ce qu’a écrit Mgr Cyprien Tanguay, il ne s’était jamais marié.

W. Stanford Reid

AE, Mém. et doc., Amérique, I, ff.5–8.— AN, Col., B, 29, 35 ; Col., C13A ; Marine, B2 ; Marine, B4.— Découvertes et établissements des Français (Margry), V : 587–672.— MPA (Rowland et Sanders).— Tanguay, Dictionnaire, I : 210.— Alvord, The Illinois country.— N. M. Belting, Kaskaskia under the French régime (« University of Illinois studies in the social sciences », XXIX, no 3, Urbana, 1948).— Giraud, Histoire de la Louisiane française, passim.— O’Neill, Church and State in Louisiana.— E. E. Rich, The History of the Hudson’s Bay Company (« Hudson’s Bay Record Society Publications », XXI, XXII, Londres, 1958–59), I.— Benjamin Sulte, Michel-Sidrac Dugué, sieur de Boisbriand, BRH, X (1904) : 221–223.— La famille Du Gué de Boisbriand, BRH, XXIV (1918) : 193–200.

Bibliographie de la version révisée :
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Montréal, CE601-S51, 21 févr., 1675.— Les Officiers des troupes de la marine au Canada, 1683–1760, sous la dir. de Marcel Fournier (Québec, 2017) : 346347.

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W. Stanford Reid, « DUGUÉ DE BOISBRIAND, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 avr. 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/dugue_de_boisbriand_pierre_2F.html.

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Auteur de l'article:    W. Stanford Reid
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
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