ESTERHÁZY, PÁL OSZKÁR (Paul Oscar) (né Johannes Baptista Vintetius Packh, connu communément sous le nom de János Packh ; en Amérique du Nord, il signait Paul O. d’Esterházy), officier, homme d’affaires et agent d’immigration, né le 30 septembre 1831 à Esztergom (Hongrie), fils de Johannes Baptista Packh et de Maria Krotky ; en mai 1852, il épousa à Londres Catherine Verran, et ils eurent un fils et une fille, puis en 1867, en Hongrie, Emily Prendeville (décédée en 1868), et de ce second mariage naquit un fils, et enfin, le 25 décembre 1871, à New York, Anna Brady, avec qui il n’eut pas d’enfants ; décédé le 3 octobre 1912 à New York.

Une aura de mystère entoure les origines de Pál Oszkár Esterházy. À sa naissance, on murmura que ce garçon, appelé János Packh, était le fils du comte Nicolas Esterházy. Il prit d’ailleurs le nom d’Esterházy en 1867 et affirma dès lors être le fils du comte, prétention reconnue par certaines autorités autrichiennes et hongroises mais non par la famille Esterházy.

L’énigme ne s’arrête pas là. Les parents d’Esterházy appartenaient tous deux à des familles distinguées, et son père, fameux architecte, avait conçu notamment la basilique d’Esztergom. Quand János avait huit ans, son père fut assassiné. L’homme arrêté pour le crime impliqua la mère de János, qui passa un an en prison avant que l’accusé modifie sa version des faits et la disculpe entièrement. Au cours de ces événements, János vécut d’abord chez des parents de son père à Vienne puis étudia à Esztergom auprès d’un oncle, prêtre catholique de haut rang.

Esterházy servit dans l’armée hongroise pendant la révolution de 1848–1849 et, après la répression autrichienne, il se joignit au flot de Hongrois qui se réfugièrent en Turquie. En 1850, il s’installa à Londres, où il épousa Catherine Verran. Il obtint en 1856 un brevet de lieutenant dans la Légion germano-britannique et servit en Afrique du Sud et en Inde avant de devenir officier payeur (avec le grade de capitaine) dans le 5th West India Régiment en 1863. Trois ans plus tard, tandis qu’il occupait le poste d’officier payeur dans le 3rd West India Régiment, l’armée l’expulsa : il s’était absenté sans permission parce qu’il entretenait une liaison avec celle qui deviendrait sa deuxième femme, Emily Prendeville.

Après son départ des Antilles, Esterházy retourna d’abord en Hongrie, puis s’établit en 1868 aux États-Unis et trouva à New York une place d’agent fédéral de l’immigration. Une nouvelle toi fédérale qui réservait les postes de l’administration publique aux citoyens américains le priva de son emploi en 1870. Jusqu’en 1885, il travailla dans les assurances, puis pour une société minière. Au cours de ses années aux États-Unis, il voyagea beaucoup et publia des articles sur ses voyages sous le nom de Paul Sarlay. À New York, il participa à la fondation de la First Hungarian Presbyterian Church, du journal de langue hongroise Amerikai Nemzetőr (Sentinelle nationale américaine) et de la First Hungarian-American Colonization Company.

En 1885, la Compagnie. du chemin de fer canadien du Pacifique invita Esterházy à l’aider à réinstaller dans l’Ouest canadien des immigrants austro-hongrois établis aux États-Unis. La même année, après plusieurs rencontres avec des fonctionnaires à Ottawa, Esterházy entreprit ses activités d’agent d’immigration ; il était employé à la fois par le gouvernement et par le chemin de fer. Avec un associé, Géza Dőry, il se rendit à Winnipeg, puis, après que le Parlement eut approuvé ses projets d’établir des Hongrois dans des régions désignées, il commença à organiser l’immigration vers ces terres qui, espérait-il, deviendraient une « Nouvelle-Hongrie ». Installé à Pittsburgh, il fonda la Hungarian Immigration and Colonization Aid Society, dont le but était de recruter des mineurs hongrois de Pennsylvanie et, par la suite, des paysans hongrois de l’Autriche-Hongrie. Les premières familles quittèrent la Pennsylvanie pour le Canada pendant l’été de 1885 et fondèrent une colonie près de Minnedosa, au Manitoba, à un endroit qui prendrait le nom de Huns Valley. L’année suivante, un autre groupe d’immigrants implanta une autre colonie, bientôt appelée Esterhaz (Esterhazy), dans la vallée de la Qu’Appelle, dans les Territoires du Nord-Ouest. La seconde colonie serait la plus florissante.

En 1887, Esterházy cessa de toucher son salaire d’agent d’immigration, et sa terre au Manitoba fut expropriée parce qu’il ne l’avait jamais cultivée. Apparemment, il ne résida pas longtemps dans l’Ouest canadien, mais il continua d’organiser l’immigration vers la colonie d’Esterhaz, et les colons – impressionnés, comme d’autres, par ses manières d’aristocrate et sa facilité pour les langues – faisaient appel à lui chaque fois qu’ils avaient besoin d’assistance dans leurs relations avec le gouvernement. De 1890 à 1895, il aida à installer des immigrants hongrois dans diverses régions des États-Unis. Il vécut à New York de 1896 à 1902, année où il convainquit le gouvernement du Canada d’accepter un autre de ses projets. Cette fois, sa mission consistait à se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest et à rédiger en anglais et en hongrois un opuscule sur sa colonie pour encourager d’autres immigrants hongrois à s’installer dans les Prairies.

Esterházy arriva dans l’Ouest le 9 juillet et repartit le 20. Son opuscule parut plus tard dans l’année – on en imprima 10 000 exemplaires en anglais et 25 000 en hongrois – et fut reproduit aussi dans le Nor’West Farmer de Winnipeg. Quelques pages seulement étaient de lui ; le reste était fait de déclarations de colons et de photographies de leurs maisons. Tout en s’avouant très agacé par les « m... moustiques » de l’Ouest, Esterházy affirmait que la région était un foyer idéal pour les immigrants hongrois. « Ici, écrivait-il, un peuple libre et industrieux trouvera une existence heureuse et prospère, et l’agriculture, si longtemps freinée par la dureté d’autres sols et d’autres climats, se développera jusqu’à la perfection. »

Malgré des promesses antérieures, Esterházy n’obtint pas d’autre emploi du gouvernement canadien, mais il resta agent d’immigration auprès de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique jusqu’en 1904. Il retourna à New York, où il connut des ennuis de santé et des difficultés financières jusqu’à son décès en 1912.

Huns Valley ne dura pas en tant que colonie hongroise, mais Esterhaz prospéra et, avec le temps, elle devint le noyau à partir duquel les communautés hongroises essaimèrent dans d’autres parties de la Saskatchewan. Ses habitants, au nombre de 900 en 1902, étaient des fermiers exemplaires : selon l’opuscule d’Esterházy, l’établissement comptait alors 14 000 acres de terres en culture, 2 500 têtes de bétail et 1 200 porcs, et la production céréalière avait atteint 200 000 boisseaux en 1901. Les colons importèrent même une espèce de perdrix que l’on appelle aujourd’hui perdrix de Hongrie.

Avant la Première Guerre mondiale, on donnait à la Saskatchewan le surnom de « Petite Hongrie » du Canada, en partie en hommage aux efforts de colonisation de Pál Oszkár Esterházy.

Steven Tötösy de Zepetnek

Le texte intitulé « Report on Hungarian colonization » rédigé par Pál Oskár Esterházy figure dans le rapport du ministre de l’Agriculture pour l’année 1885 dans Canada, Parl., Doc. de la session, 1886, no 10, et son opuscule intitulé The Hungarian colony of Esterhaz, Assiniboia, North-West Territories, Canada [...] (Ottawa, 1902) est reproduit dans M. L. Kovacs, Esterhazy and early Hungarian immigration to Canada ; a study based upon the Esterhazy immigration pamphlet (Regina, 1974). On trouve la correspondance rédigée par Esterházy ou celle qui le concerne dans les archives des départements fédéraux de l’Agriculture (AN, RG 17) et de l’Intérieur (AN, RG 15), 1885–1902.

G. [V.] Dojcsák, A kanadai Esterházy története [l’histoire du Canadien Esterházy] (Budapest, 1981) ; « The mysterious Count Esterhazy », Sask. Hist., 26 (1973) : 63–72.— N. F. Dreisziger et al., Struggle and hope : the Hungarian-Canadian experience (Toronto, 1982).— Bakó Ferenc, Kanadai magyarok [Canadiens hongrois] (Budapest, 1988).— M. L. Kovacs, « From industries to farming », Hungarian Studies Rev. (Ottawa), 8 (1981) : 45–60 ; « Hungarian communities in early Alberta and Saskatchewan », dans The new provinces : Alberta and Saskatchewan, 1905–1980 ; 12th Western Studies Conference, Howard Palmer et Donald Smith, édit. (Vancouver, 1980), 101–130.— Magyarország vármegyéi és városai, Magyarország monográfiája [...] [Les comtés et les villes de la Hongrie, monographie de la Hongrie ...], Samu Borovszky et al., édit. (21 vol. en 23 parties, Budapest, 1894–[1913]), 5 : 169.— Jen_ Ruzsa, A kanadai magyarság története [histoire des Canadiens hongrois] (Toronto, 1940).— D. E. Willmott, « Ethnic solidarity in the Esterhazy area, 1882–1940 », dans Ethnic Canadians : culture and education, M. L. Kovacs, édit. (Regina, 1978), 167176.

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Steven Tötösy de Zepetnek, « ESTERHÁZY, PÁL OSZKÁR (Paul Oscar) (Johannes Baptista Vintetius Packh, János Packh, Paul O. d’Esterházy) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/esterhazy_pal_oszkar_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    21 nov. 2024