ROCHETTE, CLÉOPHAS, homme d’affaires et homme politique, né vers 1843, probablement à Pointe-aux-Trembles (Neuville, Québec), fils d’Olivier Rochette et de Rose Laliberté ; il épousa Malvina Brulotte, et ils eurent sept enfants ; décédé le 22 octobre 1895 à Québec.

Vers l’âge de 20 ans, Cléophas Rochette vient s’établir à Québec. Tout comme ses frères, Gaspard et Olivier, il s’installe rue Saint-Vallier et travaille dans le secteur de la tannerie. En 1871, la tannerie de Cléophas produit pour 25 000 $ de peaux et emploie 13 ouvriers. La valeur de cette production se compare difficilement à celle des cinq principaux tanneurs de Québec qui se chiffre à cette époque entre 41 600 $ et 64 000 $.

À l’automne de 1875, Rochette acquiert la tannerie de John Rochette (prénommé aussi Jean-Baptiste ou Jean-Michel), l’un des plus gros tanneurs de Québec, victime de la crise économique qui sévit alors, et qui avait fait faillite. L’aire de production est constituée d’un immeuble de trois étages rue Saint-Vallier, qui sert de boutique principale, d’un second bâtiment qui abrite une machine de dix chevaux-vapeur ainsi que de hangars ; ces dépendances sont toutes situées rue Demers, dans Saint-Sauveur. La machinerie dont dispose Cléophas Rochette est pour le moins artisanale. Outre la machine à vapeur, il a un moulin à tan, une table à piquer avec quatre rouleaux, deux poêles et des instruments pour tailler et cheveler le cuir. Les lots, les immeubles et l’équipement ont nécessité des déboursés de 2 000 $, prêtés par son frère Gaspard.

Rochette se spécialise alors dans l’un des sous-secteurs de l’industrie de la chaussure : la fabrication des fausses semelles, des renforts et des talons. Au cours des années 1880, il devient l’un des chefs de file dans ce secteur, tout comme la succursale montréalaise de la H. J. Fisk and Company qui s’est établie à Québec au cours de cette période. Les deux firmes se font concurrence sur le marché local, mais elles ne semblent pas se nuire, puisqu’en 1891 elles présentent une capitalisation évaluée entre 20 000 $ et 35 000 $. La présence de Rochette sur le marché montréalais semble peu importante ; elle se résume aux quelque 1 200 $ de marchandises placées en consignation chez un marchand de cuir. Sa production ne s’écoule pratiquement que sur le marché de Québec. Ses sources d’approvisionnement ne sont guère plus diversifiées. Même s’il se procure des rebuts de cuir en Ontario, ses principaux fournisseurs demeurent son frère Gaspard et d’autres tanneurs et corroyeurs de Québec.

Rochette est un petit industriel qui assure son financement à court terme au moyen de billets à ordre tirés au nom de son frère Gaspard, de Félix Goudreau et de François-Xavier Drolet*. Ces billets, qui dépassent rarement 400 $, lui permettent d’acheter la matière première ou de payer les innovations technologiques qu’il a conçues et dont la réalisation a été confiée à Drolet ou à d’autres firmes de machinistes. Les sommes plus importantes semblent fournies par Gaspard grâce au même procédé. Ainsi, entre juillet et octobre 1895, ce dernier endosse et garantit pour près de 13 200 $ en billets à ordre.

En 1887, Rochette diversifie ses activités en achetant une briqueterie, pourvue d’une machine à vapeur avec chaudière, arbres de couches et poulies. Deux presses à briques, une presse à estamper, différents moules, des tuyaux à eau, des brouettes, voiturettes et traîneaux complètent l’équipement nécessaire à la production. Les débouchés se limitent au marché local.

Rochette apparaît comme un homme d’affaires dynamique aux ambitions modestes. À sa mort, la machinerie de sa fabrique de fausses semelles, de renforts et de talons est évaluée à 5 590 $. Les deux machines à vapeur et les chaudières représentent environ 30 % de ce capital fixe ; le reste est constitué de diverses machines-outils, notamment six presses hydrauliques et une pompe. L’inventaire de sa briqueterie, qui totalise 1,8 million de briques, est évalué à 7 200 $. Son portefeuille d’actions et ses avoirs bancaires s’avèrent peu importants. Il ne dispose que de 57 $ dans deux comptes d’épargne. Ses valeurs mobilières sont également peu importantes. Il possède deux actions de 50 $ dans une beurrerie de Cap-Santé, quatre de 5 $ dans une association athlétique de Saint-Roch et une de 100 $ dans une affaire d’élevage chevalin. Il a aussi investi 125 $ dans une entreprise ostréicole. En fait, ses seuls biens mobiliers d’importance consistent en trois polices d’assurance qui totalisent 20 000 $.

Néanmoins, Cléophas Rochette fait partie de l’élite de Saint-Sauveur. Il est membre pendant plusieurs années du conseil municipal. Il parvient même à négocier une exemption de taxes municipales pour son entreprise peu avant l’annexion de Saint-Sauveur à Québec. Cette entente, d’ailleurs reconduite pour quatre années (1889–1893), figure dans le règlement d’annexion de 1889. Le passage du statut de village à celui de quartier de la cité sonne toutefois le glas de sa carrière politique. De toute évidence, il est évincé de ce qui constituait l’une de ses seules sphères d’influence.

Jean Benoit

AC, Québec, Minutiers, Joseph Savard, 2 nov. 1895.— ANQ-Q, CE1–1, 25 nov. 1834 ; CE1–22, 28 oct. 1861, 10 juin 1862, 25 oct. 1895.— AVQ, Annexion Saint-Sauveur, 1855–1889, conseil, procès-verbaux, 5 oct. 1885, 22 août 1886, 14 oct., 5 déc. 1887 ; secrétaire trésorier, 5 avril, 15 juin 1887, 11 mars, 5 avril 1889 ; Conseil, conseil de ville, règlements de la ville, no 286, art. 19, 30 août 1889.— BE, Québec, reg. B, 103, no 45983 ; 106, no 48120 ; 130, no 61666 ; 180, no 95356.— L’Événement, 22 oct. 1895.— La Presse, 23 oct. 1895.— Quebec directory, 1862–1867.— Jean Benoit, « le Développement des mécanismes de crédit et la Croissance économique d’une communauté d’affaires ; les marchands et les industriels de la ville de Québec au xixe siècle » (thèse de ph.d., univ. Laval, 1986).

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Jean Benoit, « ROCHETTE, CLÉOPHAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rochette_cleophas_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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