DUVAL, CHARLES (baptisé Jean ; jusqu’en 1795 au plus tard, il signait Charle), orfèvre, né le 4 avril 1758 à Québec, fils de Pierre Duval et de Françoise-Élisabeth Panneton ; on perd sa trace après 1828.

À l’automne de 1775, lors d’un recensement de la population anglophone de Québec, Charles Duval, âgé de 17 ans, est apprenti chez son beau-frère George McClure (Maclure). Charles a vraisemblablement fait l’apprentissage de son métier d’orfèvre à Québec, peut-être avec Joseph Schindler* ou Jean-Nicolas Amiot, qui signent tous deux comme témoins au mariage de son cousin Jacques Duval en 1769, à moins que ce ne soit avec Joseph Lucas ou Louis Huguet, dit Latour.

En 1783, Duval est bien établi comme orfèvre à Montréal, puisqu’il loue de l’orfèvre Dominique Rousseau une maison de pierre rue Saint-Jacques, dont tous les paiements doivent être faits en « ouvrages d’orfèvrerie », tels que « epinglettes brasselets grands et petits, croix » : soit 700 « francs » pour le loyer, 480 « piastres de six francs chacune » pour du bois et 1 100 « livres » pour « un moulin à tirer l’argent » (outil imposant qui sert à fabriquer, entre autres, des fils, des moulures et des tubes). Duval fréquente les orfèvres François Larsonneur, Pierre Foureur, dit Champagne, Louis et Pierre* Huguet, dit Latour, qui s’intéressent tous, comme Rousseau, au lucratif marché de l’orfèvrerie de traite, fabriquée massivement à Montréal pour le troc des fourrures avec les Amérindiens. Le 6 septembre 1795, Duval épouse Magdelaine You, âgée de 37 ans, veuve de Louis Huguet, dit Latour, de qui il a eu un fils six mois auparavant (l’enfant mourra deux semaines après avoir été légitimé par ce mariage). Duval est alors âgé de 37 ans et non de 28 comme l’indique son acte de mariage. Par cette alliance, il devient le beau-père de Magdeleine Huguet, qui épousera l’orfèvre Jean-Baptiste-François-Xavier Dupéré, dit Champlain, en 1801.

Duval reçoit ses premières commandes d’orfèvrerie religieuse l’année même de son mariage. Il travaille successivement pour les fabriques des paroisses de Sainte-Anne-des-Plaines (1795) et Lachenaie (1798), pour lesquelles il fabrique des burettes, Notre-Dame de Montréal (1800), où il effectue diverses réparations, et Vaudreuil (1801), pour laquelle il exécute un calice et un ciboire. En 1798, il prend Joseph Charbonneaux comme apprenti pour une période de dix ans et demi. De 1801 à 1803, il habite rue Notre-Dame, dans le voisinage de Rousseau. En 1802, il prend un second apprenti, Charlemagne La Mothe, âgé de 6 ans, jusqu’à ce qu’il atteigne 21 ans. Ses affaires semblent donc prospères à cette époque.

En 1808 et 1810, Duval réside avec sa famille à Saint-François-du-Lac, qui est situé près d’un comptoir de traite. En 1818, il demeure à Trois-Rivières où il s’engage à fabriquer pour Jean Lemaître Lottinville « douze Cuilleres d’argent à Soupe pesant chacune douze chelins et demi argent courant de cette province, le tout moyennant £10 10s. Il semble toujours habiter dans la même ville lorsqu’en 1820 il achète une horloge à la suite d’un marché conclu avec Sophie Lemaître Lottinville, marchande publique. Entre 1817 et 1828, il exécute divers travaux pour les fabriques des paroisses environnantes de Verchères, de Bécancour et de Yamachiche. Il assiste aussi à quelques mariages d’amis et de parents à Saint-François-du-Lac où réside son beau-frère, le marchand George McClure. S’agit-il du même « Maclure » qui avait reçu en 1787 de la fabrique de Baie-du-Febvre (Baieville) la somme de 66 livres 15 sols. « pour un Petit Ciboire Dargent » ? Si c’est le cas, cet objet, dont on n’a pas retrouvé la trace, aurait-il pu avoir été fabriqué par Duval ?

Malgré le peu d’objets connus portant son poinçon, presque toutes les œuvres religieuses de Charles Duval sont dignes d’intérêt. Ainsi le calice de Verchères et le bénitier de Saint-François-du-Lac, tous deux conservés au Musée du Québec, témoignent de sa créativité, d’un sens esthétique inné, voire de virtuosité, même si la technique utilisée est parfois naïve. Duval s’est inspiré du style d’Ignace-François Delezenne*, qui vécut non loin de Saint-François-du-Lac dans les dernières années de sa vie. Cette influence a pu être transmise par John Oakes, de même que par mimétisme. Seuls quelques-uns des ustensiles et bijoux de traite de Duval ont été conservés, en dépit du fait qu’ils durent constituer la base de ses revenus. Son œuvre variée reflète bien les intérêts diversifiés de la société de cette époque.

Robert Derome en collaboration avec Mary Henshaw

Marius Barbeau*, dans Maîtres artisans de chez nous (Montréal, [1942]) et « Deux Cents Ans d’orfèvrerie chez nous », SRC Mémoires, 3e sér., 33 (1939), sect. I: 183–192, affirme que Charles Duval est mort en 1803 ou 1843. Nous croyons toutefois que Duval est décédé probablement à Trois-Rivières ou dans la région avoisinante peu après 1828. Ses œuvres se trouvent ou se sont déjà trouvées à Bécancour, Lachenaie, Montréal – à l’École du meuble –, Québec – au Musée du Québec –, Sainte-Anne-des-Plaines, Saint-François-du-Lac, Saint-Hubert, Vaudreuil, Verchères, Yamachiche, ainsi qu’au Musée du Nouveau-Brunswick. Il en existe également dans les collections Henry-Birks, Louis-Carrier et Gérard-Morisset.  [rd.]

ANQ-M, CE1-51, 7 janv. 1784, 12 déc. 1788, 21 mars, 6, 23 sept. 1795, 12 oct. 1801 ; CE3-8, 5 juill. 1808, 11 déc. 1810, 2 févr. 1818, 1819: fo 19 ; CN1-74, 23–24 janv. 1788, 12 juin 1810 ; CN1-121, 19 déc. 1798, 12 mars 1801, 30 mars 1802 ; CN1-158, 11 août 1783, 24 oct. 1788 ; CN1-255, 13 mai 1794 ; CN1-269, 6 juin 1799.— ANQ MBF, CN1-32, 25 juill. 1822 ; CN1-79, 21 janv. 1818.— ANQ-Q, CE1-1, 5 avril 1758, 3 avril 1769.— AP, La Nativité-de-Notre-Dame (Bécancour), Livres de comptes, 1819 : fo 51 vo ; 1827 : fo 66 ; 1828 : fo 68 ; Notre-Dame de Montréal, boîte 13, chemise 2, 18 janv., 5 mai 1800 ; Saint-Charles (Lachenaie), Livres de comptes, 1798 : fo 33 ; 19–20, 28 et 30 août 1798 ; Sainte-Anne (Sainte-Anne-des-Plaines), Livres de comptes, 1795 : f 14 v ; Sainte-Anne (Yamachiche), Livres de comptes, 1828 : f’ 5 ; Saint François-Xavier (Verchères), Livres de comptes, 1817 : fo 14b ; Saint-Michel (Vaudreuil), Livres de comptes, 1801 : fos 133, 137.— Arch. des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph (Montréal), Affaires temporelles de la communauté, Comptabilité, 1799, 1801–1810.— MAC-CD, Fonds Morisset, 2, dossier Charles Duval.— Tanguay, Dictionnaire, 3 : 585 ; 7 : 492.— Robert Derome, « Delezenne, les orfèvres, l’orfèvrerie, 1740–1790 » (thèse de m.a., univ. de Montréal, 1974).— J. E. Langdon, Canadian silversmiths, 1700–1900 (Toronto, 1966).— Ramsay Traquair, The old silver of Quebec (Toronto, 1940).— Ramsay Traquair et G. A. Neilson, The old church of St. Charles de Lachenaie (Montréal, 1934).— « Indian trade silver », Musée du N.-B., Art Bull. (Saint-Jean, N.-B.), 6 (1961), no I.— É. .-Z. Massicotte, « Dominique Rousseau, maître orfèvre et négociant en pelleteries » , BRH, 49 (1943) : 343.— Gérard Morisset, « Bibelots et Futilités », la Patrie (Montréal), 15 janv. 1950 : 14–15 ; « l’Orfèvrerie canadienne » , Technique (Montréal), 22 (1947) : 83–88.

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Robert Derome en collaboration avec Mary Henshaw, « DUVAL, CHARLES (Charle) (baptisé Jean) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/duval_charles_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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