Les fenians et la confédération
Lorsqu’en avril 1866 les fenians se réunirent à Eastport, dans le Maine, avec l’intention de s’emparer de l’île de Campobello, ils contribuèrent sans le vouloir à galvaniser les forces partisanes de la confédération au Nouveau-Brunswick. Les loyalistes prétendirent que les Irlandais catholiques qui s’opposaient à la confédération dans la province étaient des sympathisants fenians secrets, ce qui les aida à convaincre la majorité protestante au Nouveau-Brunswick d’embrasser l’idée d’une union de l’Amérique du Nord britannique. Un des principaux bénéficiaires de cette situation fut l’homme politique Samuel Leonard Tilley :
Si Tilley avait voulu des alliés pour […] gagner [les indécis], il n’aurait pas pu trouver mieux que les féniens : en envahissant l’île Indian, près de l’embouchure de la rivière Sainte-Croix, le 14 avril, ils prouvèrent que, pour assurer la défense nationale, il fallait une union plus large. Leur raid contribua aussi au pernicieux climat anticatholique qui régna pendant une bonne partie de la campagne […] À la fin cependant, la population eut à opter entre « l’union et la désunion », et elle choisit l’union.
En revanche, l’une de ses principales victimes fut le journaliste et homme politique néo-brunswickois Timothy Warren Anglin, ancien révolutionnaire irlandais devenu un important opposant à la confédération :
Pour bien des raisons, la position du gouvernement s’affaiblit peu à peu. Surtout, les partisans de la Confédération continuèrent d’user avec efficacité de l’argument de la loyauté, puissamment aidés par un raid fénien tout à fait burlesque contre le Nouveau-Brunswick en avril 1866. Le lieutenant-gouverneur, Arthur Hamilton Gordon*, profita de la crise et de la faiblesse du gouvernement pour exiger un changement. Aux élections qui suivirent, en mai et juin, les opposants à la Confédération, y compris Anglin, furent battus à plate couture. D’après un journal néo-brunswickois, les résultats du scrutin signifiaient que « le fénianisme et l’annexion[nisme], bref les idéaux de Warren et d’Anglin, [étaient] « démolis » et que l’engeance traîtresse des sympathisants féniens [était] écrasée ». Quant à Anglin, il estimait que « les conspirateurs » avaient gagné.
La menace feniane servit aussi la cause de la confédération en Nouvelle-Écosse, où l’archevêque catholique Thomas Louis Connolly comptait parmi ses grands défenseurs :
[Pour rassurer les non-catholiques, Connolly] affirmait que les catholiques irlandais de l’Amérique du Nord britannique n’avaient rien à retirer d’une association avec les Féniens, « cette pitoyable bande de coquins et de fous ». Il se servit de la menace que représentaient les Féniens pour lancer un appel indirect en faveur de la confédération, nécessaire à la défense du pays. Il admettait que les conditions de vie des catholiques irlandais en Amérique du Nord britannique laissaient beaucoup à désirer à cause de l’attitude des protestants et des orangistes, mais d’après lui la situation était encore meilleure qu’aux États-Unis […]
Les efforts que déploya Mgr Connolly pour apaiser les différends entre les adversaires et les partisans de la Confédération ou entre les catholiques et les protestants au sujet des Féniens, le rendent digne de cet éloge de son ami de toujours, le révérend George Grant* : « Il était un homme de paix, plus enclin à rapprocher les hommes de religions différentes qu’à les diviser. »
Les hommes politiques favorables à la confédération au Canada profitèrent aussi du contrecoup des raids fenians, comme le montre la biographie de John Alexander Macdonald :
[Les raids féniens] avaient sans aucun doute contribué à créer un « climat de crise » qui fut pour beaucoup dans la réalisation rapide de l’union fédérale et la forme qu’elle prit.
Pour en savoir plus sur les effets des raids fenians de 1866 sur le débat entourant la confédération, consultez les biographies suivantes.