Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3623101
La Première Guerre mondiale est l’un des événements qui ont profondément marqué l’histoire de plusieurs pays au début du xxe siècle. Le Canada, colonie de l’Empire britannique, y a participé, comme l’y obligeaient les pratiques constitutionnelles le régissant. Dès lors, il n’a pas échappé aux bouleversements considérables qu’elle a provoqués entre les années 1914 et 1918, d’abord, puis au cours des années subséquentes. Depuis longtemps, les historiens, qui renouvellent sans cesse leurs approches et leurs questionnements à cet égard, racontent les diverses péripéties de cette contribution canadienne et en présentent les diverses caractéristiques, tout comme les multiples expressions. Reconnaissant l’importance de cet événement incontournable de notre histoire qui a broyé la vie de plus de 61 000 Canadiens et en a blessé plus de 172 000, le Dictionnaire biographique du Canada/Dictionary of Canadian Biography (DBC/DCB) l’a retenu comme sujet à offrir à son public.
Cet ensemble thématique recèle quantité d’aspects diversifiés dont témoignent plusieurs des biographies du DBC/DCB. L’organisation que nous lui avons donnée veut faire ressortir les dimensions militaires, politiques, sociales et culturelles de ce tragique événement et ainsi faciliter sa compréhension, tout comme la lecture des biographies. Les lecteurs noteront sans doute l’absence de personnages, tel William Avery (Billy) Bishop, dont les œuvres ont aussi marqué cette période trouble. Pour l’instant, leur biographie ne faisant pas encore partie du DBC/DCB, ils ne peuvent figurer dans la liste retenue.
L’un des thèmes de l’ensemble s’impose de lui-même : il porte sur les soldats qui ont combattu en sol européen et qui y ont laissé leur vie. En explorant leurs parcours, les lecteurs découvriront aussi un bref aperçu de quelques-unes des batailles célèbres. Certains, tels Jean Brillant et Gordon Muriel Flowerdew, se sont illustrés au point d’être décorés de la croix de Victoria. D’autres militaires, comme des généraux, dont sir Edwin Alfred Hervey Alderson et sir Arthur William Currie, ont eu à gérer la guerre proprement dite dans des conditions souvent difficiles tant en raison de la guerre elle-même qu’en raison de relations tendues avec les autorités militaires et politiques impliquées dans le conflit.
Les hommes politiques ont été au cœur de décisions cruciales aux lourdes conséquences. Ils ont entre autres porté une attention particulière à la promotion de l’effort de guerre dans un contexte obligé de censure. Sir Samuel Hughes, le controversé ministre de la Milice et de la Défense au jugement douteux, a joué un rôle majeur dans l’organisation militaire du pays. Le premier ministre sir Robert Laird Borden a fait adopter des politiques audacieuses touchant à divers domaines, dont celui de la gestion de l’économie qui a été radicalement transformée, tel que le montre la biographie de sir Joseph Wesley Flavelle. L’une de ces politiques, la conscription militaire imposée en 1917 par suite d’un recrutement volontaire insuffisant, a conduit le pays à la division entre la majorité des Canadiens français, qui s’y opposaient, et la majorité des Canadiens anglais, qui l’approuvaient. Ravagée, l’unité nationale s’est alors fragilisée comme jamais depuis les jours sombres du rapport de John George Lambton, 1er comte de Durham, comme en témoignent les biographies de sir Wilfrid Laurier et d’Henri Bourassa. La violence s’est étendue jusqu’à la paisible ville de Québec, où elle a provoqué la mort de citoyens. Des pacifistes, comme David Wells, se sont également immiscés dans ce débat, pendant que des minorités ethniques et des immigrants subissaient, entre autres, l’assaut de lois électorales votées pour assurer la concrétisation de cette politique si litigieuse de Borden.
Les Canadiens et les Canadiennes inspirés par l’idéologie de service ont, à leur manière, accompagné les sacrifices des soldats, ce qu’évoque la biographie d’Edna May Williston Best (Sexton). Le poète et médecin John McCrae a fait de même dans un célèbre poème surgi directement des atrocités du front. Plusieurs Canadiens et Canadiennes ont aussi été marqués par l’impact de la guerre dans leur société. Parmi eux figurent en premier lieu les familles des soldats, celles qui ont vécu tristement l’absence qui d’un père qui d’un fils, tel qu’en témoigne la biographie de sir Charles Hibbert Tupper, tout comme celles qui ont parfois péniblement vécu le retour des soldats à la maison, dont certains, à l’instar d’Agar Stewart Allan Masterton Adamson, ont souffert d’un stress post-traumatique. D’autres soldats, notamment ceux provenant des Premières Nations, n’ont quant à eux pas toujours obtenu leur juste part de reconnaissance pour leur contribution à la victoire.
La Première Guerre mondiale a suscité les interprétations les plus diverses. Si certaines, notamment, la glorifient parce qu’elle aurait été à l’origine de la création véritable d’une nation canadienne prête à accéder à l’indépendance de l’Empire britannique, d’autres y voient la cause de la montée d’un nationalisme canadien-français aux tendances séparatistes qui fleurira dans le cours du xxe siècle. D’aucunes appuient plutôt sur ses conséquences sur la politique partisane. Au cœur de l’imposition de la conscription et responsable de la Loi sur les élections en temps de guerre qui a heurté des minorités ethniques, le Parti conservateur a minimisé ses chances de reprendre son ascendant dans la province de Québec et ailleurs au Canada, où le Parti libéral a profité des circonstances pour asseoir plus confortablement sa domination.
La Première Guerre mondiale a obligé le Canada à s’engager dans une grande aventure qui a modifié son caractère et ses ambitions. Les biographies ici présentées en témoignent éloquemment, puisqu’elles racontent la vie de ceux qui l’ont vécue et qui en ont façonné plusieurs caractéristiques.