WHYTE, JAMES MATTHEW, homme d’affaires, né vers 1788 en Écosse, fils de James Whyte, de Newmains, Lanarkshire ; décédé le 9 juin 1843 à Hamilton, Haut-Canada.

On sait peu de chose sur les origines et les débuts de James Matthew Whyte, mais il semble qu’il grandit dans une famille aisée qui se piquait d’être unie par mariage à la gentry écossaise. Après avoir reçu selon toute apparence une bonne éducation, il fit son service militaire et devint lieutenant dans le 1st Dragoon Guards en 1806 puis capitaine en 1812. Il démissionna au bout de trois ans mais, d’après une inscription sur sa pierre tombale, il servit plus tard à titre de lieutenant-colonel du Surrey Regiment of Horse.

En 1811, Whyte avait acheté en Jamaïque, à proximité du village de Morant Bay, une plantation appelée Cave Bottom. C’était une modeste exploitation, qui n’employait que 12 esclaves en 1817, mais Whyte l’avait obtenue à un moment favorable : après les guerres napoléoniennes, la demande de sucre et de café jamaïquains augmenta. Il semble que Whyte prospéra et acquit une certaine importance dans la colonie, puisqu’il fut juge de la Cour d’assises et membre du conseil de l’île. Au début des années 1830, cependant, les plantations se ressentirent de la baisse des prix, de l’augmentation croissante du nombre des esclaves et de l’inquiétude grandissante des insulaires, qu’aggravèrent l’action du mouvement abolitionniste anglais et la révolte des esclaves de 1831. En 1834, la proscription de l’esclavage par le Parlement britannique, accompagnée d’une mesure qui accordait une compensation aux planteurs, donna à Whyte l’occasion de réaliser ses biens et de quitter la colonie.

En quête de possibilités d’investissement, Whyte songeait à immigrer au Canada ; au début de 1834, il s’embarqua pour Hamilton, dans le Haut-Canada. Il s’intéressa vite au marché foncier, car il se fit concéder dès avril une terre dans le canton de Cayuga. En janvier 1835, il vendit cette propriété £500 à Allan Napier MacNab*. Whyte contribua au développement des deux grandes entreprises de Hamilton, la London and Gore Rail Road et la Gore Bank, laquelle fut l’affaire la plus importante pour lui. Il n’avait pas été parmi ses promoteurs (le projet remontait à 1833), mais il contribua à son démarrage. Le 1er septembre 1835, année où la banque reçut sa charte, Whyte présida une réunion de promoteurs où l’on prit des dispositions pour ouvrir des registres de souscription d’actions. Le 26 novembre, on l’autorisa, avec Colin Campbell Ferrie*, à répartir les actions et à organiser l’élection des administrateurs. Whyte acquit 40 actions évaluées à £500 et obtint la confiance d’un nombre assez élevé d’actionnaires pour être élu au premier conseil d’administration en février 1836. Les administrateurs l’élurent aussi président de ce conseil, le préférant à Ferrie, qui avait pourtant recueilli plus de votes chez les propriétaires d’actions au moment de son élection au conseil.

Whyte assuma cette présidence de 1836 à 1839. Il s’occupa quotidiennement des activités de la banque et gagna la confiance des correspondants de cette dernière. Il sut également établir des liens étroits avec la Bank of Upper Canada, qui ferma son bureau de Hamilton en 1836 et vendit à la Gore Bank tous les effets escomptés qu’elle y possédait. Whyte reçut la procuration de maints actionnaires de la Bank of Upper Canada qui avaient également investi dans la Gore Bank, et continua d’exercer ce privilège même après avoir quitté la présidence. En septembre 1839, un établissement bancaire de Londres, la Reid, Irving and Company, considérait que son efficacité à titre de correspondant anglais de la Gore Bank dépendait de sa confiance dans la gestion de Whyte.

Malgré la présidence efficace de Whyte, un conflit surgit chez les administrateurs de la banque peu après sa constitution en société. Au début, c’est l’élite locale, entre autres MacNab, John Willson*, Absalom Shade* et Whyte, qui dominait le conseil d’administration. Mais bientôt d’autres membres, comme les Ferrie, Edmund Ritchie et John Young*, qui appartenaient au milieu commerçant de Hamilton, s’élevèrent contre l’influence de MacNab. Celui-ci avait vendu à la banque, pour qu’elle y construise son immeuble, un terrain que beaucoup jugèrent surévalué. En 1838, on le blâma aussi pour sa conduite à titre de conseiller juridique de la banque, et l’on désigna John Ogilvie Hatt, son associé, pour le remplacer. Mais la faction des marchands, qui se heurta à de graves difficultés financières après l’effondrement de 1837, en avait surtout contre la façon dont la banque facilitait l’obtention du crédit à MacNab. En 1839, ils accusèrent l’établissement d’avoir accepté des garanties insuffisantes pour les dettes de ce dernier, qui dépassaient, disait-on, celles de tous les commerçants de Hamilton réunis. En réaction, les marchands voulurent, pour s’assurer plus de votes à l’élection des administrateurs, procéder à la cession d’actions entre eux et obtenir que des actionnaires de l’extérieur de la province (qui ne pouvaient pas voter par procuration) cèdent leurs actions à des personnes de Hamilton qui les appuyaient. La faction de MacNab contre-attaqua en contestant les cessions concernées devant la Cour de la chancellerie. Les marchands parvinrent néanmoins à faire élire une majorité d’administrateurs favorables à leur cause à l’assemblée annuelle d’août 1839. Whyte, qui avait essayé avec un certain succès de se démarquer de MacNab, fut réélu président ; toutefois, comme il se trouvait devant des administrateurs qui désapprouvaient la politique en vigueur jusque-là, sa situation devint bientôt intenable et il démissionna du conseil d’administration.

Le groupe des marchands, dont l’un des membres, Ferrie, était devenu le président de la banque, pécha autant que celui de MacNab, en accaparant les opérations par lesquelles la banque escomptait les lettres de change et les billets à ordre. En 1842, la presse répandit le bruit que l’endettement excessif de certains administrateurs – Ferrie, Ritchie et Richard Juson – mettait la banque en danger. La même année, on tenta sur deux fronts, comme le dit MacNab, de « faire chavirer l’équipage d’indigents » qui la dirigeait. On choisit Whyte et David Thompson pour faire partie d’un comité d’actionnaires chargé d’étudier un projet de modification de la charte de la banque. Le débat se transporta ensuite à l’Assemblée législative, où le député de Haldimand, Thompson, présida un comité qui avait reçu la même mission que le comité précité et dont faisait aussi partie MacNab. En septembre 1842, ce comité proposa d’apporter à la charte de la banque une modification, conçue par MacNab, qui aurait empêché la banque d’escompter tout « effet de commerce signé ou endossé par le président, ou de n’importe quelle entreprise ou société en nom collectif dont celui-ci [pouvait] être membre ». Mais cette tentative n’aboutit pas.

À sa mort, en 1843, Whyte était à l’aise et fort respecté à Hamilton. Il avait de bonnes relations à Londres ; il eut même l’occasion de recommander, entre autres, MacNab à certaines d’entre elles. La maison de Whyte, Barton Lodge, construite en 1836 au bord de l’escarpement qui domine Hamilton, était l’une des plus belles villas de l’agglomération ; sa bibliothèque, qui comptait au delà de mille livres, devait être l’une des plus imposantes de la région. Whyte laissa une succession importante. Dans une lettre qu’il avait envoyée à sa belle-sœur en 1827 et dans laquelle il se disait un « priseur invétéré », il se définissait comme un « vieux célibataire expatrié » ; pourtant, dans son testament, il laissa des biens à un « fils putatif », John Whyte, un Jamaïquain. Whyte, qui était presbytérien, estimait assez le révérend Alexander Gale* pour lui léguer son argenterie. En plus de sa maison, dont son frère John Lionel hérita, il possédait des biens immobiliers dans le canton de Harwich et à Picton, dans le Haut-Canada, ainsi qu’en Jamaïque. Il avait également £1 750 en actions de la Bank of Upper Canada, plus £227 de dividendes non réclamés. À la Gore Bank, il jouissait d’un crédit de caisse de plus de £200, mais ne détenait que £100 d’actions. Il avait aussi £320 en actions de la British American Fire and Life Assurance Company, et plus de £1 000 de prêts consentis à des particuliers.

Comme d’autres membres de la gentry à qui la Grande-Bretagne ouvrait peu de perspectives d’avenir, James Matthew Whyte s’était tourné vers les colonies. Grâce au capital amassé en Jamaïque, il put faire des investissements notables dans les établissements financiers naissants du Haut-Canada et atteindre ainsi, dans ce secteur comme dans la société, une importance qui n’aurait pas été possible dans son vieux pays d’origine.

David G. Burley

AO, RG 1, C-IV, Cayuga Township, concession 1 (North Talbot Road), lots 3–6 ; RG 22, sér. 155.— APC, MG 24, D18.— Haldimand Land Registry Office (Cayuga, Ontario), Abstract index to deeds, North Cayuga Township, concession 1 (North Talbot Road), lots 3–6 (mfm aux AO).— HPL, Clipping file, Hamilton biog.— Burke’s landed gentry (1914), 453.— DHB.— G.-B., WO, Army list, 1808, 1813, 1815.— D. R. Beer, Sir Allan Napier MacNab (Hamilton, Ontario, 1984).— Victor Ross et A. St L. Trigge, A history of the Canadian Bank of Commerce, with an account of the other banks which now form part of its organization (3 vol., Toronto, 1920–1934), 1 : 173, 177–180, 205–208, 214.

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David G. Burley, « WHYTE, JAMES MATTHEW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/whyte_james_matthew_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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