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WALTER, ELIAS, cultivateur, ministre huttérien, collectionneur de livres anciens et relieur, né le 8 août 1862 en Russie (Ukraine), fils de Jacob Walter ; le 20 novembre 1886, il épousa probablement dans la colonie de Wolf Creek, près de Freeman (Dakota du Sud), Elizabeth Hofer, et ils eurent au moins 12 enfants, dont 7 filles et 3 fils atteignirent l’âge adulte ; décédé le 26 mai 1938, sans doute dans la colonie de Standoff, à proximité de Lethbridge, Alberta.

Chef spirituel influent du groupe des dariusleut de la secte des frères huttériens, au mode de vie communautaire, et premier ministre de cette confession à résider au Canada, Elias Walter passa les 20 dernières années de son existence dans la colonie de Standoff, en Alberta. Il y devint une figure de proue des huttériens canadiens : doté d’aptitudes administratives et relationnelles, il tenait de plus à préserver l’histoire de son peuple pour les générations futures.

Walter vit le jour au sein d’une secte religieuse établie par Jakob Hutter, anabaptiste originaire du Tyrol (Tyrol du Sud, en Italie), qui périt sur le bûcher à Innsbruck (Autriche) pendant une campagne de persécution religieuse en 1536. Hutter prônait la philosophie pacifique, les mœurs agricoles et la préférence pour l’isolement face à la société, préceptes fréquemment observés chez les anabaptistes. Il prêchait en outre la vie en collectivité, qui caractériserait les colonies huttériennes. À la naissance d’Elias, en 1862, ses parents habitaient un village communautaire en Ukraine, qui faisait alors partie de l’Empire russe. Walter avait 12 ans quand les huttériens commencèrent à émigrer aux États-Unis afin d’échapper aux lois intégrationnistes instaurées par le tsar Alexandre II. En l’espace de cinq ans, 1 254 huttériens, soit presque tous les membres de la secte, s’exilèrent.

Elias et sa famille partirent en 1874 avec les premières personnes qui quittèrent ainsi la Russie. À leur arrivée dans le territoire du Dakota, ils s’installèrent dans la nouvelle colonie de Wolf Creek, où l’oncle d’Elias, Darius Walter, fonda la communauté des dariusleut, l’un des trois groupes huttériens formés dans la région durant les années 1870. Les deux autres groupes prirent les noms de lehrerleut, en l’honneur du lehrer, ou professeur, Jacop Wipf, et de schmiedeleut, pour le schmied, ou forgeron, Michael Waldner. (Les huttériens qui choisirent de vivre dans des fermes individuelles, surnommés les prairieleut, ou gens des prairies, s’assimilèrent rapidement à la société américaine.) Elias Walter demeurerait membre de la colonie de Wolf Creek pendant plus de 40 ans. En 1886, il épousa Elizabeth Hofer, avec qui il fonda une grande famille. Suivant les traces de son oncle, il reçut l’ordination, à titre de ministre, en 1898.

Au cours de la Première Guerre mondiale, Walter représenta les huttériens, dont la religion interdisait la participation à des conflits militaires, dans de difficiles discussions avec l’administration du président Woodrow Wilson. Il contribua à la préparation d’une pétition destinée à Wilson, dans laquelle ses coreligionnaires et lui réclamaient des possibilités de servir autrement et juraient qu’ils étaient « tout à fait disposés à agir pour le bien du pays, à condition de ne pas avoir à trahir [leurs] convictions morales ». Leur requête fut rejetée. On mobilisa les huttériens dans les forces armées, et on les obligea à s’entraîner et à porter l’uniforme. Les États où ils résidaient prohibèrent l’usage de l’allemand durant les offices et un vol de bétail survint dans une colonie du Dakota du Sud. Pour fuir cette discrimination envers les germanophones et les pacifistes, de nombreux huttériens se réfugièrent au Canada. En 1918, Walter fut le premier ministre à les y rejoindre en s’installant dans la colonie de Standoff, au sud-ouest de Lethbridge. Dix ans plus tard, on l’élut chef spirituel des dariusleut. Ceux-ci constituaient environ un tiers des huttériens au mode de vie communautaire, qui avaient également implanté des colonies en Saskatchewan et dans le Montana.

Pendant la première moitié du xxe siècle, Walter devint une figure éminente des dariusleut, non seulement à titre de leader, mais aussi de collectionneur d’ouvrages historiques huttériens et anabaptistes importants. Grâce à cette passion qui l’anima sa vie durant, il fit notamment la découverte, en 1889, dans une colonie des schmiedeleut au Dakota du Sud, d’une copie de la chronique huttérienne originale, écrite au xvie siècle ; ce fut là sa trouvaille la plus notable. Résolu à rendre le texte accessible, Walter le reproduisit minutieusement à la main ; il le fit même trois fois, mot pour mot, afin d’assurer sa pérennité. Il transmit ensuite une des copies à Rudolf Wolkan, professeur de littérature à Vienne, qui y fit paraître le texte en 1923 sous le titre Geschicht-Buch der Hutterischen Brüder (la Chronique des frères huttériens). La collection de Walter comprenait également des exemplaires de Rechenschaft […] (Confession de foi) de Peter Riedemann et de Das Grosse Artikelbuch (le Grand Livre d’articles) de Peter Walpot, datés du xvie siècle, ainsi que plusieurs hymnes, épîtres et sermons historiques. Relieur chevronné, Walter dressa un important catalogue de ses possessions et noua des liens étroits avec l’historien mennonite John Horsch, Européen immigré aux États-Unis qui servit d’intermédiaire entre Walter et d’autres érudits, et qui assura la publication d’un certain nombre de documents huttériens.

Dans le quatrième volume de la Mennonite encyclopedia, paru en 1959, les auteurs Robert Friedmann et Harold Stauffer Bender soulignent l’« activité inlassable » de Walter. Ils comparent son rôle prépondérant dans la préservation de la culture huttérienne à celui de dirigeants huttériens comme Andreas Ehrenpreis au xviie siècle et Johannes Waldner au xviiie siècle. Walter constitua, par exemple, les recueils de cantiques Die Lieder der Hutterischen Brüder (Chants des frères huttériens) et Gesangbüchlein […] (Petit Recueil de chants), parus à Scottdale, en Pennsylvanie, respectivement en 1914 et 1919. Des colonies en Amérique du Nord, au Nigeria et au Japon utiliseraient encore largement ces deux ouvrages au début du xxie siècle. Son travail se révèle donc important pour tous les groupes des frères huttériens.

L’influence de Walter s’étendit au delà des huttériens et des mennonites. Il joua un rôle déterminant dans l’établissement d’un lien avec le théologien allemand Eberhard Arnold, qui avait formé une communauté anabaptiste du nom de Bruderhof en Allemagne au commencement des années 1920. Arnold, souhaitant devenir membre des huttériens, plus organisés, visita toutes leurs colonies en Amérique du Nord en 1930 et 1931. Son journal contient des centaines de références à Walter, qui l’accompagnait souvent. Le 2 octobre 1930, Arnold écrivit : « J’aime profondément Elias Walter, ce vénérable défenseur qui a guidé notre chemin [… Il] possède, malgré ses soixante-huit ans, une énergie et une audace juvéniles […] Walter, laïc autodidacte, est un vrai érudit. Il tient mes études en si haute estime qu’il tente par tous les moyens possibles de me fournir la tranquillité nécessaire. » En décembre, Walter rebaptisa Arnold et présida son ordination à titre de ministre de l’Église huttérienne.

Le 20 janvier 1931, Arnold consigna dans son journal qu’Elias Walter s’était « effondré à la fin de sa leçon au milieu d’une séance solennelle ». On l’amena dans un bain turc à Calgary, où il reçut un traitement qui lui permit de « rentrer chez lui quelque peu revigoré ». Walter mourut sept ans plus tard, à l’âge de 75 ans. De façon institutionnelle, les bruderhof et les huttériens ne firent qu’un de 1931 à 1955 et de 1974 à 1992 ; des différences d’opinions sur diverses croyances et pratiques entraînèrent ensuite leur rupture. Plus d’un siècle après l’arrivée au Canada d’Elias Walter, premier ministre huttérien au pays, les frères huttériens y prospéraient toujours, avec plus de 300 colonies dispersées dans les quatre provinces canadiennes les plus à l’ouest.

Rod Janzen

Une riche collection comprenant la correspondance entre Elias Walter et John Horsch se trouve aux Mennonite Church USA Arch. (Elkhart, Ind.), HM1/008 (John Horsch papers, 1873–1966). La transcription de nombreuses lettres de Walter à Eberhard Arnold figure dans Brothers unite […] (Ulster Park, N.Y., 1988), traduit et édité par les Hutterian Brethren. Les GA conservent plusieurs photographies numérisées de colonies huttériennes au Canada, dont une image de la colonie Standoff datée de 1920 (NA-2635-52).

The chronicle of the Hutterian Brethren, Hutterian Brethren, trad. et édit. (2 vol., Rifton, N.Y., et Ste Agathe, Manitoba, 1987–1998), 2.— « Dariusleut family record list », D. S. Wipf, compil. (Cranford, Alberta, 2006).— Die Lieder der Hutterischen Brüder […] [Chants des frères huttériens…], Hutterite Brethren, édit. (Scottdale, Pa, 1914).— Robert Friedman et H. S. Bender, « Walter, Elias, Jr. (1862–1938) », dans The Mennonite encyclopedia : a comprehensive reference work on the Anabaptist-Mennonite movement (5 vol., Hillsboro, Kans., 1955–1990), 4 : 882–883.— John Horsch, The Hutterian Brethren, 1528–1931, and the principle of nonresistance as held by the Mennonite Church (New York et Londres, 1971).— J. A. Hostetler, Hutterite society (Baltimore, Md, et Londres, [1974]).— Rod Janzen, The Prairie people : forgotten Anabaptists (Hanover, N.H., 1999).— Rod Janzen et Max Stanton, The Hutterites in North America (Baltimore, 2010).— V. J. Youmans, The plough and the pen : Paul S. Gross and the establishment of the Spokane Hutterian Brethren (Boone, N.C., 1995).

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Rod Janzen, « WALTER, ELIAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/walter_elias_16F.html.

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Auteur de l'article:    Rod Janzen
Titre de l'article:    WALTER, ELIAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2023
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    16 nov. 2024