THORNE, BENJAMIN, homme d’affaires, juge de paix, fonctionnaire et officier de milice, né le 4 janvier 1794 à Sherborne, comté de Dorset, Angleterre, fils de Benjamin Thorne et d’une prénommée Heneritta ; le 3 février 1831, il épousa à York (Toronto) Anna Maria Wilcocks, et ils eurent six fils et trois filles ; décédé le 2 juillet 1848 à Thornhill, Haut-Canada.

Benjamin Thorne connut la réussite avec une rapidité sans égale dans le Haut-Canada, mais sa chute fut aussi foudroyante que son ascension. En 1820, lui et son beau-frère, William Parsons, sont venus dans le Haut-Canada dans l’espoir de faire fortune. Presque immédiatement, Thorne acheta un terrain rue Yonge, au nord d’York. Vers la même époque probablement, les deux beaux-frères ouvrirent un magasin. Sous la gérance de Parsons, l’établissement allait devenir un centre vital du village (Thornhill) dont Thorne fut l’un des bâtisseurs au cours des années 1820 et au début des années 1830. Après quelques années, il loua, semble-t-il, une partie ou l’ensemble des installations de William Purdy, situées tout près de là ; elles comprenaient une scierie, un moulin à farine et une tannerie. Lorsqu’il acheta le complexe, en 1829, après qu’un incendie eut détruit le moulin à farine, il avait déjà acquis une réputation d’habile homme d’affaires.

En 1830, Thorne reconstruisit et agrandit le complexe. La Thorne and Parsons, avec son entrepôt à Toronto, devint une grande entreprise d’exportation de farine vers l’Angleterre, d’où elle importait des métaux, des articles d’épicerie et des marchandises sèches. En Angleterre, c’est le frère de Thorne, William, qui s’occupait des achats et des ventes, avec sa compagnie. Pour faciliter l’expédition des marchandises, Benjamin s’associa avec Francis Harris Heward de Montréal.

La Thorne and Parsons continua à se développer tout au long des années 1830 et même dans les années 1840. On confia de nouvelles fonctions administratives au sein de la compagnie à des parents et à des natifs du comté de Dorset. La firme regroupa finalement, en plus des deux fondateurs, Horace S. L. Wilcocks, beau-frère de Thorne, ainsi que Henry Thompson, lesquels épousèrent chacun une fille de Parsons. La croissance rapide de la compagnie peut s’expliquer dans une large mesure par le succès de ses activités d’exportation de farine, résultat de la conjonction de deux facteurs : un moulin de grandes dimensions, situé dans un district à forte production de blé, et la capacité de Thorne de payer comptant le blé, pratique plutôt rare dans la province à l’époque. L’argent utilisé à cette fin provenait de différentes sources, dont les profits de la compagnie, la fortune de sa belle-famille et des prêts bancaires.

Homme d’affaires prospère, Thorne resta en bons termes avec les banques pendant la plus grande partie de sa carrière. Grâce aux valeurs qu’il acheta à la Bank of Upper Canada, il put se faire élire administrateur au moins dès juin 1824, après quoi on le réélut plusieurs fois pour une période d’un an. En 1838, il devint administrateur de la succursale torontoise de la Commercial Bank of the Midland District. Enfin, en 1842, on le nomma administrateur et président de la succursale torontoise de la Banque de Montréal. En 1835, à l’occasion d’une enquête que mena un comité de la chambre d’Assemblée sur le système bancaire provincial, Thorne recommanda que la Bank of Upper Canada ouvre de nouvelles succursales et augmente son capital-actions de façon à pouvoir accorder davantage de prêts et ainsi accélérer le développement de la province. William Lyon Mackenzie*, adversaire acharné des monopoles financiers, comparut également devant ce comité. Ce n’était pas la première fois que Thorne et Mackenzie différaient publiquement d’opinion, et ce ne fut pas la dernière non plus.

En 1830, malgré son peu d’intérêt pour la politique, Thorne s’était laissé convaincre de se présenter contre Mackenzie aux élections provinciales, mais il fut battu. Pour un conservateur comme lui, les idées de Mackenzie représentaient un républicanisme américain déloyal. En 1837, pendant la nuit du 4 décembre, un jeune homme du nom de Richard Frizzell se présenta chez Thorne et lui demanda de l’aider à gagner Toronto pour avertir les autorités que Mackenzie se préparait à faire une descente sur la capitale. Thorne refusa, car il soupçonnait la présence de sympathisants de Mackenzie parmi ses employés et appréhendait des représailles contre sa propriété. Toutefois, après la défaite des forces commandées par Mackenzie, survenue le 7, les idées conservatrices reprirent le dessus chez Thorne.

À part les ennuis que lui causa Mackenzie, les années 1830 s’écoulèrent sans problèmes pour Thorne. Une grande partie de Thornhill lui appartenait ; en 1829, il avait obtenu qu’on y établisse un bureau de poste et avait cédé un terrain pour la construction d’une église anglicane. Il fut même secrétaire d’une société qui importait des livres pour ses membres. Le groupe restreint qui formait l’élite de la société de Thornhill monopolisait également la plupart des charges gouvernementales dans la région. Thorne, quant à lui, devint juge de paix pour la première fois en 1833. Vers 1837, on le nomma commissaire chargé de terminer le macadamisage de la rue Yonge qu’avait entrepris James Cull, et il fut commissaire à la Cour des requêtes du district de Home au cours des années 1830. Enfin, après la rébellion, il devint capitaine dans le 4th Regiment of North York militia.

Pendant les années 1840, l’expansion des entreprises de Thorne se poursuivit. En 1843 il loua, semble-t-il, le Red Mill de Holland Landing, puis en confia la gestion à l’un de ses associés, John Barwick. Avec cette acquisition, Thorne devenait probablement, à l’échelle de la colonie, le plus important producteur de farine destinée à l’exportation. Une quatrième entreprise, la B. Thorne and Company, fut créée pour prendre charge d’une bonne partie des activités d’exportation de farine et d’importation de métal.

Malgré certains désaccords entre associés, les affaires continuèrent à prospérer jusqu’en 1846. Cette année-là, l’abrogation des Corn Laws britanniques, à caractère préférentiel, provoqua une chute brutale de la demande de farine du Haut-Canada. Benjamin Thorne et ses associés se retrouvèrent alors avec des réserves beaucoup trop considérables et, dès le début de 1847, la Thorne and Barwick fut dissoute. La même année, cependant, grâce à une reprise de la demande et à une augmentation du prix de la farine, Thorne put combler une partie de ses pertes. Malgré une chute des prix vers la fin de 1847, il acheta en toute confiance de fortes quantités de blé pour la saison suivante, sans tenir compte des appréhensions de certains de ses associés. Pour financer ses achats, il emprunta en hypothéquant sa fortune personnelle, qu’il estimait à plus de £85 000. En 1848, année de grave dépression au Canada, le marché britannique s’effondra presque totalement. La Bank of Upper Canada, qui avait financé Thorne pendant les années d’expansion, exigea le remboursement de ses prêts, le conduisant ainsi à la ruine. On dut finalement liquider ses trois compagnies et ses avoirs personnels, mais il n’était pas là pour faire face à cette échéance finale. Pendant la nuit du 1er juillet 1848, Thorne sortit derrière chez lui et se tira un coup d’arme à feu, dont il mourut le lendemain. Ainsi finit cet homme qui, après avoir connu une brillante carrière, avait perdu une imposante fortune par suite d’une seule mauvaise décision.

Ronald J. Stagg

AO, MS 94, William Pitt à John Norton, 16 juin 1820 ; MU 2380, no 9 ; MU 2577, « An incident of the rebellion : something about the man who warned the people of Toronto of the advance of Mackenzie » (coupure d’un journal non identifié, 1894) ; MU 4734, no 1 ; RG 22, sér. 155.— APC, RG 1, L1, 36 : 288 ; L3, 510 : T leases/104 ; RG 5, A1 : 23431–23439, 35398, 89543, 93835–93838, 96740–96742, 108407 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 472, 507.— CTA, RG 1, B, Benjamin Thorne à A. T. McCord, 22 mai 1841, 4 avril 1842 ; report of committee on Market Block, 9 avril, 20 déc. 1842 (mfm aux AO).— Dorset Record Office (Dorchester, Angl.), Sherborne Abbey, reg. of baptisms, 5 févr. 1794.— MTRL, B. Thorne & Co. papers.— York North Land Registry Office (Newmarket, Ontario), Abstract index to deeds, Markham Township ; Vaughan Township (mfm aux AO).— M. S. [Gapper] O’Brien, The journals of Mary O’Brien, 1828–1838, Audrey Saunders Miller, édit. (Toronto, 1968).— H.-C., House of Assembly, App. to the journal, 1835, no 3.— [L. W. V.] ith, Young Mr Smith in Upper Canada, M. L. Smith, édit. (Toronto, 1980).— British Colonist, 14 oct. 1844.— Colonial Advocate, 10 févr. 1831.— Globe, 5 juill., 6 déc. 1848.— Toronto Mirror, 7 juill. 1848.— Commemorative biographical record of the county of York, Ontario [...] (Toronto, 1907).— Toronto almanac, 1839.— D. M. FitzGerald, Old time Thornhill (s.l., 1970).— D. M. FitzGerald et al., Thornhill, 1793–1963 : the history of an Ontario village (Thornhill, 1964).— History of Toronto and county of York, Ontario [...] (2 vol., Toronto, 1885), 1 : 122, 127.— Audrey Saunders Miller, « Yonge Street politics, 1828 to 1832 », OH, 62 (1970) : 101–118.

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Ronald J. Stagg, « THORNE, BENJAMIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 29 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/thorne_benjamin_7F.html.

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Auteur de l'article:    Ronald J. Stagg
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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