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SAINT-MARTIN, JOSEPH-HERVÉ, mécanicien, soldat, aviateur et homme d’affaires, né le 24 mars 1894 à Saint-Gabriel-de-Brandon, Québec, fils de Désiré Saint-Martin, cultivateur, et de Marie-Louise Beausoleil ; le 2 septembre 1927, il épousa dans la paroisse Ascension of Our Lord, à Westmount, Québec, Eileen Mary McEvoy, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 5 mars 1939 à environ dix milles de Lac-à-la-Croix (Métabetchouan–Lac-à-la-Croix, Québec) et inhumé le 14 mars dans la paroisse Notre-Dame, à Montréal.
Pendant son enfance, Joseph-Hervé Saint-Martin habita vraisemblablement à Saint-Gabriel-de-Brandon, où sa famille cultiva la terre, et à Manville, dans le Rhode Island, où elle résida d’abord sporadiquement, puis, à partir de 1901, de façon plus stable. À ce dernier endroit, le père de Joseph-Hervé (naturalisé américain en 1893), ainsi que certains de ses enfants, trouva du travail. Quant à sa mère, elle y mourut en 1905 et fut inhumée à Saint-Gabriel-de-Brandon, là où elle s’était mariée en 1889.
Saint-Martin étudia au collège Laval de Saint-Vincent-de-Paul (Laval) de 1907 à 1910. Il demeura avec son père à Montréal au moins à partir de l’année suivante. Il acquit sept années d’expérience en mécanique automobile et une solide connaissance des moteurs à essence. De 1916 à 1918, il travailla pour l’avocat et ancien député libéral provincial Henri-Benjamin Rainville.
Le 12 février 1918, vers la fin de la Première Guerre mondiale, Saint-Martin joignit l’armée britannique. Il s’engagea alors dans le Royal Flying Corps comme mécanicien d’avion de troisième classe. Le 9 juillet, il reçut le titre d’élève aviateur de la Royal Air Force. Le 15 février 1919, démobilisé en tant que soldat, il fut promu sous-lieutenant temporaire. Il avait accumulé quelque 400 heures de vol durant la guerre.
À son retour au Canada en 1919, Saint-Martin se dirigea aussitôt vers l’aviation commerciale. Ce secteur d’activité commençait alors à prendre forme et Saint-Martin contribua à la création des premières compagnies d’aviation au Québec. En 1920, alors que la Commission de l’air délivrait ses titres initiaux, Saint-Martin devint, sinon le premier, l’un des premiers Canadiens français à obtenir un brevet de pilote commercial. Il reçut le sien (no 23), ainsi que son brevet de mécanicien (no 20), le 27 mai 1920 probablement (certaines sources datent le brevet de pilote commercial du 14 octobre).
Cette année-là, Robert Brian John Daville embaucha Saint-Martin comme second pilote et mécanicien de la Canadian Aerial Services Limited, nouvelle firme établie à Hampstead et spécialisée dans les démonstrations acrobatiques comme des combats aériens simulés, des courses contre des automobiles, des sauts en parachute, des cascades de cinéma et le transport du père Noël. Il en coûtait dix dollars pour faire un tour de dix minutes à bord d’un petit biplan Avro 504K à cabine ouverte. Le 29 août, à la suite d’un problème mécanique, Saint-Martin réussit un atterrissage forcé dans une rue résidentielle du quartier Notre-Dame-de-Grâce (arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce), à Montréal.
En équipe avec l’aviateur William Roy Maxwell, Saint-Martin réalisa, le 4 février 1922, les premières envolées hivernales dans la région de la baie James, à bord du même biplan. Le contrat visait à établir l’inventaire du potentiel pétrolifère, en Ontario, entre Cochrane et Moose Factory, pour le compte d’un prospecteur d’huile. Le 13 février, un problème mécanique survenu plus de 60 milles au nord de Cochrane obligea Saint-Martin à revenir à pied.
À cette époque, Saint-Martin aida Frederick Haskell (surnommé Tom) Wheeler à mettre sur pied la firme Laurentian Air Services (aussi désignée sous le nom de Gray Rocks Air Service). Propriété de la famille Wheeler, la compagnie transportait les riches villégiateurs de l’immense domaine Gray Rocks Inn Limited, à Saint-Jovite (Mont-Tremblant, Québec), de l’hôtel du site vers les camps de pêche et de chasse. Elle diversifierait ses activités et adopterait la raison sociale Wheeler Airlines après la Deuxième Guerre mondiale.
En 1925, Saint-Martin conduisit une expédition de la McGill University de Montréal, qui étudiait les glaces du fleuve Saint-Laurent, en Ontario. Pionnier de l’aéropostale pour la Canadian Airways Limited, il inaugurait, le 5 mai 1928, la liaison Montréal-Toronto, relais dans la distribution du courrier déchargé par les paquebots transatlantiques à la station de pilotage de Pointe-au-Père (Rimouski), au Québec [V. Harry Stephen Quigley*].
À l’été de 1928, Saint-Martin devint chef pilote de la Continental Aero Corporation Limited. Cette école de pilotage était installée au tout nouvel aéroport de Saint-Hubert, sur la rive sud de Montréal, et agissait comme concessionnaire, pour l’est du Canada, des avions Travel Air. Ce fut à ce titre que Saint-Martin établit le 5 août 1930, à l’occasion de la venue du dirigeable R-100, un spectaculaire record de 149 tours d’avion en une seule journée ! Victime de la crise économique, la Continental Aero Corporation Limited cessa ses activités peu de temps après l’événement.
La même année, à la demande de la Commission des liqueurs de Québec, Saint-Martin effectua une série de patrouilles dans les environs de Rimouski en vue de détecter les navires de contrebande d’alcool provenant des îles Saint-Pierre et Miquelon.
Durant les années 1930, Saint-Martin exploitait son propre service aérien au lac Saint-Jean, à partir de Saint-Félicien, avec l’aide de sa femme Eileen Mary. Profitant du boum minier dans le secteur de Chibougamau, la compagnie, nommée St-Martin Air Transport, attirait une fidèle clientèle de pêcheurs et de chasseurs. Elle détenait un gros avion de transport Junkers W33 et un biplan à cabine fermée de type WACO. Pour accommoder ses clients, le couple possédait de plus un luxueux camp à Lac-à-la-Croix, environ 93 milles au nord de Saint-Félicien.
Le 5 mars 1939, Saint-Martin perdit la vie à bord du WACO, quelques minutes après avoir décollé de Lac-à-la-Croix en direction de Saint-Félicien. Il était accompagné d’un ami proche, le mécanicien et apprenti pilote Oscar Therrien, et d’un employé de la Société Radio-Canada, John C. Stadler. Tous périrent dans l’écrasement dont la cause semblait alors inexplicable. Le jour de l’envolée, la météo était splendide et aucun problème mécanique connu n’affligeait l’appareil. Un pilote de la trempe de Saint-Martin n’aurait normalement eu aucune difficulté à effectuer un atterrissage forcé dans le secteur.
Saint-Martin, dont les pairs reconnaissaient l’excellence, n’avait qu’une seule phobie : monter à bord d’un avion dont il ne serait pas aux commandes. Il en fit un principe autour duquel il édifia sa carrière. Cependant, peu de temps avant sa mort, Saint-Martin s’adonnait à un nouveau loisir et avait pris l’habitude d’amener partout où il allait sa caméra 8 mm. Les enquêteurs trouvèrent l’appareil brisé dans les restes de l’avion et en visionnèrent le contenu, ce qui leur permit d’élucider les circonstances de l’accident. On y découvrit une horde de caribous courant à vive allure, filmés de si près que les poils hérissés sur leurs dos étaient parfaitement visibles. Excité à l’idée d’enregistrer une séquence extraordinaire, Saint-Martin avait délaissé les commandes au profit de Therrien. En se rapprochant de la scène, ce dernier fit basculer l’avion sur le côté pour offrir une meilleure vue au caméraman. Saint-Martin était trop occupé pour se rendre compte que son apprenti pilote, par manque d’expérience, tentait de maintenir l’appareil dans une position impossible. Le plan ultime montrait l’avion plonger subitement vers le sol. Ironie du sort, Saint-Martin perdit donc la vie au cours d’une des rares occasions – sinon la seule – où il fut à bord d’un avion sans en être aux commandes.
Reconnu comme l’un des meilleurs aviateurs du pays, Joseph-Hervé Saint-Martin fit sa marque à titre de pionnier de l’aviation canadienne et de l’aéropostale, d’entrepreneur et de pilote de brousse. Il prit part à la Première Guerre mondiale et réalisa des exploits. Le 21 octobre 2002, la fondation Aérovision Québec l’intronisa dans son Panthéon de l’air et de l’espace du Québec.
BAC, Déclarations de recensement du Canada de 1911, Québec, dist. Hochelaga (160), sous-dist. Saint-Henri (28) : 41 ; R233-37-6, Québec, dist. Berthier (142), sous-dist. Saint-Gabriel-de-Brandon (H) : 2.— BAnQ-CAM, CE605-S23, 25 juin 1889, 20 oct. 1891, 25 mars 1894, 19 mai 1898, 24 juill. 1905.— Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, « Rhode Island deaths and burials, 1802–1950 » : www.familysearch.org (consulté le 11 août 2016) ; « Rhode Island state census, 1905 » : www.familysearch.org (consulté le 11 août 2016) ; « United States, New England petitions for naturalization index, 1791–1906 » : www.familysearch.org (consulté le 11 août 2016).— FD, Ascension of Our Lord (Westmount, Québec), 2 sept. 1927 ; Notre-Dame (Montréal), 14 mars 1939.— NA, AIR 76/336/130 ; AIR 79/1547.— Le Devoir, 30 août 1920 ; 9, 11 mars 1939.— La Patrie, 9–11, 13 mars 1939.— La Presse, 30 août 1920, 9 mars 1939.— « Continental Aero Corporation plan : large expansion : increasing original capitalization of $50,000 to $500,000 with object of improving equipment and service », Canadian Aviation (Toronto), 3 (mars 1930) : 13, 37.— R. B. [J.] Daville, « Canadian Aerial Services Ltd. », Canadian Aviation Hist. Soc., Journal (Willowdale, Ontario), 9 (1971) : 53–60.— J. R. Ellis, « The Canadian civil aircraft register : G-CANM to G-CARU », Canadian Aviation Hist. Soc., Journal, 13 (1975) : 25–30 ; « The Canadian civil aircraft register : G-CARW to G-CAVX », Canadian Aviation Hist. Soc., Journal, 13 : 85–94.— Stuart Graham, « Hervé St Martin : leaving the evidence » (texte dactylographié, s.l.n.d. ; copie en notre possession).— Raoul Lapointe, Rodolphe Pagé, pionnier de l’aviation au Québec : pilote de brousse et pilote commercial, père de l’aviation au Saguenay, peintre (Montréal, 1972).— London Gazette, 13 juin 1919.— K. M. Molson, The first 500 Canadian civil pilots (Toronto, 1983).— Michel Pratt, les Dirigeables R-100 et R-101 : le succès du voyage du R-100 au Québec et la tragédie du R-101 en France ([Montréal], 2003).— Pierre Thiffault, Au temps des premières ailes : petite histoire aérienne du Québec (Laval, Québec, 2004) ; « The life and death of Hervé St-Martin : pioneer Québec pilot », Canadian Aviation Hist. Soc., Journal, 43 (2005) : 110–117.— « Training Canada’s future commercial pilots : Continental Aero Corporation report : progress under instruction of Captain J. H. St. Martin », Canadian Aviation, 2 (mars 1929) : 32.— W. (Babe) Woollett, Have a banana ! ([North Battleford, Saskatchewan], 1989).
Pierre Thiffault, « SAINT-MARTIN, JOSEPH-HERVÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/saint_martin_joseph_herve_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/saint_martin_joseph_herve_16F.html |
Auteur de l'article: | Pierre Thiffault |
Titre de l'article: | SAINT-MARTIN, JOSEPH-HERVÉ |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |