ROBICHAUD, VÉNÉRANDE (baptisée Hanna-Rachel), collectionneuse du patrimoine familial et couturière, née le 29 août 1835 à Neguac, Nouveau-Brunswick, fille de Louis Robichaux et d’Anastasie Poirier ; décédée célibataire le 4 août 1936 dans sa ville natale.

Vénérande Robichaud était la huitième d’une famille de neuf enfants. Elle figura dans tous les recensements du Nouveau-Brunswick et du Canada de 1851 à 1921. Celui de 1851 indique que la petite fille, baptisée Hanna-Rachel, se faisait déjà appeler Vénérande, bien que le rapporteur y inscrivit « Henarande ». Peut-être l’avait-on renommée au décès de sa grand-tante Vénérande Robichaux*, en 1839. De plus, ce prénom était commun dans la famille élargie des Robichaud (ou, selon la plus ancienne orthographe du patronyme, Robichaux) depuis le xviiie siècle.

Vénérande Robichaud demeura toute sa vie dans le logis de son père Louis, malgré les changements de propriétaire. Elle le partagea avec plusieurs frères et sœurs, veufs ou célibataires. Elle y resta même après que son frère cadet Agapit eut cédé la propriété à son neveu Agapit Godin. Elle y habitait toujours quand elle s’éteignit le 4 août 1936, à l’âge de 100 ans et 11 mois. Vénérande se déclara couturière dans deux recensements (1881 et 1911), tout comme d’autres membres féminins du logis. En 1911, elle indiqua qu’elle travaillait à son propre compte, à partir de la maison. Considéré isolément, ce détail ne laisse pas supposer la grande prospérité de sa famille. Son grand-père Otho Robichaux* et ses grands-oncles comptaient parmi les fondateurs de Neguac et, ainsi que les générations suivantes, ils furent impliqués dans la vente au détail et dans le commerce du bois au Québec et au Nouveau-Brunswick. Ils cumulèrent des positions de marque dans la région de Neguac ; Otho et d’autres, propriétaires terriens, occupèrent de plus la fonction de juge de paix ou assumèrent la responsabilité de l’aide aux pauvres.

En raison de la renommée de la famille Robichaud, la mort de la centenaire ne passa pas inaperçue au Nouveau-Brunswick. Elle fut soulignée le 13 août 1936 dans l’Évangéline, principal périodique acadien de la province. On y rapporta que Vénérande Robichaud avait gardé sa lucidité et sa vivacité d’esprit jusqu’à la fin. L’hebdomadaire confirma aussi qu’elle avait été une source recherchée de renseignements sur le développement de la région pendant un siècle et avait conservé plusieurs objets d’avant la déportation des Acadiens [V. Charles Lawrence*]. Parmi ceux-ci figurent un crucifix en os, un châle de noces en soie et un morceau de la robe de noces de sa grand-mère paternelle, Marie-Louise Thibodeau (Thibaudeau), qui, toujours selon l’Évangéline, avait servi à doubler l’intérieur du tabernacle de la première chapelle construite à Neguac.

Vénérande Robichaud conserva aussi la correspondance de sa grand-tante Vénérande. De plus grande importance pour les historiens, cette préservation fortuite demeurerait la contribution la plus considérable de ces deux femmes à l’histoire acadienne. En effet, l’aînée des Vénérande avait entretenu une longue correspondance avec son frère Otho, grand-père de la cadette, et avec son neveu Louis, père de cette dernière. Leurs liens d’affection et financiers demeurèrent forts malgré les distances et les années. Des 18 lettres connues de l’aînée des Vénérande conservées par la cadette, puis sauvegardées jusqu’à nos jours, 7 furent adressées à Otho et 2 à Louis. Placide Gaudet*, alors instituteur et historien amateur, les copia au cours de son passage à Neguac le 27 mai 1878. De telles lettres d’Acadiens en exil sont rares au début du xxie siècle. Bien que les sources racontent comment les Acadiens engagèrent une correspondance impressionnante dès le début de la dispersion, une petite partie seulement de ces écrits, qui documentent toute une époque et éclairent l’avancement des connaissances sur les Acadiens déportés, subsiste encore. Sans les documents que Vénérande Robichaud a conservés, les résultats des recherches sur la déportation seraient plus pauvres.

Caroline-Isabelle Caron

Ancestry.com, « Recensement du Canada de 1921 » : www.ancestry.ca (consulté le 24 avril 2015).— APNB, RS141C5, 103, F19332, 9 août 1936.— BAC, Déclarations de recensement du Canada de 1911, N.-B., dist. Northumberland (30), sous-dist. Alnwick (3) : 1 ; R233-29-7, N.-B., dist. Northumberland, sous-dist. Alnwick : 30 ; R233-32-7, N.-B., dist. Northumberland (44a), sous-dist. Alnwick : 5 ; R233-34-0, N.-B., dist. Northumberland (184), sous-dist. Alnwick (A) : 16 ; R233-35-2, N.-B., dist. Northumberland (35), sous-dist. Alnwick (A) : 32 ; R233-36-4, N.-B., dist. Northumberland (17), sous-dist. Alnwick (A) : 10 ; R233-37-6, N.-B., dist. Northumberland (19), sous-dist. Alnwick (A) : 14.— FD, Saint-Bernard (Neguac, N.-B.), 20 mars 1836.— L’Évangéline (Moncton, N.-B.), 13 août 1936.— Maurice Basque, Des hommes de pouvoir : histoire d’Otho Robichaud et de sa famille, notables acadiens de Port-Royal et de Néguac (Neguac, 1996) ; Entre baie et péninsule : histoire de Néguac (Neguac, 1991).— Corinne LaPlante, « Robichaud, Vénérande II (1835–1936), couturière de Néguac », Soc. hist. Nicolas-Denys, la Rev. d’hist. (Bertrand, N.-B.), 12 (1984), no 3 : 62.— Laura Metay, « Édition critique de la correspondance de Vénérande Robichaud (1781–1831) » (mémoire de m.a., univ. de Moncton, 1997).— Donat Robichaud, les Robichaud : histoire et généalogie (Bathurst, N.-B., [1967]).

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Caroline-Isabelle Caron, « ROBICHAUD, VÉNÉRANDE (baptisée Hanna-Rachel) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/robichaud_venerande_16F.html.

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Auteur de l'article:    Caroline-Isabelle Caron
Titre de l'article:    ROBICHAUD, VÉNÉRANDE (baptisée Hanna-Rachel)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2021
Année de la révision:    2021
Date de consultation:    21 nov. 2024