O’GRADY (Grady), STANDISH, fermier et poète, né probablement en 1789 ou 1790 dans le comté de Limerick (république d’Irlande), fils de Standish Grady ; il épousa Margaret Thompson, aussi originaire du sud de l’Irlande, et ils eurent au moins trois enfants ; circa 1807–1845.

La vie de Standish O’Grady en Irlande ne saurait faire l’objet d’un récit détaillé ; les éléments connus viennent largement de ses écrits et se contredisent quelquefois. De plus, l’existence de plusieurs contemporains du même nom a brouillé les cartes. Apparemment, O’Grady entra au Trinity College de Dublin le 3 février 1807, à l’âge de 17 ans ; il obtint sa licence ès arts en 1810. Diacre de l’Église d’Irlande à compter du 3 octobre 1813, il fut ordonné prêtre le 24 juillet 1814 dans le diocèse de Limerick. Le 16 septembre 1817, on le nommait au bénéfice de Tullybracky, dans le même diocèse ; auparavant, il avait été vicaire de Cullen, dans le diocèse d’Emly. De 1820 à son départ pour le Bas-Canada en 1836, il fut peut-être rector de Kilnasoolagh et de plusieurs autres paroisses du diocèse de Killaloe. S’il décida d’émigrer, c’est en partie à cause des « guerres de dîmes » qui déchirèrent l’Église d’Irlande entre 1820 et 1840, et qui laissèrent bien des membres du clergé sans rémunération ou, pour reprendre ses termes, dans « la misère la plus abjecte ». Dégoûté « du gouvernement et incapable de subsister dans son pays, [... il] s’embarqua pour l’Amérique, avec un petit pécule ». Un revenu de £382 lui était dû depuis le début des années 1830, mais jamais on ne le lui versa.

Partis de Waterford au début d’avril 1836, O’Grady et sa femme arrivèrent à Québec le 22 mai. En août, ils vivaient dans une ferme près de William Henry (Sorel) ; ils allaient demeurer dans cette région au moins jusqu’en 1842. Ils eurent un fils en juin 1836, mais il mourut en janvier suivant. Un autre naquit en septembre 1837, puis une fille en mars 1839. Assurer la subsistance de sa jeune famille n’était que l’un des nombreux problèmes qui assaillaient alors O’Grady. Inaccoutumé aux durs travaux manuels, surpris par la dureté de l’hiver bas-canadien, incapable de cultiver un sol qui n’était qu’« un véritable amas de sable impropre au labour », il ne réussit pas comme fermier. Un hiver, « un étalon de race canadienne et une misérable vache furent tout ce qui subsista de [son] bétail ». L’agitation qu’engendra la rébellion de 1837–1838 ajoutait à ses difficultés personnelles ; nullement partisan du républicanisme, il qualifia Louis-Joseph Papineau* de lâche parce qu’il s’enfuyait tandis que « les audacieux ; intrépides paysans » se sacrifiaient pour sa cause. À la fin, c’est sa mauvaise santé qui l’obligea à changer de mode de vie. O’Grady donne ces détails dans les vers et les notes d’un poème, The emigrant, a poem, in four cantos.

Pendant l’été de 1841, O’Grady se rendit à Montréal pour vendre des souscriptions à « une composition poétique ». Les rédacteurs du Literary Garland, qui eurent la « faveur de parcourir quelques pages de cette œuvre », signalèrent dans leur numéro d’août 1841 qu’elle présentait « le caractère d’un poème épique, enrichi d’un nombre considérable de notes, de nature à inspirer le rire et contenait ici et là des traits d’esprit et de génie ». Les lignes qu’ils avaient lues étaient « très belles » ; les « noms respectables » qui figuraient sur la liste des souscripteurs, ainsi que « les messages hautement élogieux adressés à l’auteur », achevaient de les convaincre « que l’œuvre méritait la considération ». John Lovell* imprima et publia The emigrant à Montréal en 1841, mais on ne fit probablement pas la distribution avant le début de l’année suivante. Le 20 janvier 1842, le Montreal Transcript publia un long commentaire en majeure partie favorable à l’ouvrage ; la semaine suivante, il reproduisit une notice brève mais enthousiaste du Montreal Messenger.

      The emigrant contient un seul des quatre chants annoncés dans le titre, plus des notes abondantes et 13 courts morceaux lyriques. Dans la préface, O’Grady souligne qu’il n’est pas « un ennemi de l’émigration », mais qu’il recommande le Haut-Canada plutôt que le Bas-Canada, où le froid est « excessif » et les hivers « trop longs ». Son « prochain chant », promet-il, en dira davantage sur le Haut-Canada, « de loin un emporium plus intéressant pour [la] trop nombreuse population [de l’Irlande] ». Le premier chant aborde plusieurs thèmes, dont la situation troublée de la « fière Érin », l’émigration, le climat du Bas-Canada, les coutumes des Canadiens et les luttes politiques qui agitaient alors les deux provinces. Ces thèmes présentent une charge émotive du fait qu’ils sont liés, voire entremêlés, à l’histoire de l’auteur et à celle de deux personnages fictifs, Alfred et Sylvia, jeunes amants qui fuient l’Irlande, trouvent refuge au Bas-Canada et y échouent aussi misérablement que le poète lui-même. Le chant, composé de couplets rimés, se termine sur une note optimiste : le « rude printemps » arrive, et des « espoirs réconfortants » renaissent parce que le « puissant Wolfe [James Wolfe*] en Colborne [John Colborne*] survit toujours ». Cependant, la discontinuité qui subsiste dans l’orchestration des thèmes révèle l’impression de déracinement et le désespoir qui habitaient O’Grady lorsqu’il composa « ce premier volume », dédié à « personne ».

Peu après la parution de l’ouvrage The emigrant, O’Grady quitta William Henry avec sa famille. En mars 1843, selon un article du Transcript, il fit partie d’un comité d’Irlandais de Montréal qui se rendit à Lachine dans l’espoir de mettre fin aux bagarres qui opposaient des factions rivales d’ouvriers irlandais de Cork et de Connaught, en grève à cause des maigres salaires qu’ils touchaient pour la construction du canal de Lachine. Il « contribua principalement au succès de la mission, disait le journal, en réunissant plusieurs centaines d’ouvriers de Cork sur les lieux, où il y eut réconciliation. Ses compatriotes lui réservèrent des applaudissements chaleureux. » Selon le British Canadian, and Canada West Commercial and General Advertiser, le « pauvre vieil O’Grady », apparemment installé quelque part dans le Haut-Canada, se trouvait à la fin de 1845 dans une « situation lamentable ». Bien qu’il ait été « issu [...] d’une très respectable famille irlando-protestante », « la main glaciale de la pauvreté s’ [était] abattue sur lui » et « sa tête grise se pench[ait] avec chagrin vers la tombe ». Comme O’Grady demeurait « silencieux » à propos de ses « besoins », le journal publiait « cette brève notice, tout à fait à son insu », afin de demander la charité pour lui. On pouvait « avoir des nouvelles » de lui au bureau du British Canadian. Après la parution de cet avis, la Montreal Gazette offrit de recevoir des « contributions » au nom d’O’Grady. L’Examiner, par contre, se scandalisa de ces appels et laissa entendre, assez obscurément, qu’O’Grady avait mené une vie de « dissipation ».

On ignore ce qu’il advint ensuite de Standish O’Grady. Sans doute mourut-il quelque part dans le Haut-Canada. The emigrant perpétue sa mémoire : bien qu’incomplet et décousu, ce poème figure encore souvent dans des anthologies et on le cite fréquemment. L’œuvre, où se mélangent espoir et désespoir, sentiment d’aliénation et volonté de s’adapter, rappelle bien la situation d’O’Grady et des milliers d’émigrants irlandais – protestants et catholiques – qui, chassés de leur terre natale, débarquèrent en Amérique du Nord vers le milieu du xixe siècle.

Mary Jane Edwards

Des recherches en Ontario et au Québec pour trouver la date de décès de Standish O’Grady se sont avérées infructueuses. O’Grady est l’auteur de : The emigrant, a poem, in four cantos (Montréal, 1841) dont des extraits ont été inclus dans plusieurs recueils de poésie tels que : The Oxford book of Canadian verse, in English and French, introd. d’A. J. M. Smith, édit. (Toronto et New York, 1960) ; et The new Oxford book of Canadian verse in English (Toronto, 1982).

ANQ-M, CE3-1, 20 août 1836, 27 janv., 9 oct. 1837, 2 avril 1839 (mfm aux APC).— Representative Church Body Library (Dublin), ms 61.— « Our table », Literary Garland, 3 (1840–1841) : 432.— Examiner (Toronto), 19 nov. 1845, qui cite le British Canadian, and Canada West Commercial and General Advertiser (Toronto).— La Gazette de Québec, 23 mai 1836.— Montreal Gazette, 19 nov. 1845.— Montreal Transcript, 20, 27 janv. 1842, 11 mars 1843.— Alumni Dublinenses [...], G. D. Burtchaell et T. U. Sadleir, édit. (Dublin, 1924).The Oxford companion to Canadian literature, William Toye, édit. (Toronto, 1983).— D. H. Akenson, The Church of Ireland, ecclesiastical reform and revolution, 1800–1885 (New Haven, Conn., et Londres, 1971).— L. [M.] Lande, Old lamps aglow ; an appreciation of early Canadian poetry (Montréal, 1957).Literary history of Canada : Canadian literature in English, C. F. Klinck et al., édit. (2e éd., 3 vol., Toronto et Buffalo, N.Y., 1976), 1 : 149–150.— M. L. MacDonald, « Literature and society in the Canadas, 1830–1850 » (thèse de ph.d., Carleton Univ., Ottawa, 1984).— H. C. Pentland, « The Lachine strike of 1843 », CHR, 29 (1948) : 255277.

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Mary Jane Edwards, « O’GRADY (Grady), STANDISH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/o_grady_standish_7F.html.

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Auteur de l'article:    Mary Jane Edwards
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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