MARTINEAU, JÉRÔME, marchand, agent d’affaires et homme politique, né le 6 mars 1750 à Sainte-Famille, île d’Orléans (Québec), fils d’Augustin Martineau, cultivateur, et de Françoise Mercier ; le 13 avril 1779, il épousa à Québec Marie-Angélique Legris ; décédé le 19 décembre 1809 à Québec.
Troisième enfant d’une famille de sept, Jérôme Martineau passe son enfance et son adolescence à l’île d’Orléans. En 1771, il habite à Québec, où il travaille comme payeur et agent d’affaires pour le compte du séminaire de Québec. À ce titre, Martineau est chargé d’approvisionner le séminaire en denrées, matériaux de construction, tissus et autres marchandises. Il négocie ces achats avec des marchands de la ville et de la région ; il les paie, puis se fait rembourser par son employeur. Il veille aussi à l’engagement d’hommes de métier qui effectuent différents travaux de réparation ou d’entretien des bâtiments et du mobilier du séminaire. En 1773, cet emploi lui rapporte un salaire annuel de 216#, en plus des intérêts d’un prêt de 697# consenti au séminaire cette année-là.
À partir de 1777, Martineau commence à spéculer sur des terres situées dans la seigneurie de l’Île-Jésus, près de Montréal, et appartenant au séminaire de Québec. De janvier 1777 à juin 1781, il se fait concéder six censives dans différents rangs ou côtes de l’île, mesurant au total environ 30 arpents de front. Profitant de la forte demande de terres à cette époque où le territoire de l’île est presque entièrement occupé, Martineau vend ces propriétés acquises gratuitement et réalise de la sorte de substantiels profits. En 1778, par exemple, la vente d’une terre de trois arpents de front lui rapporte 300# ; un an plus tard, pareil marché se renouvelle. En octobre 1779, il se départit d’une autre terre, non défrichée cette fois, acquise trois mois plus tôt, pour laquelle il obtient 600#. Une telle pratique est illégale en vertu d’un arrêt de 1732, lequel interdisait aux seigneurs et aux propriétaires de censive de vendre une terre en bois debout.
En 1783, le séminaire de Québec accorde à Martineau le pouvoir de concéder, au nom de cette institution, les terres situées entre les rangs Sainte-Rose et Saint-François, dans la seigneurie de l’Île-Jésus. En mars, Martineau octroie à l’arpenteur Joseph Turgeon trois censives qui totalisent 58 arpents de front. Au cours des deux années suivantes, Turgeon vend sous forme de rentes constituées plus de 45 arpents de front, s’assurant un revenu de 1 035# au capital de 20 700#. Ces transactions fort lucratives, mais illégales en vertu de l’arrêt de 1732, s’effectuent à l’insu du séminaire. Cependant, en 1787, le procureur de l’institution, Henri-François Grava de La Rive, découvre la supercherie. Par la même occasion, il apprend que Martineau a été payé par des particuliers pour qu’il leur concède des terres, pratique que condamnaient les édits de Marly de 1720.
Cette fourberie fait perdre à Martineau son emploi d’agent d’affaires. En plus, le 10 janvier 1788, le séminaire de qui il loue une maison rue Sainte-Famille, à Québec, le somme de quitter les lieux. Le 28 janvier suivant, Martineau achète pour 11 500# comptant une maison située rue des Pauvres (côte du Palais). Il continue, semble-t-il, à s’occuper de son commerce de marchandises sèches, de blé et de farine, activité qu’il pratique depuis au moins 1784. Il investit aussi dans la propriété foncière. En 1802, Martineau, qui compte parmi les associés du chef du canton de Leeds, Isaac Todd, acquiert 1 000 acres de terre dans le premier et le deuxième rang de ce canton. Deux ans plus tard, il accroît ses biens immobiliers en obtenant du gouvernement 706 ocres dans le canton de Somerset.
Pendant les années 1790, Martineau avait commencé à participer aux affaires publiques. En 1794, il avait signé la pétition en faveur du maintien des lois anglaises. Deux ans plus tard, il était élu député de la circonscription d’Orléans, qui comprenait alors toute l’île du même nom ; il remplaçait à ce poste Nicolas-Gaspard Boisseau*. À la chambre d’Assemblée du Bas-Canada, Martineau appuie d’abord le parti canadien, mais au cours de la troisième (1801–1804) et de la quatrième législature (1805–1808), il partage ses votes. D’un côté, il se prononce en faveur du projet de loi mis de l’avant par la majorité canadienne pour le financement de la prison de Québec par des droits sur les importations ; d’un autre côté, il appuie le parti des bureaucrates lors de la présentation du projet de loi sur l’inéligibilité des juges à siéger à l’Assemblée. Enfin, pendant la cinquième législature (1809), il compte parmi les dix députés canadiens favorables au parti des bureaucrates.
Jérôme Martineau meurt à la fin de 1809. Deux de ses collègues de l’Assemblée, Pierre-Stanislas Bédard* et François Huot*, assistent à son inhumation le 22 décembre, en compagnie de Joseph-Bernard Planté* et du marchand Joseph Drapeau.
ANQ-Q, CE1-1, 22 déc. 1809 ; CE1-11, 6 mars 1750 ; CN1-25, 8 avril 1777, 20 nov. 1778, 11 avril, 29 juill. 1779. 10 juill. 1780, 26 févr., 30 juin 1781 ; CN1-83, 29 mai 1784, 30 juin 1785, 10 janv., 13 avril 1787, 28 janv. 1788, 30 juin., 9 sept. 1789, 24 avril 1792, 5 févr., 9, 23 juill. 1794 ; CN1-178, 28 janv., 11, 21 févr., 6, 19 mars, 2, 8, 18, 23 mai, 10 juin, 3 juin. 1795, 24 mars, 11 mai, 22 juin, 29 sept., 11 déc. 1797, 17 févr. 1798.— ASQ, C 11 ; C 35 ; C 36 ; Évêques, no 14 ; Polygraphie, XXVII : 26 ; S, S–11 : 10, 32 ; Séminaire, 120–122.— La Gazette de Québec. 3, 10 juill. 1794, 10 juill. 1800, 27 déc. 1804, 2 juin 1808, 26 oct., 30 nov., 21 déc. 1809.— Desjardins, Guide parl., 136.— Langelier, Liste des terrains concédés, 592, 1620s.— Tanguay, Dictionnaire, 5 : 552–554.— Sylvie Depatie, « L’administration de la seigneurie de l’Île Jésus au xviiie siècle » (thèse de
Céline Cyr, « MARTINEAU, JÉRÔME », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/martineau_jerome_5F.html.
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Auteur de l'article: | Céline Cyr |
Titre de l'article: | MARTINEAU, JÉRÔME |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |