MALLET (Maillet, Mailhet, Malet), PIERRE-ANTOINE, traiteur, explorateur, né à Montréal le 20 juin 1700, fils de Pierre Mallet et de Madeleine Thunay, dit Dufresne ; il épousa Louisa Deupet à une date et un endroit inconnus ; décédé après juin 1751, vraisemblablement en Espagne.
Pierre-Antoine Mallet appartenait à une famille qui, déjà en 1694, s’intéressait à la traite dans l’Ouest. Entre 1700 et 1706, ses parents déménagèrent à Détroit. Son frère Paul, futur compagnon de ses voyages, y fut baptisé en 1711. À l’instar de plusieurs autres traiteurs canadiens, les deux jeunes hommes se dirigèrent éventuellement vers le pays des Illinois, y arrivant probablement en 1734.
Les Français désiraient depuis longtemps atteindre le territoire espagnol en passant par les régions inconnues de l’Ouest. Louis Juchereau de Saint-Denis avait traversé l’état actuel du Texas jusqu’à la garnison de San Juan Bautista (près de Piedras Negras, Mex.) au moins à deux reprises durant la deuxième décade du xviiie siècle, mais ses tentatives d’y établir des postes de traite avaient été freinées par le vice-roi espagnol. Cependant, durant les années 1730, les avant-postes espagnols de l’est du Texas étaient, par la force des choses, largement approvisionnés par les Français. On avait pensé utiliser le fleuve Missouri comme seconde route vers les postes espagnols plus éloignés, puisqu’on croyait que ce fleuve, dont les parties basses des rives étaient connues des traiteurs français, prenait sa source dans le sud-ouest.
En 1739, les Mallet, accompagnés d’un petit groupe dont faisaient partie au moins cinq Canadiens, quittèrent le fort de Chartres (près de Prairie-du-Rocher, Ill.). Quelque part le long du haut Missouri, les Indiens de l’endroit persuadèrent les traiteurs qu’ils avaient pris la mauvaise route pour se rendre chez les Espagnols. Le groupe revint sur ses pas et se rendit par voie de terre jusqu’à la rivière Platte, qu’il remonta. Quittant l’embranchement sud de cette rivière, ils continuèrent à pied vers le sud, guidés par un esclave indien. Ils parvinrent à la mission espagnole de Picuries (au sud de Taos, Nouveau-Mexique) et entrèrent dans Santa Fe le 22 juillet. Le succès de leur entreprise fut assuré par la diplomatie dont ils firent preuve dans les transactions avec les différentes nations indiennes, car même si les tribus réservaient un bon accueil aux trafiquants européens qui leur apportaient des fusils et des munitions, elles hésitaient souvent à les laisser poursuivre leur route de peur de les voir armer également les tribus voisines.
À Santa Fe, les voyageurs furent détenus par le fontionnaire en chef, mais on ne put les accuser de trafic illégal, puisqu’ils avaient perdu leurs marchandises en traversant une rivière à gué. Tout en attendant la décision du vice-roi de Mexico quant à leur sort, ils furent traités avec des égards plutôt inusités pour de tels intrus. La décision arriva au bout de neuf mois : on leur ordonnait de quitter le territoire espagnol et de ne plus y mettre les pieds sans permission officielle. Le 1er mai 1740, sept membres du groupe primitif quittaient Santa Fe en direction de l’est via Pecos (Nouveau-Mexique), laissant derrière eux un ou deux compagnons qui avaient épousé des Espagnoles. Le 13 mai, trois des membres du groupe partirent vers le nord-ouest, s’en retournant au pays des Illinois par les rivières actuelles de Pawnee et d’Osage. Les quatre autres, y compris les Mallet, continuèrent à l’est vers le poste d’Arkansas (près de la jonction de la rivière Arkansas et du fleuve Mississipi) et au sud en direction de La Nouvelle-Orléans.
Les Mallet firent le récit de leurs expériences au gouverneur Le Moyne de Bienville et au commissaire ordonnateur qui les félicitèrent de leurs découvertes. On envisageait encore la possibilité de trouver la route qui mènerait jusqu’à la mer de l’Ouest et, malgré l’interdiction des Espagnols sur le commerce avec les étrangers, on pouvait encore établir un échange profitable de produits français contre de l’or et de l’argent à Santa Fe. Les espoirs des Français de faire du commerce furent certainement stimulés par une lettre apportée par les Mallet, dans laquelle l’aumônier de Santa Fe demandait au supérieur jésuite de La Nouvelle-Orléans d’envoyer certaines marchandises qui seraient échangées contre de l’argent.
La réussite des Mallet incita André Fabry de La Bruyère, écrivain du roi et ancien secrétaire de Bienville, à s’offrir pour conduire une nouvelle expédition à Santa Fe, à condition que les Mallet servent de guides. Le nouveau groupe, qui devait passer par la rivière Arkansas, fut équipé par Bienville à un coût considérable. L’entreprise s’avéra un échec très coûteux. Fabry, les Mallet, Phillippe Robitaille et Michel Belleau, dit La Rose, quittèrent La Nouvelle-Orléans à la fin d’août 1741. Des difficultés surgirent entre les Mallet et Fabry. Le peu de profondeur de l’eau à l’un des embranchements de la rivière Canadienne les empêcha de poursuivre leur expédition et de plus, les Mallet se virent refuser les chevaux qu’ils avaient demandés aux Mentos. Pendant que Fabry retournait au poste d’Arkansas pour y acheter des chevaux, les Mallet partirent à pied pour Santa Fe, qu’ils ne semblent pas avoir atteint.
En 1743, les frères Mallet déclarèrent qu’ils tenteraient à nouveau d’atteindre la ville espagnole, mais il leur fallut attendre jusqu’en 1750 pour que l’un d’entre eux, Pierre, prenne part à une troisième expédition. Entre temps, ils s’établirent près du poste d’Arkansas. Le recensement de 1749 révèle que Paul, avec sa femme, ses trois filles et une esclave, cultivait la terre, faisait de la traite ; il possédait un bœuf et une vache. Pierre, qui semble avoir été veuf (son épouse était décédée au moins depuis 1751), trafiquait en amont de la rivière.
Le récit des voyages des Mallet produisit à coup sûr certains effets. Durant les années 1740, un certain nombre de soldats français désertèrent et gagnèrent Santa Fe. Le commandant du poste d’Arkansas, Louis-Xavier Martin de Lino de Chalmette, conçut le projet de commercer entre son poste et Santa Fe. II emmena Pierre Mallet à La Nouvelle-Orléans en 1750, et celui-ci fut autorisé par le gouverneur Pierre de Rigaud* de Vaudreuil à entreprendre le voyage vers Santa Fe. Faute de capitaux officiels, Vaudreuil et Martin de Lino semblent avoir investi leur propre argent dans l’expédition.
Porteurs de lettres de Vaudreuil et des marchands de La Nouvelle-Orléans, Mallet et ses trois compagnons se mirent en route. Ils voyagèrent lentement, mettant environ deux mois pour atteindre Natchitoches (Louisiane), où ils passèrent quelque temps. Puis ils se rendirent en canot jusqu’au poste de Caddodacho (probablement dans les environs de Texarkana, à la frontière du Texas et de l’Arkansas) et firent à pied le trajet jusqu’à Pecos. Le voyage à partir de Natchitoches prit environ trois mois, pendant lesquels les Padoucas saisirent le gros de leurs marchandises. À leur arrivée à Pecos en novembre 1750, ils furent arrêtés et conduits d’abord à Santa Fe et par la suite, à El Paso (Texas), où se trouvait alors le gouverneur Tómas Vélez Cachupín. Celui-ci vendit aux enchères les marchandises qu’il leur restait et utilisa cet argent pour conduire leurs anciens propriétaires sous bonne garde à Chihuahua (Mexique) et, en février 1751, à Mexico. Le vice-roi les fit de nouveau interroger et ordonna qu’on les ramène en Espagne sous la juridiction de la Casa de Contratación, qui était chargée de l’administration des colonies. Il réaffirma également l’interdiction sur le commerce illicite. On ne possède pas d’informations supplémentaires sur Pierre Mallet ; celles-ci sont vraisemblablement enfouies dans les archives espagnoles, car ce Canadien, un des pionniers du commerce dans l’Ouest, fut probablement emprisonné en Espagne.
ANDM, Registres des baptêmes, mariages et sépultures, 20 juin 1700.— Before Lewis and Clark : documents illustrating the history of the Missouri, 1785–1804, A. P. Nasatir, édit. (2 vol., St Louis, 1952), I : 27–43.— Découvertes et établissements des Français (Margry), VI.— J. A. Pichardo, Pichardo’s treatise on the limits of Louisiana and Texas [...], traduit et édité par C. W. Hackett (4 vol., Austin, Texas, 1931–1946), III : 299–370.— The Plains Indians and New Mexico, 1751–1778 [...], A. B. Thomas, édit. (Albuquerque, N.-Mex., 1940).— J. F. Bannon, The Spanish borderlands frontier, 1513–1821 (New York, 1970).— H. E. Bolton, French intrusions into New Mexico, 1749–1752, The Pacific Ocean in history, H. E. Bolton et H. M. Stephens, édit. (New York, 1917), 389–407 ; réimpr. dans Bolton and the Spanish borderlands, J. F. Bannon, édit. (Norman, Okla., 1964), 150–171.— Henry Folmer, Franco-Spanish rivalry in North America 1524–1763 (Glendale, Calif., 1953), 297–303.— N. M. Loomis et A. P. Nasatir, Pedro Vial and the roads to Santa Fe (Norman, Okla., 1967).— Stanley Faye, The Arkansas post of Louisiana : French domination, Louisiana Historical Quarterly (New Orleans) XXVI (1943) : 633–721.— Henry Folmer, The Mallet expedition of 1739 through Nebraska, Kansas, and Colorado to Santa Fe, Colorado Magazine (Denver), XVI (1939) : 163–173.
A. P. Nasatir, « MALLET (Maillet, Mailhet, Malet), PIERRE-ANTOINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mallet_pierre_antoine_3F.html.
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Auteur de l'article: | A. P. Nasatir |
Titre de l'article: | MALLET (Maillet, Mailhet, Malet), PIERRE-ANTOINE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 4 nov. 2024 |