LITTLE, OTIS, avocat, homme politique, officier, procureur du roi, né le 29 janvier 1711/1712 à Marshfield, Massachusetts, fils du capitaine Isaac Little et de Mary Otis, décédé vraisemblablement en 1754.

Le père et la mère d’Otis Little appartenaient tous deux à des familles en passe de se tailler une place de plus en plus importante dans la société du sud-est du Massachusetts. Il était tout indiqué pour Otis de fréquenter Harvard College, un avantage dont n’avait pu profiter son père. Il y obtint son baccalauréat ès arts en 1731 et sa maîtrise en 1734.

Little se fixa à Pembroke (près de Marshfield) pour y exercer le droit et il épousa Elizabeth Howland de Bristol, Massachusetts (plus tard Rhode Island), le 3 octobre 1733. La famille de sa femme appartenait à l’Église d’Angleterre et Little donna son adhésion à l’église St Michael de Bristol le jour de Noël 1735, brisant avec la tradition de sa famille qui se réclamait des Pèlerins. En 1736 il semble qu’il se soit rendu en Nouvelle-Écosse car il fut nommé juge de paix pour Annapolis Royal le 22 novembre de la même année. La carrière d’avocat de Little n’eut rien d’éblouissant ; il eut des clients au Massachusetts mais ce fut, sans aucun doute, dans beaucoup de cas, grâce aux liens de parenté qui l’unissaient à un autre avocat, son oncle, James Otis, aîné, que beaucoup considéraient comme le meilleur plaideur de la province. Ces relations lui furent probablement fort utiles car Little était si négligent qu’une fois il se trouva dans l’obligation de présenter une requête devant la General Court du Massachusetts afin de pouvoir intenter de nouveau une poursuite pour laquelle il avait omis de remplir correctement les formalités de procédure.

De retour à Marshfield, Little remporta un siège à la General Court du Massachusetts aux élections de 1740 qui portèrent sur la question de la banque foncière du Massachusetts. Little était un des souscripteurs de cette banque – une entreprise privée qui se proposait d’émettre de la monnaie garantie par des hypothèques consenties sur des terrains – et il se trouva mêlé au bouleversement politique à l’occasion duquel les électeurs ruraux votèrent contre la plupart des candidats qui avaient manifesté leur opposition à cette banque. À la General Court, où il occupa un siège pendant cinq ans, Little servit de trait d’union entre les têtes dirigeantes de l’assemblée et les simples députés des régions rurales. En retour des efforts qu’il déploya pour garder ces députés dans la ligne politique, il chercha avidement à obtenir et obtint de fait des nominations de faveur tant de la part de l’Assemblée que du gouverneur, William Shirley ; le poste le mieux rémunéré qu’il reçut de cette façon, en juin 1740, fut celui de juge suppléant de l’amirauté pour les comtés de Bristol et de Plymouth. Dans l’exercice d’une de ses fonctions, il se montra vénal, ce qui devait éventuellement causer sa perte : il soumit un compte de dépenses si scandaleusement élevé que le gouverneur et le conseil se virent dans l’obligation de le réduire considérablement. II était, de toute évidence, un homme bien décidé à faire sa fortune en profitant et de la vie publique et de ses relations mais en Amérique cette pratique était beaucoup plus rare et plus mal jugée qu’en Angleterre.

Lorsque, en 1744, les difficultés avec la France au sujet de la Nouvelle-Écosse prirent une tournure menaçante, Little ne fut pas long à se rendre compte qu’il y avait là pour lui des chances d’avancement. Il reçut une commission de major et, à ses frais, recruta au cours de l’été 1744 une compagnie de volontaires afin d’aider à défendre la garnison d’Annapolis Royal qui subissait le siège. En pénétrant dans le bassin d’Annapolis, Little fut fait prisonnier par les Français. Il fut libéré sur parole et envoyé à Boston en décembre puis échangé en juillet 1745, quelques semaines après la reddition de Louisbourg, île du Cap-Breton. Avec sa compagnie il se livra à des opérations de nettoyage et occupa la forteresse d’Annapolis jusqu’à ce qu’on vienne le relever, en mai 1746. Il se rendit alors à Londres porteur de documents officiels expédiés par le gouverneur Shirley et muni de lettres d’introduction à l’adresse de personnages en vue d’Angleterre ; la lettre qu’avait signée Thomas Hancock, marchand, contenait cette mise en garde : « Pour ce qui est de la situation financière de M. Little je n’en connais rien, veillez à ne pas trop vous avancer. »

À Londres, Little chercha à obtenir une situation de même que le grade permanent de major et le remboursement des dépenses militaires engagées par lui et par la Nouvelle-Angleterre. Il concentra particulièrement ses efforts sur deux projets : l’établissement d’un système monétaire basé sur la monnaie de métal pour l’Amérique du Nord britannique et la colonisation de la Nouvelle-Écosse. Dans les démarches qu’il tenta en Angleterre, il eut en vue l’intérêt des marchands de la Nouvelle-Angleterre les plus conservateurs en matière de fiscalité et cela en dépit de l’appui qu’il avait antérieurement donné à la banque foncière et nonobstant ses relations avec le gouverneur Shirley, lequel désirait un compromis sur la question de la monnaie. En 1748, il soumit aux lords du Trésor un mémoire dans lequel il demandait non seulement que le remboursement des frais occasionnés par l’expédition de Louisbourg serve au retrait du papier-monnaie mais aussi que le Parlement intervienne pour mettre fin à l’émission de monnaie coloniale ; il désirait de plus que le fonds de Louisbourg soit payé en monnaie frappée spécialement pour l’Amérique et qui lui serait propre.

À peu près à la même époque Little publia une brochure promouvant l’établissement de colons en Nouvelle-Écosse et qui s’intitule The state of trade in the northern colonies considered ; malgré qu’on lui en ait attribué la paternité, Little n’est pas l’auteur d’une autre publication de 1748 qui a pour titre A geographical history of Nova Scotia. Dans The state of trade [...], il réfute l’argument selon lequel les colonies du Nord sont moins utiles à l’Angleterre parce que moins profitables et il insiste sur le fait qu’en poursuivant la colonisation du Nord avec des protestants anglais ou étrangers on contribuerait à ouvrir de nouveaux marchés pour les produits anglais et on favoriserait l’achat de ces produits par les colons. Il repousse vigoureusement l’idée que les colonies puissent accéder à l’indépendance et il conclut en écrivant : « Dans l’ensemble, rien ne peut ni ne pourra les amener à rechercher ni même à imaginer l’état d’indépendance aussi longtemps qu’ils jouiront de la liberté des sujets anglais et seront soumis à une constitution aussi favorable. » L’opuscule de Little est le seul écrit de l’époque qui tente de rattacher la colonisation de la Nouvelle-Écosse à la question plus vaste du système économique des colonies et de la politique impérialiste anglaise. En parlant de la Nouvelle-Écosse, Little se fait éloquent pour décrire ses ressources : « Il est évident d’après ce compte rendu qui n’a rien d’exagéré, qu’aucun pays n’est en meilleure posture pour accorder à ses colonies naissantes une aide prompte comportant le plus de garantie et le moins de peine possible et qui leur permette entre temps une honnête subsistance. » Il souligne la menace que représentent les « sectaires français » (les Acadiens) qui vivent en Nouvelle-Écosse mais il est d’avis que c’est l’immigration de protestants et non l’expulsion des Acadiens qui règlerait ce problème. Comme il l’admit plus tard, il considérait l’île du Cap-Breton comme virtuellement perdue puisqu’elle devait être incessamment rendue à la France. Néanmoins, d’après lui, la Nouvelle-Écosse pourrait fournir « une occasion d’emploi ; sinon, disait-il, (comme bien d’autres fidèles serviteurs du gouvernement) j’en serai pour ma peine ».

La Nouvelle-Écosse lui fournit effectivement un poste. Little s’y rendit en avril 1749 avec la flotte du gouverneur, Edward Cornwallis* ; sur la liste il était inscrit comme capitaine d’une compagnie indépendante et sa suite comprenait 16 domestiques, 10 hommes et 6 femmes, comme il convenait à un « Arpenteur général de la Nouvelle-Écosse ». D’autres charges ne tardèrent pas à s’ajouter à cette fonction. Le 15 juillet 1749 il fut nommé commissaire des magasins et approvisionnements du nouvel établissement de Halifax. Après avoir été admis au barreau de la Nouvelle-Écosse, le 3 février 1749/1750, il occupa la charge d’avocat général à la Cour de la vice-amirauté et le 11 octobre 1750, il « faisait les fonctions de procureur du Roi ». Malheureusement, il semble que ses revenus n’étaient pas à l’égal du train de vie qu’il menait et il se mit à prendre des risques. Bien que sa vénalité ne fût pas exagérée, selon les critères du xviiie siècle, ses manières arrogantes et prétentieuses n’ont peut-être pas contribué à son bon renom auprès de l’administration provinciale. Il fut destitué de sa fonction de commissaire en 1751 par suite d’irrégularités relevées dans les livres de comptes et peut-être aussi pour avoir vendu des provisions directement aux colons, pour son compte personnel. Le 3 avril 1753, il fut accusé devant le gouverneur et le conseil d’avoir accepté de l’argent (une avance de £5 et £5 versées plus tard) en qualité d’avocat de la femme d’un individu qu’il poursuivait par ailleurs à titre de procureur du roi. Le conseil arriva à la conclusion que l’accusation « était prouvée aussi rigoureusement que la nature de la cause le permettait » ; il révoqua Little de ses diverses fonctions et lui interdit « de plaider devant la General Court sauf dans les causes qui pourraient faire l’objet d’un pourvoi à la suite d’un jugement rendu devant la cour inférieure et dans lesquelles il serait concerné ». Little, incapable de subvenir à ses besoins et talonné par ses créanciers, vendit tous ses biens (y compris la part qu’il possédait dans l’entreprise « de presse et d’imprimerie » de John Bushell qui publiait le Halifax Gazette) et en 1754 il alla se réfugier aux Antilles ; c’est là, ou en s’y rendant, qu’il mourut.

La difficulté avec Otis Little était que ses prétentions et ses ambitions étaient beaucoup plus grandes que sa compétence. II rechercha son intérêt d’une façon trop flagrante et par ailleurs la valeur des services qu’il rendit n’était apparemment pas suffisante pour amener ses supérieurs à fermer les yeux sur ses indélicatesses ou à les oublier.

J. M. Bumsted

John Carter Brown Library (Providence, R.I.), Otis Little, Proposals for a new currency in America.— « Mass. Archives », VI : 572a, 573, 575 ; XVIII : 189 ; XX : 321, 344, 357 ; XXXI : 408, 447 ; XLI : 595 ; XLII : 88, 89 ; XLVI : 123 ; CXIV : 444.— Mass. Hist. Soc., John Davis coll., Winslow papers, Mascarene family papers.— PANS, RG 1, 164/1, p. 21 ; RG 3, Minutes of Nova Scotia Council, 11, 15 oct. 1750 ; 4, 5, 6 déc. 1752 ; Vertical ms file, Otis Little documents.— Suffolk County Court House (Boston, Mass.), Court files, n° 66 530.— Boston Post-Boy, 10 déc. 1744.— Boston Weekly News-Letter, 7 juill. 1743, 1 juin 1749.— The Law papers : correspondence and documents during Jonathan Laws governorship of the colony of Connecticut, 1741–1750 (3 vol., « Coll. of the Conn. Hist. Soc. », XI, XIII, XV, Hartford, 1907–1914), III :186.— Otis Little, The state of trade in the northern colonies considered ; with an account of their produce, and a particular description of Nova Scotia (Londres, 1748 ; réimpr., Boston, 1749).— N.SArchives, I, 539 ; II, 177.— PRO, Acts of P.C., Col., unbound papers, 273.— Shipton, Sibleys Harvard graduates, IX : 60–64.— John Doull, Sketches of attorney generals of Nova Scotia, 1750–1926 (Halifax, 1964), 1–3.— Robert Zemsky, Merchants, farmers, and river gods ; an essay on eighteenth-century American politics (Boston, 1971), 190s., 282s.

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J. M. Bumsted, « LITTLE, OTIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 15 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/little_otis_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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