LE BER, PIERRE, peintre, fils de Jacques Le Ber et de Jeanne Le Moyne, baptisé à Montréal le 11 août 1669, décédé à Pointe-Saint-Charles, près de cette ville, le 1er octobre 1707.
Il appartenait par ses parents aux deux plus riches familles de Montréal. Généreux autant que pieux, il fit des dons considérables à toutes les communautés de la ville, notamment à la congrégrégation de Notre-Dame, où sa sœur Jeanne était recluse, et aux frères Hospitaliers dont il fut, avec Charon et Fredin, le cofondateur et dont il fit partie sans prononcer de vœux.
Les Le Ber s’intéressaient aux arts. Sa sœur s’adonnait à la broderie et son frère Jacques, sieur de Senneville, militaire de carrière et marchand, consacrait ses loisirs à la peinture, comme le montre une Éducation de la Vierge (1723), qui se trouve aujourd’hui dans l’église de Sainte-Anne-de-Bellevue.
Quant à Pierre Le Ber, longtemps considéré comme un amateur à qui la bonne volonté tenait lieu de talent, il devint subitement célèbre à la suite de la découverte en 1965 du portrait de Marguerite Bourgeoys*, salué comme un des chefs-d’œuvre de l’art canadien. Certes, il y a loin de cet ouvrage entièrement repeint à deux reprises au portrait d’apparat tel qu’on le concevait au grand siècle, mais son accent de vérité et l’économie des moyens ne pouvaient pas ne pas toucher le goût moderne. Le Ber, selon des témoins, aurait été saisi d’une inspiration soudaine et aurait exécuté son travail avec une extraordinaire facilité. Quoi qu’il en soit, il a rendu avec une singulière puissance les qualités humaines que les premiers Montréalistes reconnaissaient à la sœur Bourgeoys. C’est à la vérité une grande œuvre, digne du sujet qui l’a inspirée et certainement très ressemblante.
S’agit-il d’un coup de chance ? Nul doute en tout cas que Le Ber, formé probablement à Québec, consacrait la majeure partie de son temps à des travaux d’art. La preuve s’en trouve dans l’important attirail de peintre et les abondantes fournitures d’artiste énumérés dans l’inventaire après décès de ses biens. Par ailleurs, son testament nous apprend qu’il s’occupait d’architecture ornemaniste. À propos de la chapelle Sainte-Anne – édifice en pierre qu’il avait fait construire à Pointe-Saint-Charles, en pendant à Bonsecours – il mentionne un tabernacle dont il avait donné le dessin à un sculpteur de l’Ange-Gardien, sans doute Charles Vézina*.
Dans « Ma Saberdache », Jacques Viger* transcrit un texte de l’abbé Sattin relatant que, durant la construction de l’hôpital, Le Ber « travailloit lui-même à l’orner intérieurement par un grand nombre de tableaux qu’il faisoit de sa propre main » et ajoute « qu’on n’y en voit plus qu’un (en 1843), que c’est une croûte et qu’on a sagement brûlé les autres ». En dépit de cette assertion, il est douteux que les sœurs de la Charité aient procédé à cet autodafé. Cette question est fort obscure. Lorsque le frère Chrétien [Turc*] succéda en 1719 à Charon à la tête des frères Hospitaliers, il fit dresser un inventaire de la maison ; aucune peinture n’y figure, à l’exception d’un « tableau en Crucifix », qui était apparemment une estampe encadrée. Par contre, quand la mère d’Youville [Dufrost*] prit possession de l’hospice en 1747, l’inventaire mentionne la présence de 27 tableaux dans la sacristie et l’église. Si l’on peut se fier aux titres, deux d’entre eux seulement existeraient encore à la maison mère des sœurs de la Charité : une Sainte Catherine et un Jésus au jardin des oliviers. Selon des récits du temps, il semble que les autres aient péri dans l’incendie de 1765 au lieu d’avoir été délibérément détruits. Enfin, on attribue à Le Ber diverses œuvres qui se trouvent à la congrégation de Notre-Dame, particulièrement un Enfant Jésus peint pour la sœur Barbier.
AJM, Greffe d’Antoine Adhémar, 23 oct. 1692 ; 11 mars 1707 ; Greffe de Bénigne Basset, 17 oct. 1692, 9 sept. 1697 ; Greffe de Louis-Claude Danré de Blanzy, 4–18 sept. 1747 ; Greffe de Pierre Raimbault, 3 oct. 1707.— ANDM, Registres des baptêmes, mariages et sépultures.— ASQ, Fonds Verreau, Ma Saberdache.— É.–Z. Massicotte, Inventaire des documents et des imprimés concernant la communauté des frères Charon et l’Hôpital Général de Montréal sous le régime français, RAPQ, 1923–24 : 168, 169, 195.— Tanguay, Dictionnaire, I : 356.— [Étienne-Michel Faillon], L’héroine chrétienne du Canada ou vie de Mlle Le Ber (Ville-Marie [Montréal], 1860),160,164, 218s., 329s.— J. R. Harper, La Peinture au Canada, des origines à nos jours (Québec, 1966).— Gérard Morisset, Coup d’œil sur les arts en Nouvelle-France (Québec, 1941), 32, 51 ; La peinture traditionnelle au Can. fr., 30s., 45.— Jules Bazin, Le vrai visage de Marguerite Bourgeoys, Vie des Arts, XXXVI (1964) : 12–17.
Jules Bazin, « LE BER, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/le_ber_pierre_2F.html.
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Auteur de l'article: | Jules Bazin |
Titre de l'article: | LE BER, PIERRE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 17 déc. 2024 |