KURIKKA, MATTI, colonisateur, journaliste et conférencier, né le 24 janvier 1863 dans la paroisse de Tuutari, Russie, un des quatre enfants d’Aatami Kurikka, riche Finlandais propriétaire d’une ferme, et d’Anna Pöyhönen ; le 12 janvier 1886, il épousa à Helsinki (Finlande) Anna Henriette Palmqvist, et ils eurent une fille ; divorcé en 1898 ; le 23 mai 1906, il épousa au même endroit Hanna Räihä, et ils eurent une fille ; divorcé en 1911 ; décédé le 1er octobre 1915 à Westerly, Rhode Island.

Issu d’un milieu bourgeois, Matti Kurikka fit trois ans d’études en Ingrie, sa terre natale, avant de s’installer à Helsinki avec ses parents en 1872. Il entra à l’université d’Helsinki en 1881, mais il partit pour Kuopio avant d’obtenir un diplôme. C’est dans cette ville qu’il s’associa avec la dramaturge socialiste et féministe Minna Canth. En outre, il se lia d’amitié avec le romancier Arvid Järnefelt et le socialiste Augusti Bernhard Mäkelä. En 1884, il écrivit sa première pièce digne de mention, Viimeinen ponnistus (le Dernier Effort), sur le thème de la lutte des classes.

Le combat de Kurikka pour la réforme de la société serait toujours influencé par le socialisme utopique, l’humanitarisme anticlérical de Tolstoï et la théosophie. Bien qu’il ait rejeté le marxisme, il ne tarda pas à être reconnu comme l’un des meneurs des cercles socialistes et radicaux de Finlande. En 1897, il accéda même, à Helsinki, à la direction du principal organe du mouvement ouvrier, Työmies (le Travailleur). Cependant, il démissionna en avril 1899 à cause de l’opposition des marxistes.

En raison de ce conflit et de l’intensification de la campagne de russification menée en Finlande par l’empereur Nicolas II, Kurikka décida d’émigrer au Queensland (Australie) avec un groupe de Finlandais qui partageaient ses idées et d’y fonder une colonie ouvrière. Le projet ayant échoué, il se retrouva désœuvré moins d’un an après. C’est alors qu’il reçut d’un groupe de mineurs de charbon canado-finlandais établis près de Nanaimo une invitation à se rendre en Colombie-Britannique et à fonder une colonie. Arrivé à Nanaimo vers la fin d’août 1900, il devint président d’une compagnie de colonisation appelée Kalevan Kansa (Peuple de Kaleva). La compagnie choisit d’établir la colonie dans l’île Malcolm, à quelque 200 milles au nord de Vancouver, et de baptiser cette colonie Sointula, c’est-à-dire « harmonie ». À la fin de 1901, les premiers colons arrivèrent dans l’île et on livra une presse pour imprimer un journal, Aika (le Temps). Tous les colons étaient finlandais, la plupart dans la vingtaine ou la trentaine, et il y avait au moins deux fois plus d’hommes que de femmes. L’objectif de Kurikka était de créer une société dans laquelle chacun prendrait sa destinée en main et coopérerait entièrement avec les autres en matière économique et sociale. Dans ce milieu harmonieux, personne n’éprouverait le sentiment d’aliénation et d’exploitation qui caractérisait les temps modernes. Kurikka et son ami Mäkelä, qui partit de la Finlande pour le rejoindre en 1901 (et que l’on a parfois appelé au Canada Austin McKela), entretenaient l’espoir de voir naître « beaucoup de Sointula ». Dès le début, la colonie adopta des principes socialistes et communautaires. Il y a eu peu d’autres colonies de ce genre au Canada, à part les colonies doukhobors.

Kurikka exposait ses idées avant-gardistes en faisant de longues tournées aux États-Unis et au Canada et en écrivant dans Aika. Selon lui, le mariage religieux était un esclavage pour les femmes. Celles-ci, affirmait-il, ne devaient pas se sentir liées à un homme pour la vie et devaient pouvoir connaître la maternité sans avoir à passer par la cérémonie du mariage. Il fallait confier les enfants à des spécialistes ; aussi construisit-on dans la colonie une garderie où les mères pouvaient laisser leurs enfants pendant qu’elles travaillaient. L’éclatement de Sointula en 1904 résulta en partie d’un vif débat sur l’amour libre et le mariage. Kurikka avait insisté pour que l’on discute de ces questions, malgré les objections de Mäkelä qui, pragmatique, jugeait les problèmes économiques de la colonie bien plus urgents. Pratiquer l’agriculture était impossible ; ni l’exploitation forestière ni la pêche ne s’étaient révélées rentables. Pendant un temps, la scierie avait semblé devoir rapporter, mais elle subit des pertes catastrophiques à cause de contrats mal faits. La population s’était élevée à 238 en 1903, mais en octobre 1904, Kurikka et la moitié des membres s’en allèrent. La compagnie de colonisation fut liquidée le 27 mai 1905. Selon Mäkelä, la responsabilité de l’échec pesait sur les idéalistes extrémistes comme Kurikka, « [ces] gens qui essayaient de faire pondre des œufs à des souches » et « avaient beaucoup de talent lorsqu’il s’agissait d’exposer des idées merveilleuses, mais laissaient d’autres les réaliser ».

Entre-temps, Kurikka tenta de fonder une autre colonie utopiste dans la vallée du Fraser, à une trentaine de milles à l’est de Vancouver. Il devint secrétaire d’une nouvelle compagnie de colonisation mise sur pied en 1904, Sammon Takojat. Quelques mois après, cette expérience échoua aussi et Kurikka, découragé, retourna en Finlande en septembre 1905. Cependant, comme bien des migrants, il eut beaucoup de mal à se réadapter ; en 1908, il partit donc pour les États-Unis. Il devint chroniqueur au New Yorkin Uutiset (l’Actualité new-yorkaise), puis corédacteur en chef de ce journal. En 1913, il acheta une ferme à Westerly, dans le Rhode Island. Il mourut d’une crise cardiaque en 1915.

Matti Kurikka a laissé une empreinte durable parmi les socialistes canado-finlandais : ils ont adhéré en nombre disproportionné aux premiers partis gauchistes du Canada et invoquent encore son nom aujourd’hui. Une légère atmosphère finlandaise flotte toujours à l’île Malcolm et à Webster Corners, lieu d’établissement de la Sammon Takojat. En plus, Kurikka s’inscrit dans l’histoire générale du Canada, ne serait-ce qu’à titre de personnage mineur, car ses activités ont coïncidé avec deux courants qui ont marqué les deux premières décennies du xxe siècle, soit la propagation du socialisme et la contestation du capitalisme industriel.

J. Donald Wilson

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J. Donald Wilson, « KURIKKA, MATTI », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kurikka_matti_14F.html.

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Auteur de l'article:    J. Donald Wilson
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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