JOHNSON, LOUISA ANN (Brown ; Bailey ; Tillman), couturière, commerçante et laïque engagée, née à Halifax entre 1829 et 1851 (il y a manque de concordance dans ses déclarations d’âge), fille de John Johnson (Johnston) et d’une prénommée Clarissa, dont le nom de famille était peut-être Robinson, réfugiés afro-américains de la guerre de 1812 ; elle épousa d’abord John F. Brown (décédé en ou avant 1871), puis, le 9 janvier 1877, à Halifax, Alexander C. Bailey (décédé en 1886), et enfin, le 4 février 1911, dans la même ville, George Washington Tillman ; on ne lui connaît aucun enfant ; décédée le 29 décembre 1911 à Halifax.

Pendant une partie de son premier veuvage, Louisa Ann Johnson Brown habita avec son jeune frère William, cordonnier ; c’était un des leaders de la communauté afro-canadienne de Halifax, et il orthographiait son nom de famille Johnston. En outre, elle vécut de nombreuses années avec leur mère, deux fois veuve, Clarissa Johnson Smith, qui avait un magasin de variétés rue Gottingen. Tous trois étaient propriétaires de l’immeuble, pour lequel ils avaient obtenu une hypothèque en 1869. Louisa Ann exerça le métier de couturière jusqu’à ce qu’elle épouse, en 1877, Alexander C. Bailey, camionneur de la ville et ministre baptiste qui œuvrait dans le comté de Halifax, surtout à Beech Hill. Le frère de Louisa Ann et son deuxième mari étaient apparentés aux Thomas, la plus éminente famille baptiste de race noire. En 1879, le patriarche de cette famille, le révérend James Thomas, qui était de race blanche et avait ordonné Alexander C. Bailey, mourut. Bailey prit alors en charge, pour un an, l’église de Thomas à Halifax. De plus, il s’occuperait jusqu’à son décès de plusieurs des églises que Thomas avait desservies dans le comté.

Lorsqu’elle perdit sa mère, en 1881, Louisa Ann Bailey reprit la propriété et le magasin de celle-ci. Avant la fin des années 1880, elle commença à y vendre aussi des vêtements de seconde main ; à divers moments, son inventaire comporta en outre des fines herbes, des racines et de l’épicerie. Jusqu’à la fin de ses jours, elle tiendrait son commerce de détail – le plus longtemps dans la rue Gottingen, avec un intermède à la maison d’Alexander C. Bailey, rue Creighton, après la mort de celui-ci en 1886 – et louerait les trois propriétés dont elle avait hérité et qui furent réunies sous une seule hypothèque en 1890. Il se peut en outre qu’elle ait pris soin de la mère d’Alexander. En effet, cette ancienne esclave nommée Nancy habita dans l’une des propriétés de Louisa Ann jusqu’à son admission à l’hospice des pauvres peu avant sa mort en 1890.

Alexander C. Bailey était l’un des derniers ministres néo-écossais de l’African Baptist Church à n’avoir pas fait d’études, et, du fait qu’elle était sa femme, Louisa Ann se dévoua beaucoup pour l’African Baptist Association et sa propre église, l’église baptiste Cornwallis Street. Elle versa des contributions, enseigna à l’école du dimanche, promut la tempérance, fut déléguée aux assemblées annuelles de l’association en 1892 et participa à la création de la Pastor’s Aid Society, dont elle fut présidente. Dans les cérémonies religieuses, on la reconnaissait comme la porte-parole de la congrégation et on la décrivait comme une « militante zélée » qui consacrait une « grande part de son temps à la diffusion de l’Évangile ».

Attirée par la cause des droits des femmes, Louisa Ann Bailey vota aux élections municipales de 1895 et de 1897, à un moment où son frère songeait à entrer en politique municipale. En 1898, elle participa à l’organisation de la visite du congressiste afro-américain George Henry White à Halifax. En 1899, après qu’un fidèle de sa congrégation eut prononcé une conférence sur l’« influence des femmes », elle fut l’une des cinq personnes de l’assistance (et la seule femme) à le féliciter. Probablement, elle l’approuvait d’avoir mis en valeur « l’influence de la femme qui, au foyer, façonne dès l’enfance la vie des grands hommes de demain ». La somme qu’elle versa par la suite en vue de l’ouverture d’une école professionnelle pour enfants de race noire suggère qu’elle était en outre très favorable à la formation pratique.

Louisa Ann Johnson Bailey semble avoir vécu seule après la mort d’Alexander. Son indépendance prit des allures de rébellion vers la fin de sa vie : au cours d’une cérémonie anglicane, elle épousa un ministre baptiste de Boston qui était de 30 ans son cadet, George Washington Tillman. Apparemment, elle ne cohabita jamais avec lui. Malgré ses excentricités, le sort des congrégations noires et l’avancement de sa race lui tinrent toujours à cœur. Dans son testament, elle fit des dons à six de ces congrégations et laissa la plus grande partie du reste de sa succession, constituée des trois propriétés hypothéquées, à deux des fils de son frère, des hommes instruits, James Robinson Johnston et William Robinson Johnston. Ces propriétés devinrent un enjeu des batailles que se livra la famille à la suite du meurtre de James Robinson en 1915. La succession fut finalement réglée en 1917, après la vente des propriétés, le remboursement de l’hypothèque et la répartition du solde entre la veuve de James Robinson et William Robinson, qui était alors sergent dans le No. 2 Construction Battalion, l’unité militaire des Afro-Canadiens formée en 1916.

Judith Fingard

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Judith Fingard, « JOHNSON, LOUISA ANN (Brown ; Bailey ; Tillman) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/johnson_louisa_ann_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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