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HURLBATT, ETHEL, éducatrice et réformatrice sociale, née le 1er juillet 1866 à Bickley (Londres), fille de Charles Hurlbatt et de Sophia Margaret Smith ; décédée célibataire le 22 mars 1934 à Tours, France.
Pionnière de la formation universitaire des femmes, Ethel Hurlbatt encouragea leur accès aux professions. Membre d’une fratrie de sept enfants dont le père était ingénieur minier, elle grandit dans le sud de l’Angleterre et pourrait avoir passé une partie de sa jeunesse en Afrique du Sud. Entre 1888 et 1891, elle fréquenta à titre de boursière le Somerville Hall de la University of Oxford, où elle se distingua en histoire moderne, puis poursuivit des études supérieures pendant une autre année. L’université ne décernerait pas de diplômes aux femmes avant 1920. Mlle Hurlbatt obtint sa licence et sa maîtrise ad eundem au Trinity College de Dublin en 1905 ; elle faisait partie du premier groupe de femmes à recevoir une maîtrise de cet établissement.
Au terme de ses études à Oxford, en 1892, Mlle Hurlbatt devint la première directrice de l’Aberdare Hall, résidence pour femmes du University College of South Wales and Monmouthshire à Cardiff, l’un des établissements constituants de la University of Wales fondée l’année suivante. Elle joua un rôle actif dans tous les aspects de l’éducation féminine, des études primaires à la formation technique en arts ménagers, et assuma les fonctions de secrétaire honoraire de l’Association for Promoting the Education of Girls in Wales. Elle demeura à la tête de la résidence jusqu’en 1898. Sa sœur Kate lui succéda et occuperait ce poste pendant 36 ans.
De 1898 à 1906, Mlle Hurlbatt dirigea le Bedford College (le plus ancien collège pour femmes d’Angleterre) et, membre d’office du corps professoral, elle donna des cours en économie politique. Elle siégea au conseil de l’école, intégrée à la University of London en 1900, et à tous ses comités. Comme directrice de l’établissement, elle stabilisa les finances par la récolte de fonds privés auprès d’anciens étudiants et par l’obtention d’une subvention gouvernementale plus substantielle. En dehors du collège, elle s’investit dans un certain nombre de causes consacrées à l’avancement des femmes et de l’éducation. Elle avait occupé la vice-présidence de la National Union of Women Workers et du sous-comité sur les femmes et l’éducation au Congrès international féministe, tenu à Londres en 1899.
À l’été de 1906, William Peterson*, recteur de la McGill University à Montréal, offrit à Mlle Hurlbatt le poste de directrice du Royal Victoria College, l’une des rares fonctions universitaires accessibles aux femmes de l’époque au Canada. Elle accepta et succéda ainsi à la première directrice du collège, Hilda Diana Oakeley, avec qui elle avait étudié au Somerville Hall. Ses amis croyaient qu’elle avait pris le poste dans l’espoir que la vie universitaire dans une ville coloniale, plus petite, serait moins exigeante. Malgré sa stature robuste, Mlle Hurlbatt éprouva toute sa vie des problèmes de santé. Dans la notice nécrologique qu’elle publia dans le McGill News, Susan Elizabeth Vaughan [Cameron*], qui prit la direction à sa suite, la décrirait comme ayant « une faible constitution, en particulier du système nerveux ». Elle vint au Canada à bord de l’Empress of Britain, tout comme lord Strathcona [Smith*], fondateur du Royal Victoria College, dont elle avait fait la connaissance cet été-là. Son arrivée à Montréal, en janvier 1907, coïncida avec une courte période de bonne santé. À titre de directrice du collège, elle se révélerait un modèle moral et intellectuel pour les jeunes femmes qui fréquentaient la McGill University. Le nombre d’étudiantes sous sa supervision passerait de 80 en 1912–1913 à plusieurs centaines au moment de sa retraite. Parmi ses étudiantes remarquables figurent l’historienne Vera Lee Brown Holmes, la chercheuse en science expérimentale Eleanor Marguerite Hill* et Jessie Boyd Scriver, qui deviendrait une éminente pédiatre et professeure adjointe de médecine à la McGill University. Mlle Hurlbatt, tutrice en histoire qui travailla auprès des étudiantes individuellement de 1907 à 1915, donna aussi des cours dans cette discipline. Au sein de l’université, elle fit campagne pour l’admission des femmes aux programmes professionnels. Dès son arrivée, elle tint un registre personnel des refus essuyés par des femmes qui demandaient leur admission en médecine. En 1913, elle prit l’initiative de sonder les politiques des universités britanniques sur l’acceptation des femmes dans les écoles de médecine. Dans des domaines comme les arts et les sciences, où on admettait les femmes, elle encouragea les étudiantes à poursuivre des études supérieures à l’étranger. Relativement modeste à ses débuts, son salaire annuel de 1 500 $ n’augmenterait que de 500 $ au cours de ses 22 années de service au collège, et on la jugerait non admissible au programme de rentes établi par la Carnegie Foundation for the Advancement of Teaching, car elle n’avait pas un statut de professeure à la McGill University.
Mlle Hurlbatt, qui avait des amis de langue anglaise et de langue française, participa activement à des clubs et à des entreprises philanthropiques de Montréal. Elle siégea à la commission des femmes du Comité France-Amérique de Montréal et au conseil d’administration de la section montréalaise de l’Alliance française. En 1918, le gouvernement français lui décernerait le titre d’officier de l’Instruction publique en reconnaissance de ses efforts pour la promotion du français à la McGill University. Elle s’impliqua également dans le Monteregian Club, le Women’s Canadian Club de Montréal (vice-présidente en 1908), l’Association des arts de Montréal et l’Alumnae Society of McGill University, tout en gardant son adhésion au University Women’s Club de Londres. Relativement expérimentée en matière de maisons d’entraide britanniques – où vivaient des membres des classes supérieures, dont un bon nombre étudiaient en travail social, à proximité des pauvres de la ville, dans l’espoir d’améliorer les conditions de ces derniers par le contact et la coopération –, Mlle Hurlbatt aida à la création du University Settlement of Montreal en 1910. Cette année-là, elle siégea comme bénévole au premier cercle de dames auxiliaires de l’organisation. Partisane enthousiaste du suffrage féminin, elle prononça une allocution à l’association des diplômés intitulée « Suffrage movement » en 1908 et une autre, « History of woman suffrage in England », l’année suivante. Elle prenait également la parole pour traiter de sujets aussi variés que l’hygiène, l’éducation et la place de la femme dans les milieux professionnels et industriels. Du 11 au 15 juin 1909, elle mena avec compétence les réunions du Conseil international des femmes tenues à Montréal, juste avant le congrès de l’organisme à Toronto un mois plus tard. En 1912, elle participa à l’Exposition pour le bien-être des enfants à Montréal et compta parmi les militantes anglophones bien en vue de la ville qui assistèrent à la réunion de la Canadian Public Health Association à Toronto.
La Première Guerre mondiale donna à Mlle Hurlbatt un nouveau centre d’intérêt : elle prit la responsabilité du Women’s War Register, section montréalaise d’une agence bénévole fondée en 1916 par le Women’s Canadian Club local. L’organisme avait pour but d’enrôler des femmes anglophones potentiellement aptes à travailler à la place des hommes partis servir outre-mer. On le ferma en 1917 en raison de la création, vers la fin de l’année précédente, du National Service Board, dont la mission consistait à évaluer le nombre de recrues possibles. La Serbie reconnut la contribution de Mlle Hurlbatt à l’effort de guerre en lui décernant la croix de la Miséricorde.
Pendant la pandémie de grippe espagnole en 1918, Mlle Hurlbatt tomba gravement malade. Elle assista au déclin de la santé de sir William Peterson, qui quitta son poste de recteur en avril 1919. Sir Arthur William Currie, avec qui elle entretint de bonnes relations, le remplaça. Pendant l’année universitaire de 1924–1925, elle prit un congé de maladie. L’année suivante, elle reçut une maîtrise ès arts à titre honorifique de son alma mater, la University of Oxford. Elle passa plus d’une année à l’hôpital en 1928–1929 avant de démissionner définitivement. Trois femmes philanthropes de Montréal remboursèrent personnellement les frais de son hospitalisation, qui s’élevaient à 6 000 $, en plus des honoraires du chirurgien, tandis que l’association des diplômés recueillit publiquement 2 000 $, soit l’équivalent de son salaire annuel, pour lui permettre de voyager et de poursuivre des traitements en vue d’améliorer sa santé. Après un hiver de cure aux Bermudes en 1929–1930, elle revint à Montréal, où la McGill University lui décerna un doctorat honorifique en droit.
Mlle Hurlbatt consacra les quatre dernières années de sa vie à voyager ; elle passait l’été à Montréal, et l’hiver en Angleterre et en Europe continentale. En 1932, elle s’inscrivit à l’Institut de Touraine, à Tours, pour étudier le français et le dessin, l’un de ses passe-temps favoris. Elle y fut victime d’une crise cardiaque et mourut le 22 mars 1934.
La carrière d’Ethel Hurlbatt se déroula à une époque où la présence féminine restait marginale dans les universités. Elle fut l’une des femmes les plus connues à prendre part aux défilés de la McGill University ; pourtant, son nom disparut de la liste des membres du département d’histoire dans les calendriers après 1916. Susan Elizabeth Vaughan souligna son « impressionnante force intellectuelle et morale, sa justice inébranlable et l’ardeur de son idéal », plutôt que ses réalisations universitaires. En hommage au dévouement dont elle fit preuve dans la promotion de l’éducation des femmes pendant toute sa vie, la première bourse de l’association des diplômés fut créée en son nom l’année après sa mort.
Ethel Hurlbatt est l’auteure de « Professions open to women », article paru dans The International Congress of Women of 1899, [I. M. Marjoribanks (Hamilton-Gordon)] comtesse d’Aberdeen, édit. (7 vol., Londres, 1900), 3 (Women in professions), 30–33.
McGill Univ. Arch. (Montréal), MG 4003 (Women’s War Register Committee fonds) ; MG 4014 (Susan Cameron Vaughan fonds) ; R.G. 2 (Office of the Principal and Vice-Chancellor), c.15–c.35 (William Peterson, administrative records, 1895–1919) ; R.G. 4 (Secretariat of the Royal Institution for the Advancement of Learning and the Board of Governors), c.97, file 10730 ; R.G. 14 (Office for Human Resources), c.32, file 2048 ; R.G. 42 (Royal Victoria College), c.1 (annual reports, 1923–1933) ; R.G. 76 (Associations of McGill graduates), c.88, file 79/5.— Montreal Herald, 14 sept. 1912.— Montreal Standard, 5 oct. 1912.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Margaret Gillett, We walked very warily : a history of women at McGill (Montréal, 1981).— « Miss Ethel Hurlbatt, m.a., , hon. m.a. Oxon », McGill News (Montréal), 10 (1929), no 4 : 16–17.— ODNB.— Prominent people of the province of Quebec, 1923–24 (Montréal, s.d.).— S. E. Vaughan, « Ethel Hurlbatt, ll.d., warden of the Royal Victoria College, 1907–1929 », McGill News, 15 (1934), no 3 : 18–23.— Who’s who in Canada, 1927.
Suzanne Morton, « HURLBATT, ETHEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hurlbatt_ethel_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/hurlbatt_ethel_16F.html |
Auteur de l'article: | Suzanne Morton |
Titre de l'article: | HURLBATT, ETHEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 21 nov. 2024 |